Découvrez 5 raisons pour lesquelles, en temps de COVID-19, il est plus judicieux que jamais de partager les responsabilités en matière d'accueil des réfugiés
À peine plus d'un an avant l'apparition du nouveau coronavirus, les pays du monde entier se sont réunis pour adopter le Pacte mondial sur les réfugiés (GCR en anglais) - un nouveau cadre pour une gestion plus équitable des grands mouvements de réfugiés entre les États.
Cela représente un engagement politique d'une force sans précédent et un modèle pour une meilleure coopération internationale. Le Pacte a ouvert la voie au premier Forum mondial sur les réfugiés, qui s’est tenu en décembre dernier et où les gouvernements et un large éventail d'acteurs se sont réunis pour traduire de nombreux objectifs du Pacte en engagements concrets.
Le Pacte mondial sur les réfugiés a été pensé comme un moyen de répondre collectivement à la situation critique de millions de personnes vivant dans des situations de déplacement forcé durables en tant que réfugiés, mais il propose également un plan d’action pour répondre à l’impact de la COVID-19 sur les réfugiés et les communautés qui les accueillent. Il fournit les outils nécessaires pour répondre à la fois à la phase d'urgence de la pandémie et à ses répercussions à long terme, tout en apportant des solutions aux difficultés que posent les déplacements forcés et qui ont été amplifiées par cette crise sanitaire mondiale.
Aujourd’hui plus que jamais, il est temps de mettre en pratique les cinq principes qui sous-tendent le Pacte, à savoir:
1. Faire preuve de solidarité avec les pays durement touchés
Pour répondre à une pandémie mondiale qui ne connaît pas de frontières, il est nécessaire d’appliquer de toute urgence les principes de partage des responsabilités et de solidarité mondiale qui sont au cœur du Pacte mondial sur les réfugiés. Le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a souligné que dans un monde interconnecté, "aucun d'entre nous n'est à l’abri tant que nous ne le sommes pas tous". Si l'impact de la pandémie a été dévastateur pour l'ensemble de l'économie mondiale, les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire ont subi un impact particulièrement dur et auront besoin du soutien de la communauté internationale pour se relever et pour renforcer leurs systèmes sanitaire, économique et de protection sociale. Les pays les moins à même de faire face aux épidémies de COVID-19 sont aussi, pour beaucoup d’entre eux, ceux qui continuent d'accueillir un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Il nous incombe de veiller collectivement à aider ces pays à s'adapter aux réalités de l’après-COVID.
Je viens de rentrer de Malte, une petite île-nation qui a été en première ligne de la question des flux migratoires en Méditerranée centrale au cours des dernières années. L'aide apportée par Malte aux réfugiés a permis de sauver des vies, mais une récente augmentation du nombre des arrivants, combinée à la menace que fait peser la COVID-19 sur la santé publique, a mis le système d'accueil et d'asile du pays en difficulté. Dans le cadre du Pacte, la solidarité régionale ou mondiale doit aller de pair avec des réformes nationales visant à alléger ces niveaux de contrainte et aider les pays à continuer à satisfaire à leurs obligations internationales.
2. Ne laisser personne de côté
L'inclusion des réfugiés dans les économies nationales et les systèmes nationaux de santé et de protection sociale est prévue par le Pacte mondial sur les réfugiés. La pandémie est une raison qui devrait pousser les pays à intensifier ces efforts d’inclusion plutôt que de les différer. Sans cela, la discrimination et les autres obstacles à l'inclusion créeront des conditions favorables à la non-détection de cas et à la propagation du virus.
Les stratégies d’action nationales en matière de santé publique ne seront efficaces que si elles englobent l’ensemble de la population, indépendamment de la nationalité ou du statut juridique des personnes. Du Portugal au Pérou les gouvernements ont reconnu cette réalité et ont mis en œuvre des politiques visant à garantir que les réfugiés, les demandeurs d'asile et les migrants puissent accéder aux soins de santé et à d'autres services. Cette logique doit perdurer au-delà de la phase d'urgence de la pandémie de manière à protéger le bien-être des personnes réfugiées, déplacées à l'intérieur de leur pays ou apatrides ainsi que celui de leurs communautés d'accueil.
3. Défendre le droit des réfugiés à la protection
Le Pacte mondial pour les réfugiés consacre l'importance du droit international des réfugiés, y compris dans les périodes exceptionnelles durant lesquelles les pays peuvent avoir besoin d'adapter leur régime de l'asile. Les États doivent faire en sorte que leurs actions soient conformes au droit international et que, pendant la période actuelle de pandémie, les réfugiés vulnérables ne soient pas exposés à des risques évitables. Filippo Grandi, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a fait remarquer que "la protection de la santé publique et la protection des réfugiés ne sont pas exclusives l’une de l’autre" et a déclaré que "nous devons assurer les deux à la fois".
Les États ont déjà prouvé qu'il est possible de continuer à admettre et enregistrer des personnes qui ont besoin d'une protection internationale tout en protégeant la santé de leur propre population. A l’heure actuelle, 68 pays ayant partiellement ou totalement fermé leurs frontières à la suite de la COVID-19 ont prévu des exceptions pour les personnes demandant l'asile. Moyennant une adaptation de leurs services et procédures, plus de 100 États ont réussi à faire en sorte que leur système d'asile demeure entièrement ou partiellement opérationnel.
4. Mettre en œuvre les engagements du Forum mondial sur les réfugiés pour soutenir les ripostes face à la COVID-19
Sur les quelque 1.400 promesses faites au Forum mondial sur les réfugiés qui s'est tenu à Genève en décembre dernier, beaucoup sont très pertinentes dans le contexte actuel de crise sanitaire. Les promesses qui portent sur les soins de santé, l'eau, l'assainissement et les services d'hygiène peuvent contribuer à la réussite de la réponse sanitaire dans sa phase d'urgence, tandis que celles portant sur l’accès à l'éducation, à des moyens de subsistance et à un dispositif de protection économique joueront un rôle essentiel dans le cadre de la réponse à plus long terme. Bien que la pandémie puisse retarder la réalisation de certaines de ces promesses, d'autres devraient être mises en œuvre de manière accélérée afin de contribuer aux efforts de prévention et soutenir le relèvement.
De nombreux acteurs étatiques et non étatiques montrent la voie en mettant en œuvre leurs engagements et en prenant des mesures pour atténuer la vulnérabilité des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays face à la COVID-19. Par exemple, la Poverty Coalition pour la réduction de la pauvreté, qui comprend le HCR, la Banque mondiale et 13 ONG, s'est engagée à augmenter le revenu de 160.000 ménages parmi les populations de réfugiés et les communautés d'accueil d'ici au prochain Forum mondial sur les réfugiés prévu pour 2023. Reconnaissant les répercussions économiques de la COVID-19 sur les populations déplacées, la Coalition a continué à mettre en œuvre des programmes de relèvement économique et d'autonomisation des personnes pendant les périodes de confinement. Autre exemple : le gouvernement du Malawi s'est engagé à inclure les réfugiés dans son programme de développement national. Avec le soutien du HCR et une subvention de 10 millions de dollars US accordée par le Partenariat mondial pour l'éducation, les réfugiés sont désormais pris en compte dans la réponse à la COVID-19 en matière d'éducation.
5. Faire contribuer les réfugiés aux efforts et à la mise en œuvre des solutions
Qu’ils soient soignants, éducateurs, bénévoles ou agents de sensibilisation, de nombreux réfugiés participent sous une forme ou un autre à la lutte contre le coronavirus en tant que travailleurs sanitaires de première ligne. Ce faisant, ils nous rappellent que l'inclusion socio-économique et l’appui à l'autonomisation - deux des piliers du Pacte mondial sur les réfugiés - peuvent aider les réfugiés à s'épanouir et à apporter une contribution à leur pays d'accueil.
Plusieurs pays européens ont appelé les professionnels de santé parmi leurs populations de réfugiés à se joindre aux efforts nationaux. De leur côté, le Pérou, le Chili, l'Argentine et un certain nombre d'États américains ont assoupli ou accéléré les processus de demande de résidence et d'autorisation afin de permettre aux médecins et aux infirmiers réfugiés formés à l'étranger de se joindre à la lutte contre la COVID-19. En Turquie, les professionnels de santé syriens qui étaient employés dans des centres de santé pour migrants ont été intégrés aux équipes chargées de tracer les cas contacts. De nombreux autres réfugiés pourraient contribuer aux efforts nationaux de lutte contre la pandémie si leurs qualifications étaient reconnues et s'ils avaient le droit de travailler et d'étudier.
La pandémie de COVID-19 a montré, sans doute plus qu’aucune autre crise, que le Pacte mondial sur les réfugiés a toute sa place dans ce contexte, sur le long terme. Alors, appliquons ces cinq principes pour réinventer, ensemble, un monde de responsabilités partagées.
Produit par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Écrit par Gillian Triggs, Haut-Commissaire assistante en charge de la protection au HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés. L'article a été publié initialement sur le site Medium du HCR, le 28 juillet 2020. Pour en savoir plus sur l’action du HCR, rendez-vous sur le site: https://www.unhcr.org/fr/.