L’Ouzbékistan exploite la technologie de la chaîne de blocs pour lutter contre la corruption
Le gouvernement ouzbek est préoccupé, à juste titre, par la façon dont la population perçoit la corruption dans le pays. Selon l'Indice de perception de la corruption développé par l’organisation Transparency International, qui note les pays en fonction du degré de corruption de leur administration, l'Ouzbékistan se classe 157ème sur 180 pays. En 2018, le bureau du Procureur général ouzbek a déclaré que 1.561 fonctionnaires avaient été poursuivis pour corruption.
Depuis deux ans, le gouvernement d'Ouzbékistan travaille sans relâche pour mettre fin à une corruption persistante qui sévit depuis longtemps dans divers secteurs. Cet engagement est soutenu par le Président Mirziyoyev, selon les propos duquel l'Ouzbékistan est "étranger à des notions comme la justice, l'honnêteté, la responsabilité, le respect des exigences, ou l’engagement au service du peuple." On ne saurait en effet que trop insister sur le défi que représente pour l'Ouzbékistan la lutte contre une corruption profondément ancrée dans les pratiques de l’administration. Le côté positif des choses, néanmoins, c’est que nous sommes en train de démontrer l’intérêt du recours à la technologie de la chaîne de blocs [connue en anglais sous le nom de "blockchain"] pour combattre la corruption.
Une technologie nouvelle pour s’attaquer à un vieux problème
Selon un décret présidentiel signé en juillet 2018, la technologie de la chaîne de blocs sera intégrée, à partir de 2021, aux opérations effectuées par l’administration ouzbèke. L’objectif est d’améliorer les services publics et de garantir la transparence des opérations et l’application du principe de responsabilité. En réponse à cette déclaration, nous, entités membres du système de l'ONU en Ouzbékistan (en l’occurrence le PNUD, l'UNICEF et l'UNODC), avons uni nos forces pour étudier, avec l’appui du Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD), la manière dont la chaîne de blocs peut être utilisée pour limiter la corruption dans les secteurs public et privé du pays.
Nous nous sommes inspirés pour cela d’initiatives mises en œuvre dans d’autres pays de la région pour lutter contre la corruption à l’aide de cette technologie. À titre d’exemple, la Géorgie a récemment utilisé la chaîne de blocs pour contrer des fraudes aux titres fonciers. Dans notre cas, nous avons choisi d’expérimenter des solutions basées sur la chaîne de blocs dans des secteurs touchés depuis longtemps par la corruption, en mobilisant des dirigeant(e)s résolu(e)s à changer les choses et en nous préparant sur le plan technique pour pouvoir promouvoir la mise en œuvre de cette nouvelle technologie. Nous avons choisi deux domaines d'intervention :
- Les certificats scolaires : Basé sur des documents papier classiques, le système actuel d’émission des certificats scolaires rend aisée la délivrance de certificats scolaires non valides par les personnels des établissements scolaires publics. Sachant que les certificats scolaires sont conservés par les établissements eux-mêmes et qu’il n'existe aucune base de données numérique centralisée qui permette de vérifier la validité de chaque certificat, il est difficile de suivre l’émission de ces certificats et de savoir qui délivre des documents non valides et à qui ces documents sont délivrés.
Pour aider le pays à remédier à ce problème, l'équipe de l'ONU a créé pour le Ministère de l’Enseignement public, d’une part un service en ligne lui permettant d’enregistrer numériquement les certificats délivrés et, d’autre part, une chaîne de blocs privée qui lui permet de s'assurer que les enregistrements effectués dans la base de données ne sont pas manipulés via la plateforme rendue accessible au public pour l’obtention en ligne des certificats. À l’heure actuelle, le service en ligne mis en place est intégré à la chaîne de blocs privée déployée sur les serveurs du Ministère et des tests préliminaires sont effectués au sein de l’agence gouvernementale concernée. Une fois que nous aurons fini de tester cette solution, nous la mettrons à la disposition des établissements scolaires et des départements en charge de l’enseignement public dans tout le pays.
- Le service du cadastre : Le mode de fonctionnement actuel du service du cadastre d'Ouzbékistan rend aisée une manipulation, par les inspecteurs des comités, des enregistrements effectués dans les bases de données numériques centralisées, car il leur est possible de modifier la taille déclarée des biens immobiliers enregistrés, de réduire le montant des impôts qui y sont liés et de changer le statut juridique des biens avant qu’un achat ou qu’une vente n’ait lieu.
Dans l’optique de trouver un moyen qui permette de détecter ces manipulations frauduleuses, notre équipe, en collaboration avec le Comité du cadastre de l'État, a développé, à des fins de démonstration, une application basée sur une chaîne de blocs qui empêche d’effectuer des opérations non autorisées sur les données immobilières enregistrées dans la base de données centralisée du gouvernement. Les citoyen(ne)s peuvent aussi, grâce à ce système, consulter les dossiers relatifs à leurs biens immobiliers sur Internet via un portail public, ce qui accroît la transparence du travail de l'organisme public en question. Cette application est en cours de déploiement sur les serveurs du Comité et est actuellement testée en interne. Il s'agira ensuite de piloter la mise en œuvre de ce système basé sur une chaîne de blocs en utilisant les données réelles du cadastre.
Pour mener ces projets à terme au-delà de leur phase d’expérimentation, notre équipe travaille avec un certain nombre de partenaires nationaux pour élaborer un cadre institutionnel et réglementaire qui facilitera le déploiement de ces solutions. Nous savons en effet que pour que des systèmes basés sur des chaînes de blocs soit déployés efficacement au sein du système de l’enseignement public et du service du cadastre, il faut que certaines choses changent à la fois au niveau des agences publiques et au niveau législatif, car le nouveau statut juridique des données qui seront stockées dans les chaînes de blocs doit être défini.
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Article traduit de l'anglais vers le français par le Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD).