En Namibie, la survie des réserves de faune sauvage est menacée
Lorsque l'animatrice de radio Tashia Kalondo a visité une de ces réserves naturelles en Namibie, elle n'a pas réalisé quel allait se retrouver à une telle proximité des animaux sauvages. Mme Kalondo avait déjà beaucoup voyagé et avait déjà vu des animaux sauvages, mais quand le personnel de la réserve lui a dit qu'il allait devoir camoufler le portail d’accès au campement avec des arbustes pour empêcher les éléphants d'y entrer pendant la nuit, elle a eu du mal à y croire. "J'ai ri parce que… Quelle plaisanterie, n'est-ce pas ?" se souvient-elle. "Eh bien, j’avais tout faux !".
Le lendemain matin, elle a vu les traces laissées par des éléphants qui, pendant la nuit, s'étaient faufilés en silence dans le campement, à deux pas de l'endroit où elle dormait. "J'étais stupéfaite", se souvient-elle.
Préservation de la faune et développement durable
La Namibie compte 86 réserves communales (appelées Conservancies, en anglais) gérées par les résidents locaux et très appréciées des touristes. Les paysages désertiques de sable ocre et de roches noires qu’on y trouve, sous un ciel bleu brillant, sont à couper le souffle et une multitude d'espèces sauvages, notamment des rhinocéros noirs, les lions, les guépards, des hyènes et des zèbres, y vivent.
Ces réserves communales jouent un rôle important dans le développement durable. Les populations qui vivent sur les terres de ces réserves se voient accorder le droit d'utiliser la faune sur un mode durable. Cela inclut notamment la récupération de viande et la vente des droits de chasse aux trophées, dans la limite de la réglementation et des quotas autorisés. Ces populations tirent ainsi profit de la gestion des espèces sauvages et du tourisme et sont moins incitées à vendre illégalement des parties d'animaux.
Les réserves protègent la faune sauvage et permettent même sa restauration par la reconstitution de populations d’animaux appartenant à des espèces prisées des braconniers. En 2019, le braconnage dans les réserves namibiennes a diminué de plus de 60 % par rapport à l'année précédente, du fait du renforcement de l’action des services de renseignement et de police – avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) - et de l’application de peines et d’amendes plus sévères.
Zéro touriste
Ce succès risque à présent d'être compromis par la COVID-19. Comparé à celui observé dans d'autres pays, le bilan sanitaire de ce virus a été relativement faible, du fait notamment de l’interdiction de l’arrivée de ressortissants étrangers, mise en place par le gouvernement namibien en mars. Toutefois, l'impact du virus sur l'économie et sur le tourisme en particulier a été dévastateur : Le ministère du tourisme namibien s'attend à ce qu’il n’y ait aucun touriste en Namibie sur toute l'année 2020.
Tashia Kalondo est originaire de Namibie, où elle est une personnalité populaire de la radio, mais la plupart des touristes viennent d'Europe, des États-Unis, de Chine et des pays africains voisins. En 2019, la Namibie, qui compte 2,5 millions d'habitants, a accueilli 1,7 million de visiteurs étrangers. À elles seules, les réserves rapportent 3,2 millions de dollars de revenus, sans compter les 3,5 millions de dollars de salaires annuels versés au personnel. Cela représente beaucoup d'argent dans un pays qui se situe dans le tiers inférieur du classement par indice de développement humain: près d'un tiers des Namibiens sont pauvres.
En raison de la pandémie, des dizaines de milliers d'emplois liés aux réserves sont menacés. Compte tenu du nombre élevé de personnes en quête désespérée de nourriture et de revenus, on s’attend à ce que le braconnage augmente étant donné qu’il permet aux gens de se procurer des produits de valeur tels que les défenses d'éléphant, les cornes de rhinocéros, ou tout simplement de la viande pour la consommation locale.
"La Namibie est confrontée à trois défis en même temps", explique Alka Bhatia, Représentante résidente du PNUD en Namibie. "Il y a la pandémie. Il y a la crise économique. Et puis, il y a la menace d'une augmentation du braconnage, qui porte un coup au secteur du tourisme et à l'économie".
"Les réserves doivent survivre"
En réponse à cette situation, le PNUD et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) soutiennent le gouvernement en réalisant des approvisionnements en fournitures médicales. Le PNUD a également travaillé avec le Centre d'information des Nations Unies (UNIC, en anglais) à Windhoek, la capitale, ainsi qu’avec l'OMS sur des initiatives d'éducation sanitaire visant à ralentir la propagation du coronavirus.
En outre, le PNUD s'est associé à une boutique en ligne locale pour lancer une plateforme de commerce électronique visant à aider les commerçants travaillant dans le secteur informel à récupérer une partie des revenus qu’ils ont perdus. De plus, le PNUD a accordé une subvention aux réserves pour leur permettre de se maintenir à flot en continuant à payer les salaires et à assurer le travail de lutte contre le braconnage. Cette mesure est la dernière en date d’une série d’actions menées par le PNUD depuis des années en soutien aux réserves. Parmi ces actions, on peut citer la dispensation de formations et la fourniture de matériels pour la lutte contre les incendies, ou encore l’aide à l’élaboration d’une politique de gestion des incendies et des terres.
"Pour la santé à long terme de l'économie namibienne, les réserves communales doivent survivre", déclare Mme Bhatia. "Les réserves constituent l'un des piliers les plus importants de l'économie nationale. S'ils tombent, beaucoup d'autres s'écrouleront autour".
L'économie ne sera pas la seule à être affectée. La perte d’espaces naturels, ainsi que le braconnage et la consommation d’animaux sauvages augmentent les risques de voir les virus passer des animaux aux humains. Cela signifie plus de zoonoses infectieuses - telles que la maladie à virus Ebola ou le VIH/sida, qui se transmettent aux humains par les animaux - ce qui entraînerait davantage de crises économiques, plus de pauvreté et plus de faim. En protégeant la flore et la faune, on fait en sorte que les réserves agissent comme un rempart naturel contre les maladies.
"La relation entre les êtres humains et les animaux sauvages est complexe", explique Mme Kalondo, commentant sa visite dans la réserve. "En plus d'admirer la faune, j'ai passé du temps avec des membres de la communauté, notamment dans un campement de la tribu Himba. J'ai vu de mes propres yeux des gens et des animaux sauvages vivre ensemble". L’expérience qu’a vécue Mme Kalondo rend compte de l’un des aspects les plus précieux de ces réserves.
"Les réserves sont des sources d’emplois. Elles permettent de vivre des expériences extraordinaires avec les animaux sauvages", déclare Mme Bhatia. "Mais elles nous offrent autre chose encore. Elles nous apprennent à coexister avec le monde naturel. C'est un enseignement que nous devrions tous prendre en compte".
Article produit par ONU Namibie, écrit par Sara Rivera et publié à l’origine sur le site web d'ONU Info. Traduit en français par le Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD). Pour en savoir plus sur l’action menées par l'Équipe de pays de l’ONU en Namibie, consultez le site https://namibia.un.org/.