Allocution du Secrétaire général prononcée lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies sur l’Ukraine

Madame la Présidente, Excellences,
La guerre en cours en Ukraine constitue l'un des plus grands défis jamais posés à l'ordre international et à l'architecture mondiale de la paix, fondée sur la Charte des Nations unies.
En raison de sa nature, de son intensité et de ses conséquences.
Nous avons affaire à l'invasion en bonne et due forme, sur plusieurs fronts, d'un État membre des Nations Unies, l'Ukraine, par un autre, la Fédération de Russie - membre permanent du Conseil de sécurité - en violation de la Charte des Nations unies, et avec plusieurs objectifs, dont celui de redessiner les frontières reconnues par la communauté internationale entre les deux pays.
Cette guerre a entraîné une perte insensée de vies humaines, une dévastation massive des centres urbains et la destruction d’infrastructures civiles.
Je n'oublierai jamais les images horrifiantes des civils tués à Boutcha.
J'ai immédiatement demandé l'ouverture d'une enquête indépendante afin que les responsables soient effectivement amenés à répondre de leurs actes.
Je suis également profondément choqué par les témoignages de viols et de violences sexuelles qui nous parviennent maint.
La Haute-Commissaire aux droits de l'homme a évoqué de possibles crimes de guerre, de graves violations du droit international humanitaire et de graves violations du droit international des droits de l'homme.
La guerre a forcé plus de dix millions de personnes à se déplacer en seulement un mois.
Ce déplacement forcé de population se fait un rythme que nous n’avions jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale.
Bien au-delà des frontières de l'Ukraine, la guerre a entraîné des augmentations massives des prix des denrées alimentaires, de l'énergie et des engrais, car la Russie et l'Ukraine sont des acteurs majeurs sur ces marchés.
Elle a entraîné des perturbations au niveau des chaînes d'approvisionnement et la hausse du coût des transports, accentuant les contraintes qui pèsent sur les pays en développement.
De nombreux pays en développement se trouvaient déjà à un stade critique d’endettement du fait des effets de la pandémie de Covid-19, d’un manque de liquidités et de l’absence de mesures d’allègement de leur dette, une situation due en réalité à la nature injuste de notre système économique et financier mondial.
Pour toutes ces raisons, il devient chaque jour plus urgent de faire taire les armes.
C'est pourquoi j'ai demandé au Coordonnateur des secours d'urgence, Martin Griffiths, de se rendre en Russie et en Ukraine pour faire pression et obtenir un cessez-le-feu humanitaire immédiat.
Le Secrétaire général adjoint, M. Griffiths, fera un point sur la situation humanitaire et sur ce qu’il ressort des entretiens qu’il a eus avec ses interlocuteurs à ce jour.
La Secrétaire générale adjointe, Mme DiCarlo, vous en dira plus de son côté sur la dimension politique de cette crise.
Mais en tant que Secrétaire général des Nations Unies, il est de mon devoir d'attirer l'attention du Conseil sur les graves dégâts que subit l'économie mondiale et en particulier les populations vulnérables et les pays en développement.
Madame la Présidente,
L’analyse que nous avons réalisée indique que 74 pays en développement, dont la population totale s'élève à 1,2 milliard de personnes, sont particulièrement vulnérables face à la flambée des prix des denrées alimentaires, de l'énergie et des engrais.
Les titres de créance absorbent environ 16 % des recettes d'exportation des pays en développement. Dans les petits États insulaires en développement, cette proportion atteint 34 % et ne cesse d'augmenter en raison de la hausse des taux d'intérêt et de la nécessité pour ces pays de payer des importations coûteuses.
Au cours du seul mois dernier, les prix du blé ont augmenté de 22 %, ceux du maïs de 21 % et ceux de l'orge de 31 %.
Le 1er avril, le prix du pétrole Brent était supérieur de plus de 60 % à celui de l'année dernière à la même période. C’est une série d’événements qui a conduit à cette situation, qui n’est pas due uniquement à la situation actuelle.
Les prix du gaz naturel et des engrais ont plus que doublé au cours de la même période.
Certains pays sont déjà en train de passer d’un état de vulnérabilité à une situation de crise, avec des signes annonciateurs de troubles sociaux graves.
Les inégalités, le dénuement et le sous-financement attisent les tensions.
Nous avons le devoir d’agir face à tous ces signaux d'alerte.
Madame la Présidente,
Le Groupe mondial d’intervention en cas de crise alimentaire, énergétique et financière que j'ai mis en place le mois dernier a formulé quelques recommandations initiales à l'attention des États membres, des institutions financières internationales et d'autres acteurs.
Pour ce qui est de la réponse aux conséquences alimentaires de la crise, nous exhortons tous les pays à maintenir les marchés ouverts, à résister aux restrictions injustifiées et inutiles à l'exportation et à mettre des réserves à la disposition des pays menacés par la faim ou la famine. L'heure n'est pas au protectionnisme.
Les appels humanitaires doivent être intégralement financés.
Les populations qui souffrent dans le monde du fait des crises existantes ne peuvent pas payer le prix de cette guerre.
S’agissant des conséquences énergétiques : l'utilisation des stocks stratégiques et des réserves complémentaires pourrait contribuer à résorber en partie de la crise énergétique à court terme.
Mais la seule solution à moyen et long terme sera d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables, qui ne sont pas affectées par les fluctuations du marché.
Cela permettra d’abandonner progressivement le charbon et tous les autres combustibles fossiles.
Les énergies renouvelables sont déjà moins chères dans la plupart des cas.
Quant au volet financier : les institutions financières internationales doivent passer en "mode d'urgence".
Le G20 et les institutions financières internationales doivent agir de toute urgence pour augmenter les liquidités et permettre aux gouvernements d’assouplir leur marge de manœuvre budgétaire afin qu’ils puissent mettre en place des filets de sécurité pour protéger les plus pauvres et les plus vulnérables.
La réforme du système financier mondial que je réclame depuis longtemps n'a que trop tardé à se faire.
Toutes ces actions sont étroitement liées au programme de prévention, ainsi qu'à la construction et au maintien de la paix.
Madame la Présidente,
La guerre en Ukraine doit cesser, maintenant.
Nous avons besoin d’entamer des négociations sérieuses pour la paix qui soient basées sur les principes de la Charte des Nations Unies.
Ce Conseil est chargé de maintenir la paix et de le faire dans la solidarité.
Je déplore profondément les divisions qui ont empêché le Conseil de sécurité de prendre des mesures pour répondre non seulement à la situation en Ukraine, mais aussi à d'autres dangers qui menacent la paix et à la sécurité dans le monde.
J'exhorte le Conseil à faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin à cette guerre et atténuer son impact, tant sur le peuple ukrainien qui souffre, que sur les populations vulnérables et sur les pays en développement.
Je vous remercie.
N.B.: La traduction française de cette allocution, prononcée en anglais, n'a pas été réalisée par les services de traduction officiels de l'ONU.
Pour en savoir plus sur l’action menée par l’ONU en Ukraine, consultez le site Ukraine.un.org.