Au Burundi, les réfugiés rapatriés entrevoient un avenir plus prospère et plus stable
Célébrée chaque année le 20 juin, la Journée mondiale des réfugiés vient nous rappeler que nous avons un devoir de solidarité envers les personnes réfugiées, en demande d’asile, déplacées internes, apatrides ou rapatriées. Quel que soit leur statut juridique, ces personnes ont les mêmes droits fondamentaux que les autres et leur contribution au développement et à la prospérité des pays et des communautés est tout aussi cruciale.
En 2015, le Burundi, pays enclavé de l’Afrique de l’Est, a traversé une période d’instabilité politique et des centaines de milliers de personnes ont fui vers les pays voisins en quête de sécurité.
Prévenir de nouveaux déplacements de populations et aider les réfugiés burundais désireux de rentrer chez eux à réussir leur réintégration dans leur communauté d’origine représente un énorme défi qui nécessite, pour être relevé, l'implication de tous : gouvernement, partenaires humanitaires et de développement, donateurs et citoyens.
Retour au pays : l’espoir d’une vie plus stable
Poussant son précieux vélo sur les sentiers fissurés de la colline Tura, dans la province de Muyinga, Anicet rayonne de fierté devant un décor vert et rouge vibrant de plantations de bananes et de huttes en terre.
Anicet est serein. Il a réussi à monter un commerce de poissons et peut nourrir sa famille et voir ses trois enfants grandir paisiblement et en sécurité dans leur pays.
Mais avant d’en arriver là, Anicet a dû se battre.
En 2015, l'instabilité politique au Burundi a généré des risques pour la sécurité des personnes ainsi que des pénuries alimentaires. Pour se mettre à l'abri de ces menaces, Anicet et sa famille ont fui en Tanzanie.
Et la dure vie de réfugié a commencé pour eux.
Pendant trois ans, le fier agriculteur a dû travailler dans des conditions difficiles pour d’autres exploitants agricoles pour pouvoir subvenir aux besoins des siens.
En 2018, la nouvelle d'un apaisement de la situation dans son pays l’a poussé à rapatrier sa famille au Burundi. Retrouver sa terre natale lui a procuré un immense sentiment de bonheur :
"J'étais tellement heureux de revenir dans mon pays natal", se souvient-il, “ [même si pour] un rapatrié, trouver de quoi vivre n’est pas toujours facile."
Ne pas avoir à s’inquiéter du lendemain
Grâce au HCR, sa famille a bénéficié d’un transport pour rentrer au pays et reçu, pendant trois mois, des rations alimentaires fournies par le PAM, ainsi qu'une allocation en espèces et des articles ménagers, dont des seaux, du savon, des matelas, des couvertures, des moustiquaires, des bâches en plastique et des ustensiles de cuisine.
Mais le répit a été de courte durée. Au bout de trois mois, toujours sans terre ni source de revenus, Anicet n’a plus été en mesure d’assurer la subsistance de sa famille.
"Avec un peu d'argent que j'ai obtenu d'un mécanisme de microfinance communautaire, j'ai essayé d'ouvrir un commerce de poissons, mais cela a échoué", raconte-t-il.
Le temps passant et les conditions de vie ne s'améliorant pas, l’homme, découragé, s’est mis à envisager de s’exiler à nouveau, une triste perspective qui lui était inconcevable jusque-là.
Des milliers d’autres Burundais rapatriés connaissent ou ont connu ces difficultés : aucun moyen de subsistance propre, difficulté d'obtention de documents officiels auprès de l’état civil, manque d’accès à la terre, au logement, à l’éducation et à la santé.
L’exil est une épreuve difficile et périlleuse, mais le retour au pays peut aussi apporter son lot de doutes, de déception et de désespoir.
Prévenir les tensions et les risques de conflit
Bien que le programme d’aide au retour facilité par le HCR et le PAM couvre à peine les besoins des réfugiés pendant les trois premiers mois suivant leur retour au Burundi, il est parfois source de tensions entre les réfugiés rapatriés et les citoyens locaux. Ces derniers, qui doivent souvent faire face à des difficultés liées à la rareté des ressources, au manque de services sociaux et publics et au chômage, craignent de subir la concurrence des rapatriés dont ils considèrent parfois qu’ils sont favorisés par les organisations humanitaires, ce qui renforce le ressentiment qu’ils peuvent nourrir à leur égard.
Pour aider le pays à faire face au double problème de la pauvreté et de la fragilité de la cohésion sociale entre ces communautés, l'OIM collabore avec le Gouvernement burundais pour organiser des sessions de dialogue intercommunautaire et des activités de renforcement de la cohésion sociale à travers des projets dits à impact rapide ("Quick Impact Projects", en anglais).
Des rapatriés, des personnes déplacées internes et des citoyens des communes locales sont invités à discuter des infrastructures publiques dont ils ont besoin et à décider de celle qu’ils aimeraient construire en priorité. Ils participent ensuite tous ensemble à la construction de l’infrastructure en question contre une rémunération. C’est le principe du programme "Argent contre travail".
Quand l’horizon s’éclaircit
Ces projets offrent à tous l'espoir d’avoir une vie décente à long terme.
Anicet, comme des milliers d'autres avant lui, en a justement bénéficié au moment où il pensait devoir reprendre le chemin de l’exil. Avec l’argent qu’il a gagné, il a pu relancer son commerce de poissons.
"Après avoir acheté mon bétail, j'ai travaillé très dur, en allant tous les jours à la rivière pour acheter du poisson et mon capital a commencé à augmenter. Avec l'argent que j'ai gagné, j'ai ensuite acheté un vélo. Cela m'a permis de ramener encore plus de poissons [à vendre] de la rivière ", dit-il.
Belise, une rapatriée de Tanzanie âgée de 21 ans, a elle aussi pris part à un de ces projets.
"Avec l'argent que j'ai gagné en construisant les deux salles de classe de notre communauté, j'ai pu acheter du bétail qui a contribué à stabiliser la vie de ma famille. De plus, je suis très fière d'avoir participé à la construction de l'école", se réjouit-elle.
Belise a aussi été ravie de voir que le projet a permis à sa famille de se rapprocher de ses voisins et se réjouit à l’idée que sa fille de quatre ans aille à l'école dans l’une des salles de classe qu'elle a aidé à construire.
Préparer l’avenir quand les financements font défaut
En 2021, plus de 65 000 réfugiés burundais sont rentrés chez eux de Tanzanie, du Rwanda, de la République démocratique du Congo, de l’Ouganda et du Kenya grâce à l’aide apportée par l'ONU et ses partenaires dans le cadre du Plan conjoint de réponse au rapatriement et à la réintégration mis en œuvre sous la direction du Gouvernement burundais.
Mais, en 2021 déjà, le Plan conjoint n’a été financé qu'à hauteur de 21 %, si bien que tous les rapatriés n’ont pas reçu le soutien dont ils avaient besoin pour réaliser une réintégration socio-économique durable.
Odette Nibitanga est mère de trois enfants. Elle nourrit sa famille en vendant des tomates et des oignons au marché de Kayogoro. La jeune femme de 27 ans gagne environ 500 francs burundais par jour (~ 0,25 dollar). Elle a utilisé l'allocation en espèces que lui a accordée le HCR à son retour au pays pour remettre sa famille sur pied, mais l'argent s'est rapidement épuisé.
"Je n'ai pas les moyens de construire une maison. Nous avons besoin de plus de soutien", dit-elle l'air désespéré.
Or, le HCR estime que, sur les quelque 300.000 réfugiés burundais toujours en exil, 70.000 devraient rentrer au pays en 2022, incité par le retour d’un climat politique de plus en plus apaisé dans le pays. Dans ces conditions, si des investissements significatifs ne sont pas réalisés pour financer le Plan conjoint à hauteur des besoins, le retour de ces réfugiés pourrait exercer une pression trop forte sur un système socio-économique déjà fragile, générer des tensions intercommunautaires et inciter des populations à s'exiler.
Comme beaucoup d’autres Burundais rapatriés, Anicet est aujourd’hui déterminé à rester dans son pays et à y poursuivre sa vie. Poussant son vélo à travers le village, il reconnaît :
"Tout ce que j'ai maintenant, je le dois au soutien que j'ai reçu. Avant cela, j'étais prêt à retourner en Tanzanie. Cette aide m'a permis de rester".
Les familles comme celle d'Anicet méritent de pouvoir rentrer chez elles et reconstruire leur vie dans un climat de paix et de prospérité. Mais pour réussir leur réintégration, elles ont besoin de l’aide de l'ONU et du reste de la communauté internationale. La crise des réfugiés burundais ne doit pas être oubliée et les partenaires du Plan conjoint comptent sur les donateurs pour pouvoir aider des dizaines de milliers de rapatriés burundais à réussir leur réintégration, faute de quoi, ces personnes n'auront d'autre choix que de reprendre le chemin périlleux, incertain et douloureux de l’exil.
Le Plan conjoint de réponse au rapatriement et à la réintégration ("Burundi Joint Refugee Return and Reintegration Plan", ou JRRRP), a été mis en place par plusieurs partenaires, dont le HCR, le PNUD, l'OIM, le PAM, l'UNICEF, l’UNFPA, la FAO, l'OMS, ONU-Femmes et ONUSIDA, sous la direction du Gouvernement burundais.
Cet article est la version adaptée d’un article écrit à l’origine par Bernard Ntwari, Responsable de la communication au HCR, et Amaury Falt-Brown, Chef de la communication à l'OIM, et publié sur le site de l’ONU au Burundi. La présente adaptation a été réalisée par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD).
Pour en savoir plus sur l’action menée par l'ONU au Burundi, consultez le site burundi.un.org/fr. Pour plus d'informations sur les résultats de notre travail dans ce domaine et dans d’autres, lisez la rubrique consacrée aux ODD du Rapport 2022 de la Présidente du GNUDD sur le BCAD.