Unité d'action des Nations Unies : une collaboration transfrontalière pour construire une paix durable dans la région d’Abyei

L’initiative "Unis dans l'action" fait depuis longtemps partie intégrante de la stratégie du système de l’ONU pour le développement et vise à renforcer la cohérence, l'efficience et l'efficacité de l’action de l’ONU au niveau des pays. Mais quels résultats obtiendrait l’ONU si cette stratégie de l’unité était adoptée non seulement au niveau des pays, mais aussi au niveau transfrontalier ?
En réponse à la demande du Secrétaire général de l’ONU d’élaborer un programme conjoint pour la région d'Abyei (Résolution 2609 du Conseil de sécurité de décembre 2021), nous avons mis en place une structure de coordination informelle réunissant nos deux bureaux, les entités de l’ONU et la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA, qui est la mission de maintien de la paix de l’ONU à Abyei). Abyei est une zone administrative qui fait l'objet d'un litige politique entre le Soudan et le Soudan du Sud, les deux pays revendiquant ce territoire. Le contexte politique dans lequel l'ONU et ses partenaires opèrent dans la région rend la collaboration extrêmement difficile compte tenu du fait que les déplacements y sont restreints et l'accès à certaines communautés y est limité.
Dans le cadre des efforts transfrontaliers que nous menons pour surmonter ces difficultés, nous avons effectué une visite conjointe à Abyei en juin de cette année pour mieux comprendre comment les équipes de pays de l’ONU peuvent venir en aide aux personnes vulnérables qui y vivent et comment elles peuvent apporter une réponse collective aux problématiques qu’elles rencontrent dans cette zone enclavée.
La grande pauvreté qui règne dans la région d'Abyei aggrave les lignes de fracture et alimente les conflits intercommunautaires. Nous en avons été les témoins directs lors de notre visite. Les habitants nous ont dit qu'ils avaient un besoin urgent d'eau, de services d’assainissement, de soins de santé et de services de protection. Nous avons par ailleurs rencontré les représentant·e·s des autorités nationales afin de solliciter leur appui et d'instaurer un climat de confiance avec elles et avons également échangé avec des acteurs de la société civile des communautés Misseriya et Ngok Dinka, la première étant une communauté pastorale pour l’essentiel et la seconde une communauté composée principalement d’agriculteur·trice·s.
En dépit des griefs que ces deux communautés nourrissent l’une à l’égard de l’autre, nous avons appris que leurs habitants avaient besoin d’aide pour pouvoir accéder aux mêmes services de base. Les échanges que nous avons eus avec les différents acteurs sur place nous ont permis de comprendre ce qu’il convenait de faire pour élaborer des projets de développement qui rassemblent les deux communautés autour d'intérêts communs et, par voie de conséquence, favorisent une coexistence intercommunautaire pacifique.

À la suite de la visite de terrain que nous avons effectuée, des "interventions mobiles" ont été mises en place (incluant la mise sur pied de cliniques et d’écoles) qui nous permettent de répondre aux besoins des deux communautés sans construire d'infrastructures qui pourraient encourager l'installation des habitants dans certaines zones. Pour continuer à résoudre les problèmes que rencontrent les personnes que nous avons rencontrées sur le terrain, nous prévoyons maintenant de travailler dans des zones où les deux communautés se rencontrent régulièrement, et notamment dans la zone du marché d'Amiet.
Opérer conjointement dans un environnement politique et social aussi complexe que celui où se trouve Abyei est un défi majeur, mais c'est un défi que nous pouvons relever avec un effort de coordination important et un appui régional solide.
Ce défi n'est toutefois pas propre à la région d'Abyei. Les tensions entre les communautés agricoles et les communautés nomades sont très courantes dans toute l'Afrique, et elles dépassent souvent le cadre des frontières nationales, ce qui rend de plus en plus important le double enjeu de la collaboration entre les pays concernés et de la recherche de solutions ancrées dans une approche intégrée des interventions humanitaires, de développement et de consolidation de la paix.
En tant que Coordonnatrices résidentes, nous espérons que le travail que nous effectuons selon cette approche globale pour améliorer la vie des gens à Abyei continuera à porter ses fruits. Nous avons déjà pu constater l’impact de la décision que nous avons prise de travailler comme une seule unité transfrontalière, en mettant en commun les ressources dont disposent les deux équipes de pays de l’ONU, la FISNUA et le Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix (DPPA). Continuons à faire avancer ensemble les choses dans le cadre de la stratégie "Unis dans l'action".
Quelques informations contextuelles sur la région d’Abyei
Située à cheval sur le Soudan et le Soudan du Sud, la zone administrative contestée d'Abyei n'est pas étrangère à la violence. Elle est revendiquée par les gouvernements des deux pays et son statut politique n’a été défini ni par l'Accord de paix global signé en 2005, ni par le Référendum sur l'indépendance du Soudan du Sud de 2011, ce qui crée un climat de vive tension politique, ne permet pas à l'État de droit de s’imposer face au droit coutumier et fait éclater de très nombreux conflits intercommunautaires.
Les gouvernements des deux pays n'ont pas été incités à investir dans des infrastructures de base pourtant indispensables, et cela a créé une situation humanitaire catastrophique. Ainsi, les sites pour personnes déplacées sont surpeuplés, la production alimentaire est insuffisante, l'eau est rare et 70 % des enfants ne sont pas scolarisés.
Le statut de la zone d’Abyei est également contesté pour des raisons intercommunautaires. Des conflits territoriaux de longue date, qui éclatent principalement entre la communauté Misseriya, qui pratique l'agro-pastoralisme, et la communauté Ngok Dinka, qui vit dans le sud, donnent fréquemment lieu à des attaques armées, à des actes de violence sexiste et à des enlèvements d'enfants. Les affrontements qui ont eu lieu en février de cette année ont été à l’origine du déplacement de plus de 70.000 personnes et ont de ce fait exacerbé la crise humanitaire préexistante.
De nombreuses organisations internationales sont présentes sur place et s'efforcent de répondre aux besoins des habitants sur le terrain : ONG, entités de l’ONU membres des deux équipes de pays de l’ONU et Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA), laquelle a été déployée en 2011 pour protéger les civils et faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire.
Cette note de blog a été coécrite à l’origine en anglais par Khardiata Lo N'Diaye, la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général de l’ONU, Coordonnatrice résidente de l’ONU et Coordonnatrice humanitaire au Soudan et Sara Nyanti, la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général de l’ONU, Coordonnatrice résidente de l’ONU et Coordonnatrice humanitaire au Soudan du Sud.
Appui éditorial fourni par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD). Traduction française réalisée par le BCAD. Pour en savoir plus sur l'ONU au Soudan et sur l’ONU au Soudan du Sud, consultez les sites Sudan.un.org et Southsudan.un.org, respectivement.














