Allocution du chef de l'ONU qui appelle à soutenir les populations les plus vulnérables du monde alors que les prix de l'énergie s'envolent
Bonjour à toutes et à tous,
C'est un plaisir pour moi de me joindre à vous aujourd'hui pour lancer le troisième rapport du Groupe mondial d’intervention en cas de crise alimentaire, énergétique et financière. Voici ce rapport. Et je tiens à remercier l’Équipe spéciale mondiale d’intervention en cas de crise coordonnée par Rebeca Grynspan, ainsi que l’Équipe qui travaille sur les questions énergétiques d’avoir permis à ce rapport de voir le jour.
La guerre en Ukraine continue à avoir des conséquences dévastatrices sur la population du pays. Chaque jour, des civils meurent dans les circonstances les plus tragiques. Des millions de vies ont été anéanties ou mises en suspens.
Cette guerre est insensée, et nous devons tous faire tout ce qui est en notre pouvoir pour y mettre fin par une solution négociée, conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international.
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour limiter les souffrances et sauver des vies en Ukraine et dans la région grâce à nos opérations humanitaires. Et Martin Griffiths pourra bientôt vous en dire plus sur cet aspect.
Mais cette guerre a également un impact multidimensionnel très important bien au-delà des frontières de l'Ukraine, car elle entraîne une triple crise d'accès à la nourriture, à l'énergie et aux financements.
Partout, le budget des ménages subit les effets de la hausse des prix des denrées alimentaires, des transports et de l'énergie, une hausse alimentée par la dégradation du climat et la guerre.
Les ménages les plus pauvres risquent de mourir de faim et ceux qui disposent de revenus moyens risquent de perdre beaucoup d'argent.
De nombreux pays en développement croulent sous les dettes, n'ont pas accès aux financements, peinent à se remettre de la pandémie de COVID-19 et pourraient bien se retrouver au bord du gouffre.
Nous voyons déjà apparaître les signes avant-coureurs d'une vague de bouleversements économiques, sociaux et politiques qui pourraient n’épargner aucun pays.
C'est la raison pour laquelle j'ai créé le Groupe mondial d’intervention en cas de crise : pour trouver des solutions coordonnées à l’échelle mondiale à cette triple crise en tenant compte de ses trois dimensions - alimentaire, énergétique et financière - qui sont très étroitement interconnectées.
Le Groupe mondial d’intervention en cas de crise a formulé des recommandations détaillées sur la crise alimentaire et la crise financière. Je pense que nous faisons des progrès, notamment sur le volet alimentaire.
Le rapport publié aujourd'hui concerne la crise énergétique et est assorti de toute une série de recommandations.
Dit simplement, l’objectif est de réaliser, sur le plan énergétique, l'équivalent de l'initiative mise en œuvre pour l’exportation des céréales en mer Noire, en gérant cette crise énergétique tout en préservant l'Accord de Paris et nos objectifs climatiques.
Je voudrais vous présenter quatre des recommandations formulées dans ce rapport.
Premièrement, il est immoral que les compagnies pétrolières et gazières réalisent des profits records dans cette crise énergétique sur le dos des personnes et des communautés les plus pauvres et au prix d'une dégradation très significative de la situation climatique.
Les bénéfices cumulés réalisés par les plus grandes compagnies énergétiques au premier trimestre de cette année avoisinent les 100 milliards de dollars.
J’exhorte tous les gouvernements à taxer ces bénéfices excessifs et à utiliser les sommes ainsi recueillies pour soutenir les personnes les plus vulnérables en ces temps difficiles.
Et j'exhorte les populations du monde entier à envoyer un message clair aux compagnies qui produisent des énergies fossiles et à leurs investisseurs : cette avidité grotesque est en train de punir les populations les plus pauvres et les plus vulnérables tout en détruisant notre unique demeure commune, la planète.
Deuxièmement, tous les pays - et en particulier tous les pays développés - doivent gérer la demande en énergie. Les économies d'énergie, la promotion des transports publics et l’adoption de solutions fondées sur la nature comptent parmi les composantes essentielles de cette gestion.
Troisièmement, nous devons accélérer la transition vers les énergies renouvelables, qui sont dans la plupart des cas moins chères que les énergies fossiles.
Plus tôt au cours de cette année, j'ai présenté un plan en cinq points pour engager une révolution fondée sur les énergies renouvelables.
Les technologies de stockage, notamment les batteries, doivent devenir des biens publics.
Les gouvernements doivent développer et diversifier les chaînes d'approvisionnement en matières premières et en technologies de production d’énergies renouvelables.
Ils doivent éliminer les formalités administratives qui pèsent sur la transition énergétique et réorienter les subventions accordées au secteur des combustibles fossiles vers un soutien aux ménages vulnérables et un accroissement des investissements dans les énergies renouvelables.
Les gouvernements doivent soutenir les personnes, les communautés et les secteurs les plus touchés en mettant en place des programmes de protection sociale et en créant des emplois et des moyens de subsistance alternatifs.
Quatrièmement, il convient d’augmenter le niveau des financements privés et multilatéraux en faveur de la transition vers les énergies vertes.
Selon l'Agence internationale de l'énergie, les investissements dans les énergies renouvelables doivent être multipliés par sept pour que nous puissions atteindre l'objectif de zéro émission nette.
Les banques multilatérales de développement doivent prendre davantage de risques, aider les pays à mettre en place des cadres réglementaires appropriés et à moderniser leurs réseaux électriques et mobiliser des financements privés à grande échelle.
Je demande instamment aux actionnaires de ces banques d'exercer leurs droits et de veiller à ce que les activités de ces dernières soient conformes à leur mission.
Le rapport publié aujourd'hui développe ces idées, et Rebeca Grynspan vous en parlera dans un instant.
Mesdames et Messieurs les représentants des médias,
Tous les pays sont concernés par cette crise énergétique et tous les pays sont attentifs à ce que font les autres. Il n'y a pas de place pour l'hypocrisie.
Les pays en développement ne manquent pas de raisons pour investir dans les énergies renouvelables. Nombre d'entre eux subissent déjà les graves conséquences de la crise climatique, avec notamment des tempêtes, des incendies de forêt, des inondations et des épisodes de sécheresse.
Ce qui leur manque, ce sont des solutions concrètes et réalisables.
Pendant ce temps, les pays développés les pressent d'investir dans les énergies renouvelables sans leur apporter l’appui social, technique et financier suffisant.
Et certains de ces mêmes pays développés sont en train de mettre en place des subventions universelles au niveau des stations d’essence, tandis que d'autres rouvrent des centrales au charbon. De telles mesures sont difficilement justifiables, même si elles ne sont prises qu’à titre temporaire.
Si elles sont poursuivies, ces politiques doivent être très limitées dans le temps et ciblées afin que la charge qui pèse sur les personnes les plus démunies et les plus vulnérables soit allégée et que, dans le même temps, la transition vers les énergies renouvelables se fasse le plus rapidement possible.
Je vous remercie.
Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a prononcé cette allocution, à l’origine en anglais, à l’occasion de la publication du troisième rapport du Groupe mondial d’intervention en cas de crise alimentaire, énergétique et financière intitulé "Les conséquences mondiales de la guerre en Ukraine : la crise énergétique".
La présente traduction française n'a pas été réalisée par les services officiels de traduction des Nations Unies, mais par les services du Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD).