Allocution du Chef de l'ONU - Publication du rapport du Groupe mondial d’intervention de l’ONU en cas de crise sur les conséquences mondiales de la guerre en Ukraine, notamment sur les systèmes alimentaires, énergétiques et financiers

Allocution prononcée par le Secrétaire général des Nations Unies (Vidéo en bas de page).
Mesdames et Messieurs de la presse,
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, l’attention du monde se porte sur le nombre terrifiant de morts, de cas de destructions et de souffrance que cette guerre cause.
Depuis le début, l’Organisation des Nations Unies s’est mobilisée pour fournir une aide humanitaire aux personnes en Ukraine, qui paient le plus lourd tribut, ainsi qu’aux pays qui accueillent les réfugiés d’une crise fulgurante sans précédent en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
On accorde moins d’attention aux répercussions mondiales de la guerre dans toutes ses dimensions, dans un monde qui connaissait déjà une augmentation de la pauvreté, de la faim et des troubles sociaux.
Cette guerre amplifie une crise tridimensionnelle – alimentaire, énergétique et financière – qui frappe les personnes, les pays et les économies parmi les plus vulnérables au monde.
Cette situation intervient à un moment où les pays en développement sont toujours aux prises avec toute une pléiade de problèmes dont ils ne sont pas responsables : la pandémie de COVID-19, les changements climatiques et le manque d’accès à des ressources suffisantes pour financer le relèvement, dans un contexte d’inégalités persistantes et croissantes.
Nous faisons maintenant face à une parfaite combinaison de facteurs qui menace de dévaster les économies des pays en développement.
C’est pourquoi, dès les premiers jours de cette guerre, j’ai mis sur pied le Groupe mondial d’intervention en cas de crise alimentaire, énergétique et financière. Dirigé par une équipe spéciale au Secrétariat de l’ONU, il rend compte à un comité directeur auquel participent toutes les entités des Nations unies et les institutions financières internationales.
Aujourd’hui, nous publions le premier rapport de cette équipe spéciale.
Se joignent à moi la Secrétaire générale de la CNUCED, Rebeca Grynspan, coordonnatrice de l’équipe, et la Vice-Secrétaire générale, présidente du Comité directeur.
Mme Grynspan passera en revue les recommandations.

Je tiens à souligner deux points essentiels qui ressortent clairement de ce rapport.
Premièrement, l’impact de la guerre est global et systémique.
Pas moins de 1,7 milliard de personnes – dont un tiers vit déjà dans la pauvreté – sont aujourd’hui très exposées aux perturbations des systèmes alimentaires, énergétiques et financiers qui augmentent la pauvreté et la faim.
Trente-six pays, dont certains parmi les plus pauvres et les plus vulnérables du monde, dépendent de la Russie et de l’Ukraine pour plus de la moitié de leurs importations de blé.
Les prix étaient déjà en hausse, la guerre n’a fait qu’empirer la situation.
Très volatils depuis le début de la guerre, les prix du blé et du maïs ont encore augmenté de 30 % depuis le début de l’année.
Parallèlement, la Russie est un fournisseur d’énergie de premier plan.
Les cours du pétrole ont augmenté de plus de 60 % l’année dernière, ce qui accélère les tendances dominantes.
Il en va de même pour les cours du gaz naturel, qui ont augmenté de 50 % ces derniers mois.
Les prix des engrais ont plus que doublé.
La hausse des prix s’accompagne de la faim et de la malnutrition, notamment chez les jeunes enfants.
L’inflation augmente, le pouvoir d’achat s’érode, les perspectives de croissance s’amenuisent, le développement patine et, dans certains cas, les acquis reculent.
De nombreuses économies en développement croulent sous la dette, les rendements obligataires étant déjà en hausse depuis septembre dernier, ce qui entraîne une augmentation des primes de risque et des pressions sur les taux de change.
Un cercle vicieux d’inflation et de stagnation pourrait ainsi se former.
Il ressort également du rapport qu’il existe une corrélation directe entre la hausse des prix alimentaires et l’instabilité sociale et politique.
Notre monde ne peut pas se le permettre. Nous devons agir dès maintenant.
Ce qui nous amène au deuxième point clairement mis en exergue dans ce rapport : nous pouvons faire quelque chose contre cette crise tridimensionnelle.
Nous avons la capacité d’amortir le choc.
Le rapport propose plus d’une dizaine de recommandations, mais je m’en tiendrai à trois points fondamentaux.
Premièrement, nous ne devons pas aggraver la situation.
Autrement dit, nous devons garantir un flux régulier de nourriture et d’énergie en passant par les marchés libres.
Il s’agit de lever toutes les restrictions inutiles à l’exportation. L’heure n’est pas au protectionnisme.
Il s’agit de faire parvenir les excédents et les réserves aux personnes qui en ont besoin.
Et il s’agit de contenir les prix des denrées alimentaires et d’atténuer la volatilité des marchés alimentaires.
Deuxièmement, nous pouvons tirer parti de ce moment pour promouvoir les changements en profondeur dont notre monde a besoin.
Il suffit de voir la crise énergétique.
Dans l’immédiat, les pays doivent s’abstenir d’accumuler des stocks et libérer les stocks stratégiques ainsi que les réserves additionnelles.
Le moment est également venu de tirer parti de cette crise.
Nous devons nous efforcer d’éliminer progressivement le charbon et les autres combustibles fossiles, et d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables et une transition juste.
Et troisièmement, nous devons sortir les pays en développement du gouffre financier.
Le système financier international a d’énormes ressources.
Je plaide fortement en faveur de sa réforme.
Mais les pays en développement ont besoin d’aide maintenant, et les fonds sont là.
Nous devons les mettre à la disposition des économies qui en ont le plus besoin afin que les États puissent éviter le défaut de paiement, fournir des filets de sécurité sociale aux plus pauvres et aux plus vulnérables, et continuer de faire des investissements essentiels dans le développement durable.
Cette crise ne peut pas être réglée au coup par coup, pays par pays.
Elle est une urgence mondiale et systémique, qui exige des solutions mondiales et systémiques.
Le rapport comprend des recommandations concrètes à l’intention des institutions financières internationales afin d’accroître les liquidités et la marge de manœuvre budgétaire.
À l’approche des Réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, nous avons besoin d’une volonté et d’un leadership politiques.
Nous devons parler d’une seule voix : agir aujourd’hui permet d’éviter les souffrances de demain.
Mesdames et Messieurs,
Surtout, cette guerre doit cesser.
Le peuple ukrainien ne peut supporter la violence qui lui est infligée.
Et les personnes les plus vulnérables au monde ne sauraient devenir les dommages collatéraux d’une énième catastrophe dont elles ne sont pas responsables.
Nous devons faire taire les armes et accélérer les négociations vers la paix, maintenant.
Pour le peuple ukrainien. Pour les habitants de la région. Et pour les gens du monde entier.
Je vous remercie.