Lutte contre le trafic de drogue dans le Triangle d'Or
“La Thaïlande a fait des progrès considérables dans la lutte contre le commerce de l'opium au cours des dernières décennies. Ses actions en la matière sont considérées comme des bonnes pratiques au niveau mondial. L'ONUDC a établi un partenariat de long terme avec le gouvernement thaïlandais et d'autres parties prenantes pour lutter contre le trafic de drogue dans le Triangle d'Or. Depuis la base militaire de Doi Chang Mub, qui surplombe le Myanmar, des patrouilles conjointes sont régulièrement menées pour combattre ce trafic.
Toutefois, le commerce de l'opium ayant diminué, les échanges transfrontaliers de drogues de synthèse, notamment de méthamphétamine, ont significativement augmenté.
Lien entre développement et lutte contre le trafic de drogue
Lors des réunions que nous avons eues à l’occasion d'un récent voyage dans la province, nous avons été impressionnés par les efforts déployés localement pour développer la région sur un mode durable. Nous sommes vraiment frappés de voir à quel point la lutte contre le trafic de drogue et les effets destructeurs de la toxicomanie et de la criminalité sur les individus et les communautés est intrinsèquement liée au développement et à l’amélioration des moyens de subsistance des populations. Certes, les défis à relever soint considérables, en particulier pendant la période de pandémie de COVID-19, mais, d’un autre côté, la résilience des communautés et leur engagement à améliorer le bien-être de tous nous motivent à poursuivre les efforts.
Les régions frontalières entre la Thaïlande et ses voisins, le long du Mékong, ont vu la production, le trafic et la consommation de drogues, notamment de drogues de synthèse, augmenter continuellement durant la majeure partie de la décennie.
En 2019, les quantités saisies de cette drogue dangereuse qu’est la méthamphétamine en Asie de l'Est et du Sud-Est s’élevaient à 140 tonnes, la majeure partie étant produite dans l'État shan au Myanmar, situé juste de l’autre côté de la frontière avec la Thaïlande. Avec l'augmentation de la production au Myanmar, les frontières du pays avec la Thaïlande et la République démocratique populaire lao comptent désormais parmi les plus importantes zones de trafic de drogue dans le monde.
Des profits illicites qui se comptent en milliards
On estime que la production et le trafic de drogue dans la région ont généré l'année dernière des profits d'au moins 71 milliards de dollars, la méthamphétamine représentant 61 milliards de dollars, soit quatre fois plus qu'il y a six ans. Aujourd'hui, la production et le trafic de méthamphétamine sont au cœur du financement de la criminalité transnationale organisée et des groupes ethniques armés avec lesquels cette criminalité s'associe pour contrôler des territoires autonomes du Myanmar, alimentant ainsi les conflits et l'insécurité dans le pays et le long de ses frontières, notamment celles avec la Thaïlande.
De plus, malgré les quantités record de méthamphétamine saisies, l'offre a explosé et le prix de la drogue a récemment chuté pour atteindre son niveau le plus bas en dix ans. Un comprimé de méthamphétamine, qu’on appelle "yaba" en Thaïlande et dans la région du Mékong, ne coûte actuellement que 50 baht (1,60 dollar) environ dans le nord de la Thaïlande, ce qui rend cette drogue beaucoup plus accessible aux consommateurs de drogues ou aux personnes qui pourraient commencer à en consommer.
Notamment en raison du bas prix de cette drogue et de son accessibilité, la Thaïlande a connu une augmentation significative de la consommation, en particulier chez les jeunes. Si l’on considère que 80% de la population carcérale en Thaïlande est détenue pour des charges de natures diverses liées à la méthamphétamine, il apparaît clairement que l'augmentation du trafic et la baisse des prix de la drogue ont accéléré et exacerbé les difficultés auxquelles était déjà confronté le système national de justice pénale, ainsi que les problèmes qui découlent de cette situation sur le plan des droits de l'homme.
Coordination et éducation
Les bureaux de liaison frontaliers soutenus par l'ONUDC ont représenté un élément important de la gestion et du contrôle des frontières dans la région et ont offert un moyen pratique pour améliorer la coopération transfrontalière entre les autorités. Les efforts de coordination entre la police, les douanes, l'armée, la marine et les patrouilles de la police aux frontières dans la région ont permis de recueillir et d'échanger des renseignements utiles pour faire face aux groupes criminels organisés.
Grâce à l’emploi de nouvelles technologies, notamment d’appareils à rayons X - allant de dispositifs portatifs à des engins de la taille d'un poids lourd - les autorités thaïlandaises disposent de nouveaux outils pour combattre le trafic, notamment le trafic de drogues et de produits chimiques précurseurs. Il s’agit là d’un élément central de la lutte contre ce commerce destructeur.
Le nombre de postes de contrôle frontaliers a été augmenté dans le cadre des mesures prises en réponse à la COVID-19, ce qui a permis de réduire le transit de la drogue par la province. Cependant, les réseaux criminels se sont très rapidement adaptés. Les trafiquants ont modifié leurs itinéraires pour contourner Chiang Rai et passer par d'autres provinces, ou via la République démocratique populaire lao pour revenir en Thaïlande, moyennant une augmentation marginale des coûts et des obstacles mineurs pour la poursuite du trafic.
Innover pour un avenir durable
L'économie de Chiang Rai continuera probablement à s’appuyer largement sur l'agriculture, le tourisme et le commerce transfrontalier au cours des prochaines années. Dans les secteurs de l'agriculture et du tourisme, des exemples d’initiatives innovantes montrent qu’un avenir durable est possible. Le maire de la ville de Chiang Rai, par exemple, promeut une approche fondée sur une agriculture durable et sans produits chimiques, en mettant en relation les agriculteurs de Chiang Rai avec les écoles, les hôpitaux et les marchés d'exportation.
Des acteurs de la société civile et des entrepreneurs sociaux, tels que la Fondation Mae Fah Luang, ont encouragé les tribus des villages de montagne à se tourner vers des cultures de rente alternatives. Des initiatives d’accompagnement innovantes comme celle-ci pourront aider les communautés touchées en Thaïlande, dans les pays voisins et au-delà, à abandonner le commerce de la drogue pour se tourner vers des modes de subsistance durables. Si l'on veut que les communautés qui dépendent de l'agriculture participent au développement durable, il est primordial d’y développer davantage les cultures et modes de subsistance alternatifs.
Nous sommes chanceux de pouvoir collaborer avec autant de partenaires qui œuvrent pour le développement durable à Chiang Rai et nous nous réjouissons à l’idée de pouvoir apporter un soutien plus appuyé à mesure que nous nous relèverons collectivement de la pandémie pour reconstruire les choses en mieux."
Produit par ONU Info. L'article a été publié à l’origine sur le site web d’ONU Info le 20 septembre 2020. Pour en savoir plus sur l’action de l’ONU en Thaïlande, consultez le site https://thailand.un.org/.