En finir avec les panels de discussion 100% masculins : L’ONU en Indonésie s’engage à promouvoir plus avant l’inclusion de femmes dans les panels d’experts

Vous avez déjà vu ça, probablement plus d’une fois même : des panels d’experts composés uniquement d’hommes.
Sans doute ces intervenants ont-ils été invités à parler d'économie, de politique, de mobilisation communautaire ou de santé.
Ils sont peut-être des experts dans leur domaine, mais il manque tout de même un élément dans ces panels : des femmes.
Il faut en finir avec ces panels d’orateurs exclusivement masculins, appelés "manels" [néologisme anglais où fusionnent les mots "panels" et "men"]. Les membres de l'équipe des Nations Unies en Indonésie ont pris l'engagement ferme de ne plus participer à des réunions, conférences ou webinaires publics composés exclusivement d’hommes. L’équipe de l’ONU a également fait connaître très largement son engagement sur les réseaux sociaux et a invité ses partenaires ainsi que la communauté diplomatique du pays à se joindre à cette initiative. Tout cela a été réalisé avec l’appui du Représentant d'ONU Femmes en Indonésie, Jamshed Kazi.
En qualité de Coordonnatrice résidente, j'ai souvent été amenée à intervenir dans des débats ou il n'y avait, à part moi-même, que des intervenants hommes. Les organisateurs évitaient de cette manière d’avoir un panel de discussion exclusivement masculin, sans pour autant respecter l'esprit d’égalité qui doit prévaloir dans des tables rondes paritaires. À chacune de ces occasions, j'ai pris soin de faire remarquer l'absence d'autres femmes parmi les intervenants.

Pourquoi en finir avec les panels exclusivement masculins ? Il y a plusieurs raisons à cela. Je n'en exposerai ici que quelques-unes.
Les panels d'intervenants exclusivement masculins ne permettent pas de représenter la diversité qui existe dans le monde. Ils nous privent de la possibilité d’avoir un point de vue plus global, plus original et plus perspicace sur les sujets abordés. Ils nous amènent à avoir une vision étriquée des choses : ils limitent notre compréhension des sujets car ils ne permettent de voir que le point de vue des hommes. Ils peuvent ainsi nous conduire à tirer des conclusions incomplètes, voire erronées sur un sujet donné.
Tous les sujets, sans exception, concernent les femmes, qu'il s'agisse d'éducation, de santé, de conflits, d'assainissement ou d'infrastructure.
En outre, les panels composés exclusivement d’hommes sont une expression de sexisme et d'exclusion qui vient conforter le stéréotype sexiste de l'homme qui est aux commandes ou de l’homme qui détient des compétences supérieures. Ils signifient en quelque sorte que les femmes ne sont pas capables d’apporter une contribution valable au débat. Or, quel que soit le sujet abordé, il y a des femmes qualifiées pour en parler. Pendant très longtemps, les hommes ont dominé les débats publics et leurs points de vue ont été valorisés de manière disproportionnée par rapport à ceux des femmes. Pour justifier cela, les organisateurs font souvent valoir l’excuse selon laquelle ils auraient plus de difficulté à trouver des femmes panélistes. Il va falloir qu’ils s’efforcent de chercher un peu plus.
Les panels composés exclusivement d’hommes deviennent une véritable aberration lorsque le sujet abordé concerne directement les femmes, comme c’est le cas par exemple pour la question des droits en matière de sexualité et de procréation.
Les jeunes militants avaient une devise : "Rien sur nous sans nous". Cette devise est également valable pour les sujets qui concernent les femmes.
Si nous voulons réaliser la parité des sexes aux postes présidentiels, sur les bancs des assemblées parlementaires et dans d'autres sphères du pouvoir, nous devrions être capables d’avoir des femmes dans chaque panel de discussion. Aucune raison ne peut justifier que les femmes en soient exclues. Nous avons au contraire toutes les raisons de les y inclure, parce qu’elles éclairent les débats d’un point de vue différent de celui des hommes et soulèvent des questions et des problématiques auxquels les hommes pourraient ne jamais penser.
Pour ces raisons, entre autres, l’ONU en Indonésie a pris l'engagement de ne pas laisser les femmes à l'écart des débats et, grâce à un travail de conviction et à l’appui déterminé de l'ambassadeur du Canada, plus de 40 ambassadeurs ont eux aussi pris cet engagement. Parmi eux figurent non seulement les ambassadeurs des pays donateurs qui nous soutiennent habituellement, mais aussi des ambassadeurs représentant un large éventail de pays de tous les continents. De hauts fonctionnaires du gouvernement indonésien se sont eux aussi joints à cette initiative. C’est le cas notamment du ministre de la planification du développement, du chef adjoint de l'Agence nationale de lutte contre le terrorisme et de trois directeurs généraux du ministère des affaires étrangères. L'intérêt pour cette initiative étant considérable, nous nous attendons à ce qu’un plus grand nombre d'ambassadeurs, de ministres et même de PDG d'entreprises privées viennent rejoindre nos rangs.
L'ONU en Indonésie élabore actuellement un guide pratique et facile d’utilisation destiné à aider les membres de l’équipe de pays de l’ONU et leurs partenaires externes à ne plus co-organiser de réunions où est prévu un panel exclusivement masculin et à ne plus prendre la parole à l’occasion de tels événements. Il est clair que dans certaines disciplines, il y a beaucoup moins de femmes que d'hommes et que, même avec les meilleures intentions du monde, il peut s’avérer très difficile pour les organisateurs d'identifier des femmes expertes dans certains domaines qui soient susceptibles d’apporter un point de vue sur le sujet abordé. C'est la raison pour laquelle une base de données en ligne identifiant des femmes expertes dans différentes spécialités a été lancée cette semaine par HIVOS, une ONG internationale de premier plan, avec le soutien des ambassades du Canada et des Pays-Bas, avec l’idée de remédier à ce problème ancien. Mais nous savons qu’il n'existe ni solution miracle, ni solution rapide. Le phénomène des panels composés exclusivement d’hommes ne va pas disparaître du jour au lendemain, mais l’ONU aura incontestablement placé la barre plus haut, élevé son niveau d’exigence en matière d’égalité entre les sexes pour l’octroi de ses ressources et de son appui, fait un travail de sensibilisation important auprès du public et créé un effet d’entraînement grâce auquel les discours sur les politiques publiques favorables à un équilibre entre les sexes sont devenus courants.
L'engagement en faveur de panels d’intervenants non exclusivement masculins est parfois interprété comme une attaque à l’encontre des hommes. En réalité, il n’est pas question de dénigrer le point de vue des hommes, mais simplement de souligner l'évidence et de l'inverser : organiser des panels de discussion sans y inclure de femmes ne va pas dans le sens du monde d'égalité, de liberté et de paix que nous ambitionnons de construire et dont nous avons besoin.
Article produit à l'origine en anglais par le Bureau de la Coordonnatrice résidente en Indonésie, avec l’appui éditorial de Paul VanDeCarr, du Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD). Traduit en français par e BCAD. Pour en savoir plus sur l’action menée par l'équipe de pays des Nations Unies en Indonésie, consultez le site Indonesia.UN.org.