Palestine : Dégager des solutions grâce à l’approche dite de la "déviance positive"

Afin d'accélérer les processus communs d'apprentissage au sein des organismes de l’ONU par l’expérimentation de méthodes innovantes, plusieurs agences, fonds et programmes de l’ONU actifs en Palestine ont lancé, au printemps 2018, un Laboratoire d'innovation pour la Palestine, sous le leadership d’ONU-Femmes. Des acteurs du changement et des facilitateurs du Réseau pour l'amélioration du bien-être (appelé en anglais "Welfare Improvement Network") nous ont soutenus dans la création de ce laboratoire et nous ont aidés à le faire fonctionner.
Dans ce contexte, cinq entités de l'ONU ont très vite adopté l'approche dite de la "déviance positive" afin d’identifier, au sein des communautés, des individus (ainsi qualifiés de "déviants positifs"), qui mettent en pratique avec succès certains changements de comportements, souvent à contre-courant de normes sociales néfastes. L'adoption de l'approche de la déviance positive nécessite un changement de paradigme : c’est dans le problème que se trouve la solution à ce problème. Prenons l’exemple d’un verre à moitié plein : si le problème est que le verre est à moitié vide, alors la solution résidera dans le fait qu’il est à moitié plein. Cette approche oblige à envisager que des solutions puissent se dégager de changements créés par la communauté elle-même.
Les "déviants positifs", ces membres de la communauté qui développent des solutions de l'intérieur
La première étape à franchir avant d'identifier des "déviants positifs" est de reconnaître l'existence du problème. Définir le problème peut sembler être une tâche facile, mais en réalité, il n’en est rien. Avec l'approche de la déviance positive, il faut aller plus loin pour comprendre le "comment" du "pourquoi" d'un problème. Si le problème concret qui se pose n’est pas bien défini, il sera très difficile de dégager des solutions pour y remédier.
Expérimenter l'approche de la déviance positive
Le Laboratoire d'innovation pour la Palestine applique actuellement l’approche de la déviance positive à des projets déjà en cours d'ONU-Femmes, du PNUD, de l'UNICEF, d'ONU-Habitat et de l'ONUDC. Cette expérience aide les organisations à dévoiler et mettre en œuvre des solutions durables pour résoudre des problèmes complexes qui se posent en Palestine.
Des hommes défenseurs de l'égalité des sexes
En Palestine, ONU-Femmes travaille avec des organisations communautaires locales pour identifier des hommes qui, à contre-courant des pratiques habituelles, défendent le droit des femmes à l’héritage et soutiennent l’idée d’un partage des tâches ménagères et de la prise en charge des enfants entre maris et épouses. Ces hommes sont, en cela, à la fois une solution au problème et une source de solutions, car ils encouragent activement les autres hommes à changer de comportement pour faire progresser l'égalité des sexes. La stratégie qu’ils adoptent pour y parvenir est directe et personnalisée : ils frappent à la porte des foyers, s’expriment dans des conférences et attirent l'attention de la population, sur les réseaux sociaux, sur l'importance de l'égalité des sexes.
L’animateur radio Yousef Nassar, par exemple, utilise son compte sur les réseaux sociaux pour expliquer comment les hommes peuvent faire avancer l'égalité des sexes au sein du foyer et au travail. Dans la partie sud de Gaza, à l’occasion des prières du vendredi, l’imam d’une commune locale encourage les jeunes à s'abstenir de se marier trop tôt. Grâce à cet engagement, un certain nombre de couples ont décidé de repousser la date de leur mariage jusqu'à l'âge de 18 ans.
ONU-Femmes fait de son côté un travail de sensibilisation sur l'égalité d'accès aux opportunités économiques et aux emplois décents pour les femmes. L’Organisation s’appuie pour cela sur l'approche de la déviance positive en mettant en avant des femmes entrepreneures et des cheffes d'entreprises.
Encourager les leaders qui mènent une action en faveur de l’inclusion
Dans le cadre du programme "Al Fakhoora Dynamic Futures", le PNUD a identifié 30 jeunes "déviants positifs" parmi des étudiantes et étudiants de niveau post-secondaire issus de milieux défavorisés. Grâce à cette initiative, les étudiant(e)s auront une meilleure chance de réaliser leur plein potentiel et de surmonter les obstacles socio-économiques, politiques et culturels auxquels ils/elles auront à faire face. De même, leurs actions encourageront d’autres membres de la communauté à adopter des comportements positifs.
En collaboration avec PalVision, une ONG locale dont l’action est axée sur l’intérêt des jeunes, l'UNICEF s’emploie à réduire le nombre de cas de violence et de harcèlement dont sont victimes les jeunes écoliers (garçons) inscrits dans un établissement de Bethany, à Jérusalem-Est. Dans la ville de Barta'a, dans la zone C de la Cisjordanie, ONU-Habitat aide les autorités palestiniennes locales à fournir des services de planification aux communautés qui risquent d'être déplacées vers la zone C, laquelle est contrôlée par Israël.
L'ONUDC travaille pour sa part sur la prévention de la criminalité chez les jeunes par le biais du sport dans le cadre d’un partenariat avec le Conseil supérieur de la jeunesse et des sports. L’Organisation identifie les entraîneurs et les professeurs de sport qui ont fait montre d’une forte sensibilité aux questions de genre. Avec l’appui des organisations communautaires, ces "déviants positifs" ont commencé à élaborer des stratégies visant à multiplier les comportements positifs au sein de leur propre communauté afin de promouvoir l'égalité des sexes.
Quel doit être notre rôle dans l’application de l'approche de la déviance positive ?
Pour que les communautés s'approprient totalement cette approche, nous devons jouer un rôle d'observateurs, et non celui d'experts ou de praticiens chargés de mettre en œuvre les projets. C'est précisément là que réside toute la beauté de l'approche de la déviance positive, ou peut-être, en définitive, le défi qu’elle représente. Nous devons faire preuve de patience et attendre que les "déviants positifs" créent eux-mêmes des changements de l'intérieur.
L’enseignement que nous avons tiré de l’application de l’approche de la déviance positive en Palestine est que les "déviants positifs" doivent être issus de la communauté elle-même. Écouter un voisin vous parler de changement de comportement sur un sujet ou un autre aura plus d’impact sur vous que si vous écoutiez des personnes extérieures à votre communauté vous tenir le même discours. C'est cela qui fait la force de la déviance positive. Les "experts" ou les personnes "extérieures" qui travaillent pour les organismes internationaux et les organisations de la société civile doivent se contenter de jouer un rôle d'observation, tandis que les membres de la communauté doivent, eux, occuper le devant de la scène et devenir à la fois les artisans du changement et ses bénéficiaires.
Vous avez appliqué l'approche de la déviance positive pour mettre en œuvre votre projet ? Alors, n’hésitez pas à nous faire part de votre expérience !
Article traduit de l’anglais vers le français par le Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD).














