En Bosnie-Herzégovine, les migrants et les réfugiés font face à leur plus grand défi : la COVID-19
Ils ont parcouru des centaines, voire des milliers de kilomètres. Ils ont voyagé en camion, en voiture et à pied, pendant des semaines, des mois, voire des années. Ils ont fui la violence qui sévissait dans leurs pays d'origine, l'Afghanistan, le Pakistan, la Syrie et d'autres pays ; et beaucoup d'entre eux sont à la recherche d’une vie meilleure en Europe centrale. En route, ils ont été arrêtés, fouillés, puis détenus et, de surcroît, ils viennent d'endurer la rigueur de l'hiver.
À présent, dans les centres d'accueil pour migrants et réfugiés de Bosnie-Herzégovine, ils font face à l'un des plus grands défis qu’ils aient jamais eu à affronter : la COVID-19.
Si le nombre de cas de COVID-19 en Bosnie-Herzégovine est encore considéré comme gérable - moins de 500 cas ont été enregistrés au 1er avril - le taux d'infection augmente rapidement et devrait connaître des pics dans les semaines à venir. Les autorités ont pris des mesures pour empêcher la propagation du virus à l’ensemble du pays : couvre-feux, fermetures d'écoles, ou encore restrictions sur les déplacements à l'intérieur et à l'extérieur des centres d'accueil.
Pendant ce temps, les entités de l'ONU ont travaillé 24 heures sur 24 avec les autorités pour s'assurer que ces personnes, qui comptent parmi les plus vulnérables – 5.500 migrants et réfugiés résidant dans les centres d'accueil du pays - sont elles aussi protégées. Le personnel de l'OIM, de l'UNICEF, du HCR, du FNUAP et de l'OMS est à pied d'œuvre.
Les écoles fermées, la scolarité se poursuit en ligne
"La plupart des enfants réfugiés et migrants ont déjà perdu plusieurs années de scolarité", rappelle Amila Madžak, une fonctionnaire de l'UNICEF en Bosnie-Herzégovine. "La pandémie de COVID-19 leur rend les choses encore plus difficiles, puisque toutes les écoles ont été fermées."
Pour les enfants vivant dans les centres d'accueil temporaire de Borići, Sedra et Bira, des cours en ligne ont été mis en place par l'UNICEF et l’organisation Save the Children, en coopération avec le ministère de l'Éducation et avec le soutien de l'Union européenne. "Nous faisons en sorte que ces enfants aient accès à l'enseignement public, y compris via Internet", explique Mme Madžak.
Dans la région d'Una-Sana, les enseignants des écoles fréquentées par les enfants réfugiés et migrants ont travaillé dur pour faire en sorte que les matériels éducatifs puissent être mis en ligne, y compris dans l’optique d’une diffusion des cours en direct. Ils ont notamment préparé des vidéos contenant des instructions destinées à aider les élèves à faire leurs devoirs.
Senka Rekanović, enseignante dans une école locale, raconte : "Étant donné que les enseignants n'ont pas été formés à l'enseignement en ligne, c'est un défi pour nous de nous adapter. Mais nous voyons déjà beaucoup de résultats, notamment des taux de fréquentation plus élevés. Nous avons des 'médiateurs culturels' qui aident les enfants à accéder aux cours en ligne et à suivre les instructions pour les devoirs. Je suis fière de nos enfants."
"Lorsqu'ils suivent des cours en ligne, les enfants des centres d'accueil ont besoin d’un soutien psychosocial accru et d’une aide renforcée pour surmonter la barrière linguistique", a déclaré Adnan Kreso, Conseiller du ministre de l'éducation d'Una-Sana. "Mais grâce à nos éducateurs dévoués et à tout le soutien que nous fournissent l'UNICEF et Save the Children, nous sommes en mesure de répondre à ces besoins."
Un certain nombre de cours continuent d’avoir lieu en présentiel dans les centres d'accueil, mais avec des groupes d'enfants plus restreints. On donne à tous les enfants un équipement de protection individuelle et un produit désinfectant. Lorsque les conditions météo le permettent, les cours ont lieu à l'extérieur, ce qui enchante les élèves et les met dans de bonnes dispositions d’esprit pour apprendre.
Contribuer à renforcer la sécurité des personnes
Le centre d'accueil de Borići, à Bihać, accueille 320 demandeurs d'asile, réfugiés et migrants, dont près de la moitié sont des enfants. Ces enfants arrivent soient avec leur famille, soit non accompagnés. À la suite des nouveaux cas de coronavirus enregistrés en Bosnie-Herzégovine, les femmes réfugiées et migrantes de Borići ont commencé à fabriquer des masques de protection en tissu dans un espace conçu pour les "activités sociales" où les personnes peuvent jouer à des jeux de société, préparer du thé ou simplement se détendre.
Grâce au HCR en Bosnie-Herzégovine, au Conseil danois pour les réfugiés et au soutien de l'Union européenne, cet espace a été équipé de deux nouvelles machines à coudre et plusieurs sortes de tissus ont été fournies. Ainsi, les réfugiés et les migrants, avec l'aide de l'ONG locale Žene sa Une ("Femmes de Una", en français), ont commencé à coudre des masques en coton pour les résidents du centre. Ils se servent pour cela de tissus qui étaient auparavant utilisés pour les draps de lit de l'hôpital de Bihać.
"Mon mari m'a rejointe pour participer à la fabrication de masques pour les résidents du centre", confie Rozhan, qui vit dans le centre d'accueil de Borići depuis six mois après que son mari Ibrahim, ses trois enfants et elle ont fui l’Iraq. "Je ne sais pas combien de masques nous avons fabriqués jusqu'ici, j'ai perdu le compte".
Certaines des femmes du centre ont une formation professionnelle en couture et dirigent les activités. D’autres, notamment parmi le personnel du centre, apprennent à coudre au fur et à mesure. Mais la couture n'est qu'une des activités mises en place par le centre pour aider les personnes à s'occuper en ces temps difficiles de distanciation sociale et d'isolement.
Offrir un répit en période d'incertitude
L'OIM aide à prévenir la propagation de la COVID-19 parmi les résidents des centres en installant des stations de désinfection, en sensibilisant le personnel et les résidents aux mesures de sécurité et à la nécessité de nettoyer les équipements de façon plus appuyée. Les cuisines communautaires ont en outre été temporairement fermées pour que les grands rassemblements soient évités.
À Borići, Rozhan raconte : "Nous avons fui notre maison pour sauver nos vies, pour échapper à la guerre et maintenant nous sommes confrontés à ce nouveau coronavirus. J'ai entendu parler du coronavirus pour la première fois ici, au centre. Tout le monde en parlait, des affiches étaient collées partout et on nous a appris comment nous protéger du virus."
Et d’ajouter : "Ici, nous sommes en sécurité". Après son long et périlleux voyage, la famille de Rozhan va bien, tout au moins pour l’instant.
Article écrit par Dalila Sadinlija, du Bureau de la coordonnatrice résidente des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine, avec l'UNICEF en Bosnie-Herzégovine et l'OIM en Bosnie-Herzégovine. Traduit en de l'anglais au français par le Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD).