République démocratique populaire lao : protéger les droits au travail et renforcer la protection sociale en période de COVID-19
La pandémie de COVID-19 a mis partout en danger des vies, des emplois et des services essentiels et n’a fait que mettre en lumière et accentuer les injustices sociales et économiques sous-jacentes qui existent dans tant de sociétés. Le gouvernement laotien travaille d'arrache-pied pour protéger la population contre la propagation du virus et atténuer l'impact socio-économique des mesures de confinement. L’ONU en République démocratique populaire lao appuie l’action du gouvernement et met l'accent sur le renforcement de la protection sociale pour toutes et tous, notamment pour les plus vulnérables, le soutien à celles et ceux qui sont le plus durement touchés par la perte de leurs sources de revenus et la protection des droits au travail.
La majeure partie de la population laotienne étant employée dans l’économie informelle et dans les zones rurales, le pays souffre typiquement d’un manque d’emplois décents important et ces travailleurs sont particulièrement vulnérables face aux risques socio-économiques liés à la pandémie de COVID-19 et aux dangers qui menacent leur bien-être - et notamment leur sécurité alimentaire - en cas de perte de leur emploi ou de leurs revenus, de maladie ou d’auto- isolement, comme c’est le cas pour tous les travailleurs précaires ailleurs dans le monde. Selon l'Examen national volontaire de la République démocratique populaire lao portant sur la mise en œuvre du Programme 2030, 11 % des ménages en zones rurales ont une consommation alimentaire pauvre ou à la limite de la normale; et cette proportion pourrait s’accroître à mesure que les moyens de subsistance des ménages seront mis à mal par la perte de revenus due à la pandémie. Par ailleurs, les travailleurs employés dans d'autres secteurs majeurs de l'économie de la République démocratique populaire lao, comme celui des industries reposant sur les ressources naturelles et le secteur du tourisme (qui représente 10 % de l'emploi dans le pays, principalement généré par des micro, petites et moyennes entreprises), seront eux aussi confrontés à des difficultés, étant donné que la COVID-19 complique les opérations des chaînes d'approvisionnement internationales et a contraint le pays à suspendre son activité touristique. Toutes les personnes qui sont à la charge des travailleurs, notamment les enfants, les adolescents, les personnes handicapées et les personnes âgées, sont confrontées aux mêmes risques si la personne qui subvient aux besoins de la de famille vient à perdre son emploi.
Les migrants et les personnes qui sont à leur charge ont eux aussi été durement touchés par la pandémie de COVID-19 en République démocratique populaire lao, comme dans le reste du monde. Etant donné que les migrants représentant, selon l'Examen national volontaire, environ 8 % de la population active laotienne, l’argent qu’ils envoient à leurs proches est devenu, au cours des dernières années, une source d’aide importante pour de nombreuses familles dans le pays. On estime que 140.000 migrants sont rentrés chez eux en République démocratique populaire lao lorsque la COVID-19 a frappé, en raison de la perte de leur emploi en Thaïlande et des restrictions de voyage mises en place, ce qui s’est soldé par une perte de revenus considérable pour de nombreuses familles. Souvent, les travailleurs migrants n'ont pas accès aux soins de santé ni aux services sociaux et ne savent pas quelles sont les précautions d'hygiène de base à prendre. Certains deviennent des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays ou doivent faire à face à la stigmatisation et à la discrimination. Pour ces travailleurs migrants et pour tous les travailleurs qui souffrent actuellement, ce jour est l'occasion de nous rappeler qu’il nous faut promouvoir, partout dans le monde entier, la justice sociale et le travail décent.
Retrouvez ci-dessous la tribune de Guy Ryder, Directeur général de l'Organisation internationale du Travail, sur les moyens d’aider les personnes les plus vulnérables touchées par la COVID-19 à pouvoir continuer à subvenir à leurs besoins :
NOUVELLE NORMALITE ? MEILLEURE NORMALITE !
En ces temps de pandémie de COVID-19, l’enjeu majeur pour la plupart d'entre nous est de réussir à nous protéger nous-mêmes et nos familles du virus et à conserver notre emploi. Pour les décideurs politiques, il s’agit de vaincre la pandémie sans pour autant causer de dommages irréversibles à l'économie.
Avec plus de 3 millions de cas et quelque 217.000 victimes du virus à ce jour dans le monde et la perte attendue de l'équivalent de 305 millions d'emplois dans le monde d'ici au milieu de l'année, les enjeux n'ont jamais été aussi importants. Les gouvernements continuent à "suivre les avancées de la science" à la recherche de solutions optimales, mais renoncent dans le même temps à s’engager dans une coopération internationale beaucoup plus forte qui aurait pourtant l’avantage manifeste de permettre au pays de construire la réponse concertée nécessaire pour faire face à ce défi planétaire.
