Au Népal, une radio diffuse une émission sur des thèmes que les "manuels scolaires ne couvrent pas toujours"


Dans un collège du sud du Népal, Kumkum Patel se tient devant un groupe de camarades de classe et d'enseignant(e)s réuni(e)s dans une salle de cours et leur raconte une histoire. Au-delà de l'histoire en elle-même - qui invite à choisir judicieusement ses ami(e)s - c'est la confiance qui se dégage de Kumkum qui fait impression.
"Avant, je détestais parler devant beaucoup de monde", admet la jeune fille de 16 ans. "Ce n'est que récemment, en m’entraînant pendant les ‘sessions radio’, que j’ai commencé à me sentir plus à l'aise."
Les "sessions radio" sont des moments d’échange entre élèves diffusés lors d’une émission radio hebdomadaire populaire pour adolescent(e)s appelée "Rupantaran", un terme qui signifie "transformation" en népalais. Les épisodes de ce programme couvrent des sujets comme la santé procréative, l'égalité des sexes, la nutrition, ou encore la communication, des sujets particulièrement populaires auprès des filles. Conçue pendant la pandémie de COVID-19, alors que les écoles étaient fermées, l'émission se veut vivante et axée sur l’échange de points de vue.
Le lycée de Kumkum fait partie des 120 établissements scolaires qui ont été sélectionnés pour organiser des sessions hebdomadaires de discussion - en personne - dans le cadre du programme Rupantaran. Ces sessions permettent à Kumkum de s'entraîner à exprimer ses opinions devant ses camarades.

"J'aime le fait que l'émission aborde des sujets que nos manuels scolaires ne couvrent pas toujours", confie Kumkum, en citant l'exemple du dernier épisode, qui a abordé la question des jeunes et de l'épargne. "Faire attention à l'argent qu’on dépense, ne pas le dépenser pour des choses inutiles, ces conseils nous aident dans notre vie quotidienne."
Les parents de Kumkum sont tous deux heureux de voir leur fille si enthousiaste et si déterminée à apprendre et à grandir.
Jadulal, le père de Kumkum, est fier des résultats scolaires de sa fille et désireux de l'aider à devenir indépendante. "Elle a aimé l'école dès le premier jour où nous l'y avons inscrite et elle a toujours travaillé dur et de manière consciencieuse."

En même temps, il reconnaît que les mariages précoces et le système de la dot prévalent toujours dans leur communauté et empêchent les enfants - surtout les filles - de réaliser leur potentiel.
Ce sentiment est partagé par la mère de Kumkum, Laxmi, qui explique que les épisodes de l’émission Rupantaran consacrés à la santé sexuelle et procréative lui ont ouvert les yeux, notamment parce qu’ils expliquent quels dangers encourent les enfants lorsqu’ils sont mariés très jeunes.
"Nous n’avions pas ce niveau de conscience lorsque nous avons élevé les plus âgés de nos enfants", regrette-t-elle. "Mais nous sommes mieux informés maintenant".

Sakila : "Tout le monde devrait pouvoir faire ce pour quoi il est doué".
"On ne devrait pas vous dire, si vous êtes une fille, que vous ne pouvez faire que certaines choses ni, si vous êtes un garçon, que vous devez faire autre chose. Tout le monde devrait pouvoir faire ce pour quoi il est doué".
C'est en ces termes que Sakila Khatun, 13 ans, s’est exprimée lors d'un échange avec ses camarades de classe dans le cadre d’un récent épisode consacré à l'égalité des sexes.
Pour Sakila, ces échanges sur des sujets ciblés avec ses camarades l'aident à mieux assimiler ce qu'elle entend dans l'émission. "Les choses sont toujours plus claires quand on peut parler de ce qu'on a appris", dit-elle.
Sakila a récemment eu l'occasion de se rendre au studio pour enregistrer une chanson qu'elle avait écrite sur les problèmes qu’engendre le système de la dot. Elle explique aimer chaque minute de la session. "Je pensais que je serais nerveuse, mais ça n’a pas été le cas", se réjouit-elle. "J'ai demandé à toute ma famille, à tous mes amis et à tous mes voisins d'écouter mon passage lorsque l'épisode serait diffusé. J'espère qu'ils l'apprécieront."

Fatima : "Je regrette de m'être précipitée pour marier mes enfants"
La mère de Sakila, Fatima, écoute, elle aussi, cette émission de radio. Elle reconnaît qu'elle apprend grâce à elle à être une meilleure amie pour ses enfants.
"Quand on élève des enfants, on oublie ce que c'était que d'être soi-même un enfant et ce que nos propres enfants traversent", explique Fatima. "Je me suis rendu compte que je devais les soutenir davantage".
Pour Fatima, qui a été mariée "si jeune" qu’elle se "souvient à peine de ce jour-là", et dont les filles et les fils aînés ont également été mariés jeunes, les épisodes qui ont été diffusés sur la question du mariage d’enfants et les discussions qui s’en sont suivies avec sa fille Sakila lui ont permis de prendre davantage conscience du problème. Le Népal a l'un des taux de mariage d'enfants les plus élevés de toute l'Asie - tant chez les filles que chez les garçons - et le problème persiste plus particulièrement dans les localités conservatrices.
"Vous n'êtes tout simplement pas prête dans votre corps ni dans votre esprit, à cet âge-là, à devenir la femme de quelqu'un, la belle-fille de quelqu'un", insiste Fatima aujourd'hui. "Je regrette de m'être précipitée pour marier mes enfants".
Nazir, le père de Sakila, a pris, lui aussi, conscience du problème. "Je veux que ma fille soit indépendante et qu'elle sente que nous sommes là pour la soutenir dans ce qu'elle veut faire de sa vie", dit-il.
Mais au fait, que veut faire leur fille Sakila dans la vie ?
"Je change souvent d’idée sur la question, mais pour l'instant je veux devenir officière de police", confie-t-elle. "Les gens vous respectent et vous avez le pouvoir de prendre des mesures contre ceux qui enfreignent la loi. C'est ce que je veux faire".
Cet article s'inspire de deux articles publiés initialement en anglais par l’équipe de pays des Nations Unies au Népal. Appui éditorial fourni par Lyla Peng et Paul VanDeCarr, du Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD). Traduction française réalisée par el BCAD. Pour en savoir plus sur l’action menée par l'ONU au Népal, consultez ce site web.
Pour connaître les résultats de nos activités dans ce domaine et dans d'autres, consultez le dernier rapport en date de la Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable sur le BCAD.