Comment les hommes redéfinissent la masculinité au Nigeria

Clement Ejim, 33 ans, s’épanouissait dans sa carrière d'enseignant à l'école de santé de la petite ville d'Abuochiche, au Nigeria.
Puis, il y a environ un an, il a eu l'occasion d’élargir son périmètre de travail. Il est devenu membre de l'Initiative Spotlight un partenariat entre l'Union européenne et l’ONU qui vise à mettre fin à la violence à l'égard des femmes, en impliquant les hommes dans la lutte contre ce type de violence. Au début, Clement se contentait d’assister passivement aux formations du programme Spotlight. Il manquait certaines sessions et n’y prêtait pas toujours une grande attention.
Puis, un jour, alors qu’il assistait à un cours, quelque chose l'a saisi.
C’était le thème de la domination des hommes sur leurs épouses et de la négligence de l'éducation des filles. Il s'est d’un seul coup reconnu dans ce qui était dit. Et ça l’a mis mal à l’aise.
"Il est certain que je me comporte différemment à présent", confie Clement. "J'ai compris qu’être violent verbalement avec ma femme et tenir des propos irrespectueux à son égard, c’est aussi de la violence à l'égard des femmes. Alors j'ai cessé de le faire".
À partir de ce moment-là, Clement s'est engagé dans la lutte pour l’élimination de la violence de genre et il est devenu un exemple pour ses pairs.
Il y a besoin de plus de pairs-éducateurs comme lui au Nigeria, un pays où plus d'une femme sur quatre âgée de 25 à 29 ans a subi une forme ou une autre de violence physique. C'est le chiffre qui ressort d'une étude du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et du ministère nigérian de la femme et du développement social.
Cette année, les violences à l'égard des femmes et des filles ont atteint un niveau sans précédent. Depuis le début du confinement lié à la COVID-19 en mars, il y a eu au moins 3.600 viols, soit plus de 100 cas dans chacun des 36 États du Nigeria, selon le ministère nigérian de la femme. Et cela sans compter toutes les autres formes de violence et tous les cas qui ne sont pas signalés.
L’initiative Spotlight cherche à faire participer les hommes à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles, car la plupart des auteurs de ces actes sont des hommes. Dans le cadre du programme Spotlight s’est formé le Réseau des hommes pour l’élimination de la violence contre les femmes. Celui-ci promeut l'égalité entre les sexes et s'oppose à certaines des attitudes qui perpétuent la violence à l'égard des femmes et des filles. L'année dernière, le Réseau des hommes a travaillé avec près de 1.000 personnes dans l'État de Cross River.
Clement est passé du statut de participant au réseau à celui de leader. Il anime désormais des sessions pour les garçons et les filles, les hommes et les femmes, aussi bien dans les écoles que dans les églises et dans le cadre des rassemblements communautaires.

"La perception de la plupart des membres de la communauté était que la violence envers les femmes, parmi d'autres formes de violence, était l’attitude à avoir pour corriger les femmes qui s’écartent du bon chemin", explique-t-il.
Mais Clement voit des signes de changement partout, car ces formations s’adressent un à nombre croissant de personnes. Parfois, ce sont des petites choses qui changent. Akpas, qui a participé à l'une des sessions de sensibilisation animées par Clément, raconte : "Avant cette formation, je n'étais jamais entré dans la cuisine, je croyais que seule ma femme devait s’en occuper, je la réprimandais souvent si le repas n'était pas prêt. Maintenant, quand j'ai faim et que ma femme n'est pas disponible, je vais dans la cuisine et je me sers. Je suis meilleur cuisinier maintenant".
Clement constate que des hommes prennent l'initiative de mettre fin à la culture du silence. Ils sont plus nombreux à être devenus vigilants, à signaler les actes de violence commis par d’autres hommes contre des femmes ou des filles dans leur foyer ou au sein de la communauté".

Dans tout ce qu’il entreprend dans le cadre de ce programme, Clement travaille systématiquement en étroite collaboration avec les chefs traditionnels et religieux, les autorités locales, la police et les activistes communautaires pour lutter contre la violence de genre. Notre objectif est clair, affirme un autre membre du réseau : "Nous avons l'intention de mettre fin à la violence dans notre communauté. Toute personne qui enfreindra la loi sera tenue pour responsable de ses actes".
Article produit par l’ONU au Nigeria. Écrit par Judith Owoicho, de l’ONU au Nigeria, avec l’appui éditorial de Paul Vandecarr, du Bureau de la coordination des activités de développement. Pour en savoir plus sur l’action menée dans le pays, consultez le site https://nigeria.un.org/.