Mais la guerre contre la COVID-19 n'étant pas encore gagnée, il est devenu courant de penser que ce qui nous attend après la victoire est une "nouvelle normalité" au niveau de l’organisation de la société et dans notre manière de travailler.
Ceci n'est guère rassurant.
Parce que personne ne semble être en mesure de dire ce que sera cette nouvelle normalité. Parce que ce message signifie que cette normalité sera dictée par les contraintes imposées par la pandémie plutôt que par nos choix et nos préférences. Et parce que nous avons déjà entendu ce refrain. Celui qu’on nous répétait après le krach de 2008-2009 et qui disait qu'une fois que le vaccin contre le virus des excès financiers serait trouvé et administré, l'économie mondiale serait plus sûre, plus juste et plus durable. Mais cela ne s’est pas passé comme ça. L'ancienne normalité a été rétablie avec plus de détermination que jamais et ceux qui se trouvaient au bas de l’échelle sur le marché du travail se sont retrouvés abandonnés encore plus loin derrière.
Si bien que ce jour du 1er mai, Journée internationale du travail, nous avons eu une bonne occasion de regarder de plus près ce qu’est cette nouvelle normalité et de commencer à travailler à l’améliorer, non pas tant au bénéfice de ceux qui ont déjà beaucoup, mais surtout pour ceux qui ont de toute évidence trop peu.
Cette pandémie a mis à nu, de la manière la plus cruelle qui soit, le caractère extraordinairement précaire et injuste de notre monde du travail. C'est la destruction des moyens de subsistance dans l'économie informelle - où six travailleurs sur dix gagnent de quoi vivre - qui a déclenché l’alerte lancée par nos collègues du Programme alimentaire mondial concernant la pandémie de faim qui s’annonce. Ce sont les lacunes gigantesques dans les systèmes de protection sociale, y compris dans les pays les plus riches, qui ont plongé des millions de personnes dans la précarité. C'est l'incapacité à garantir la sécurité sur le lieu de travail qui condamne près de 3 millions de personnes à mourir chaque année à cause de leur travail. Et c'est la dynamique incontrôlée des inégalités croissantes qui fait que, si médicalement parlant, le virus ne fait pas de différence entre ses victimes, en termes d’impact social et économique, il s’attaque violemment aux plus pauvres et aux plus démunis.
La seule chose qui devrait véritablement nous étonner dans tout cela, c'est notre étonnement, précisément. Avant la pandémie, le manque flagrant d’emplois décents se manifestait surtout dans le désespoir de personnes qui souffraient en silence. Il a fallu que nous endurions la calamité de la COVID-19 pour que tous ces cas individuels s’agrègent et produisent le cataclysme social collectif auquel le monde est confronté aujourd'hui. Mais nous l'avons toujours su : nous avons simplement choisi de ne pas nous en soucier. Dans l'ensemble, les choix politiques qui ont été faits par action ou omission ont accentué le problème au lieu de contribuer à l’atténuer.
Il y a cinquante-deux ans, à la veille de son assassinat, Martin Luther King, dans un discours prononcé devant les ouvriers d’une installation d'assainissement en grève, rappelait au monde que tout travail est digne. Aujourd'hui, le virus montre de la même manière le rôle toujours aussi essentiel et parfois héroïque des personnes qui ont continué à travailler, avec un courage extrême, durant cette pandémie Des personnes qu’habituellement on ne voit pas, dont on fait peu de cas, qu’on mésestime, voire qu’on ignore. Les travailleurs du secteur de la santé et des soins, les agents de nettoyage, les caissiers de supermarchés, les employés des transports, tous trop souvent comptabilisés comme travailleurs pauvres et précaires.
Aujourd'hui, dénier à ces personnes et à des millions d'autres encore le droit à la dignité, c’est le symbole de l’échec des politiques passées et celui de nos responsabilités futures.
Nous espérons que d’ici le 1er mai prochain, la situation d'urgence extrême due à la COVID-19 sera derrière nous. Mais nous aurons à construire, pour l’avenir, un monde du travail où les injustices mises en lumière par la pandémie seront combattues. Nous aurons aussi à relever les défis chroniques des transitions climatique, numérique et démographique, qui ne peuvent plus attendre plus longtemps encore.
Voilà ce qui doit succéder durablement à l'urgence sanitaire mondiale de 2020. Voilà ce que doit être la "meilleure normalité".
Tribune de Guy Ryder, Directeur général de l'Organisation internationale du Travail. Pour lire l’intégralité de l'article, publié à l’origine sur le site web de l’ONU en République démocratique populaire lao, cliquez ici.