Au Belize, les femmes se mobilisent pour briser le cycle de transmission intergénérationnelle de la violence
"La première fois que mon mari m'a battue, j'ai été surprise", raconte Yolanda*, 35 ans, mère de deux enfants. La deuxième fois que son mari a battu Yolanda, c'était devant son fils de 5 ans. Pour elle, ce fut un tournant. "Mon fils suppliait : Non, papa ! Non ! C'est à ce moment-là que je me suis dit : Je ne vais plus accepter ça".
Yolanda a quitté son domicile et a emmené ses enfants chez une amie pour y passer quelques jours. C'est alors qu'elle a appris l'existence de l'Organisation productive pour les femmes en action (Productive Organization for Women in Action, en anglais, ou POWA), une association communautaire soutenue par l'Initiative Spotlight qui aide les survivantes de la violence de genre.

Grâce au soutien de l'Organisation productive pour les femmes en action, Yolanda a emménagé dans sa propre maison et a reçu des colis alimentaires jusqu'à ce qu'elle puisse se remettre sur pied. En plus de participer aux sessions de formation à l'entrepreneuriat organisées par l’association pour aider les femmes à devenir financièrement indépendantes, Yolanda s’est engagée comme bénévole auprès de l’association. Elle indique que le fait d'aider les autres lui donne de la force.
"Je suis là pour beaucoup de gens, même si je traverse mes propres difficultés", confie-t-elle.
Yolanda est particulièrement heureuse de pouvoir aider des femmes à exercer leurs droits sexuels et reproductifs. "J'aide deux jeunes femmes à obtenir des contraceptifs", dit-elle. "Leurs partenaires ne veulent pas qu'elles prennent la pilule. Je dois les aider à faire ces démarches parce que leurs maris n'approuvent pas."
Des femmes auprès d’autres femmes
S'attaquer à des problèmes aussi profondément enracinés nécessite une approche globale, explique Michele Irving, Coordinatrice de l'Organisation productive pour les femmes en action et responsable du Département des femmes pour le district de Stann Creek.

L'Organisation productive pour les femmes en action organise des sessions d'information sur les droits humains et juridiques des femmes, les méthodes d’éducation des enfants et les compétences entrepreneuriales. Elle organise également des sessions de sensibilisation à la question de la violence domestique et sexuelle. Pour les femmes de Dangriga, l'Organisation productive pour les femmes en action est une « sororité », un espace sûr où elles peuvent apprendre, se confier sur leurs problèmes et se sentir plus fortes.
"L'un de nos points forts est notre capacité à soutenir les femmes sur le plan physique, psychologique et matériel", souligne Mme Irving.
Selon elle, parmi les anciennes adhérentes, beaucoup deviennent bénévoles, comme Yolanda.
"Parfois, cela peut aider à guérir : en aidant les autres, les femmes s'aident elles-mêmes. Ce sont quelques-uns des principes directeurs et philosophiques sur lesquels nous nous appuyons."
Une vie meilleure pour nos filles
La violence était devenue quelque chose de normal dans la maison où Margaret* a grandi. Aujourd'hui âgée de 32 ans, la jeune femme se souvient encore comment son père a battu brutalement sa mère des années durant avant que celle-ci ne quitte le foyer familial.
"Ma mère me disait toujours que si je subissais des violences domestiques, je devrais rompre la relation", se souvient-elle. En dépit de cet avertissement, Margaret a elle-même passé 12 ans de sa vie avec un partenaire violent.
Mme Irving signale que cette histoire est courante. Lorsqu'une femme est victime de violence, cela a des répercussions considérables sur elle-même et sur sa famille proche, mais aussi sur la société et les générations futures. L'exposition à la violence familiale et domestique influence la façon dont les enfants perçoivent leurs propres relations aux autres et vivent leur adolescence et leur vie d’adulte.
"L'estime de soi est une question majeure", insiste Mme Irving. "Il y a une réticence à reconnaître les femmes et les filles comme des personnes à part entière et pas seulement comme des accessoires pour les familles. Les femmes sont d'abord des personnes, [mais], aujourd’hui, notre culture les déprécie et les raye de l’équation. Cela influence la façon dont elles se perçoivent et s'estiment elles-mêmes et ouvre la porte à la violence."
Margaret se réjouit du fait que la formation qui lui a été proposée par l'Organisation productive pour les femmes en action l'a aidée à prendre confiance en elle-même.
"L'Organisation productive pour les femmes en action m'a aidée en me prodiguant des conseils et en renforçant mon estime de moi-même", dit-elle.
"J'ai également suivi la session sur l'art d'être parent et nous avons beaucoup appris sur la communication avec nos enfants et la construction de bonnes relations avec eux. J'ai dit à ma mère qu'elle était mon modèle et elle m'a répondu qu'elle était fière de moi et que je m'en sortais bien."
Bien que Margaret et Yolanda aient gardé le contact avec leur ex-partenaire, elles affirment être désormais capables de faire passer leurs besoins propres et leur sécurité en premier. Leurs relations de couple sont aujourd’hui exemptes de violence.
L’action menée par les associations comme l'Organisation productive pour les femmes en action est essentielle pour aider les femmes et les jeunes filles à mettre définitivement fin au cycle de la violence. C’est grâce au travail de ces associations et des militant(e) de première ligne qu'un avenir sans violence est possible pour les femmes et les jeunes filles.
(*) Le nom des survivantes citées dans cet article a été changé pour des raisons de confidentialité.
Article écrit à l’origine en anglais par Stephanie Daniels Moody et publié sur le site de l'Initiative Spotlight. Traduit en français par le Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD).














