Bilan de l'accord sur l'Initiative céréalière de la mer Noire trois mois après sa signature

Trois mois se sont écoulés depuis la signature de l’accord sur l'Initiative céréalière de la mer Noire. Négocié sous l’égide de l’ONU et de la Turkiye, l’accord passé entre la Russie et l'Ukraine prévoit la reprise des exportations de produits alimentaires essentiels depuis des ports ukrainiens vers le reste du monde, alors que la guerre se poursuit dans le pays.
Dans les coulisses de l'Initiative céréalière de la mer Noire
Avant la guerre, l'Ukraine était un exportateur majeur de produits alimentaires : le pays fournissait plus de 45 millions de tonnes de céréales par an aux marchés mondiaux. Mais le blocus maritime imposé par la Russie sur les ports ukrainiens depuis son invasion du pays s’est traduit par l’accumulation de montagnes de céréales dans les silos et a empêché les navires marchands d'entrer dans les ports ukrainiens et d’en sortir.
Ce blocus a entraîné une flambée des prix des denrées alimentaires et aggravé la crise alimentaire mondiale, qui a touché de manière beaucoup plus sévère les pays en développement en raison de leur forte dépendance à l'égard des importations de céréales et de carburants. De ce fait, 47 millions de personnes à travers le monde ont basculé dans des "niveaux de faim aigus".
En vue d’écouler les millions de tonnes de céréales ukrainiennes sur les marchés mondiaux, et notamment dans les pays dépendants des importations de céréales, l’ONU, la Fédération de Russie, la Turkiye et l'Ukraine ont signé, à Istanbul, le 22 juillet 2022, l'Initiative céréalière de la mer Noire. Il a été convenu dans ce cadre de reprendre les exportations de céréales via un corridor maritime humanitaire mis en place à partir de trois ports ukrainiens majeurs : Tchernomorsk, Odesa et Yuzhny.

Pour mettre en œuvre cet accord et en assurer le suivi, les parties ont créé un Centre de coordination conjointe ("Joint Coordination Center", ou JCC, en anglais) à Istanbul, le 27 juillet dernier. Composé de hauts représentant·e·s de la Turkiye, de la Fédération de Russie, de l'Ukraine et de l'ONU, le Centre de coordination conjointe veille à ce que chaque cargaison et chaque équipage répondent aux exigences énoncées dans l'Initiative et soient conformes à ses termes.
Le rôle de l'équipe de l’ONU en Turkiye
L'équipe de l’ONU en Turkiye a joué, sous la direction du Coordonnateur résident Alvaro Rodriguez, un "rôle modeste mais important" de soutien à l'Initiative et au Centre de coordination conjointe.
"Nous avons convoqué une réunion entre les représentant·e·s de l'ONU présents au sein du Centre de coordination conjointe et les représentant·e·s des États membres à Ankara pour leur permettre de discuter de questions d'intérêt commun", a déclaré M. Rodriguez.
Parmi les questions débattues : l'impact de l’Initiative sur la baisse des prix des denrées alimentaires, les quantités de marchandises destinées aux pays à faible revenu, ou encore les mesures à prendre pour "assurer la prolongation de l'Initiative au-delà des 120 premiers jours", a-t-il poursuivi, avant d’ajouter que l'équipe de l’ONU sur place a pu aussi se rendre compte des "problèmes quotidiens que le Centre de coordination conjointe doit résoudre pour garantir la sûreté et la sécurité des navires qui empruntent le corridor humanitaire alors que la guerre fait rage".
L’équipe de l’ONU en Türkiye apporte son concours au travail du Centre de coordination conjointe sur plusieurs autres aspects, notamment sur la communication et sur le travail réalisé auprès des médias locaux pour que l'Initiative soit mieux connue et davantage soutenue.
Quelles produits agricoles l'Ukraine exporte-t-elle et où vont ces produits ?
Le premier navire a quitté le port d'Odessa le 1er août avec à son bord plus de 26.000 tonnes de maïs. Depuis, plus de 360 navires transportant au total 8,1 millions de tonnes de produits agricoles ont quitté les principaux ports ukrainiens.
Près de 25 % de l'ensemble des denrées exportées (plus de 1,8 million de tonnes métriques) ont été acheminées vers des pays à revenu faible ou à revenu intermédiaire inférieur dont les populations sont vulnérables. Environ 25 % des céréales exportées ont été acheminées vers des pays à revenu intermédiaire supérieur. Le reste a été livré à des pays à revenu élevé. Le maïs est de loin la céréale la plus exportée dans le cadre de l'Initiative céréalière de la mer Noire. Il représente près de 43 % du total des denrées exportées. Il est suivi du blé et de l'huile de tournesol.
(Une ventilation détaillée des navires mobilisés, des pays destinataires et des marchandises expédiées est disponible sur le portail de l'OCHA).

Rassurer les marchés
La reprise des exportations de céréales depuis les ports ukrainiens a déjà profité aux populations vulnérables en contribuant à rassurer les marchés et à limiter l'inflation sur les prix alimentaires : L'Indice FAO des prix des produits alimentaires montre que les prix des denrées alimentaires de base dans le monde ont baissé ces derniers mois d'environ 8,6 % en juillet, 1,9 % en août et 1,1 % en septembre.
L'accord sur les céréales en mer Noire a contribué à stabiliser et faire baisser les prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux et a permis d’"acheminer de précieuses céréales depuis un des greniers du monde jusqu’aux tables de celles et ceux qui en ont besoin... Cependant, sans cette initiative, il y a peu d'espoir de pouvoir assurer la stabilité alimentaire des populations, en particulier dans les pays en développement et dans les pays les moins avancés", peut-on lire dans un rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) publié le 20 octobre.
L'avenir de l'accord sur les céréales en mer Noire
L'initiative céréalière de la mer Noire expirera au cours de la deuxième quinzaine du mois de novembre. Elle peut être prolongée au-delà des 120 premiers jours, mais uniquement avec l'accord de l’ensemble des parties.
En début de semaine, le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires humanitaires, Martin Griffiths, et la Secrétaire générale de la CNUCED, Rebeca Grynspan, ont discuté du renouvellement de l’accord et de l'extension du corridor céréalier en mer Noire avec des responsables russes à Moscou.
Le Coordonnateur des Nations Unies pour l’Initiative céréalière de la mer Noire, Amir Mahmoud Abdulla, s'est montré optimiste quant à la prolongation de l'accord au moment de son renouvellement, le 19 novembre. Le haut fonctionnaire onusien a déclaré qu'il avait bon espoir que "grâce aux efforts de médiation de l'ONU, la question ne ferait pas vraiment débat".
Article écrit à l’origine en anglais et adapté par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD), avec le concours de l’équipe de l'ONU en Türkiye. Traduction française réalisée par le BCAD.
Pour en savoir plus sur l’action menée par l'équipe de l'ONU en Türkiye, consultez le site Turkiye.UN.org.














