Eswatini : Un chef d’entreprise et militant de 25 ans vivant avec le VIH défie les statistiques pour réussir et donner à d’autres les moyens de réussir
Malgré les obstacles qu’il rencontre et la COVID-19, Majaha Mbuyisa s’efforce d’autonomiser les jeunes Emaswati vivant avec le VIH grâce à son entreprise de nettoyage et à l’apprentissage de pair à pair.
Q : Veuillez vous présenter.
R : Je m'appelle Majaha Mbuyisa et j'ai 25 ans. Je réside à Mbabane, mais mon foyer est à Siteki. Je fais partie d’un réseau de jeunes vivant avec le VIH en Eswatini, appelé SNYP Plus. J’anime également un programme d’apprentissage par les pairs et je travaille pour HC4 en tant que client expert. Dans le même temps, je suis le fondateur et directeur general de “Pristine Cleaning Services”
Q : Parlez-nous de votre entreprise.
R : J’ai fondé mon entreprise en 2018. C’est une entreprise qui opère principalement à Mbabane et Manzini. Étant jeune, je suis un entrepreneur passionné. Je veux représenter les jeunes qui vivent avec le VIH et faire connaître mes compétences en matière d'entrepreneuriat. Quand vous êtes entrepreneur, vous devez repérer les problèmes auxquels la société est confrontée et trouver des solutions. J'ai examiné la situation à laquelle nous faisons face actuellement et conclu qu’il y avait besoin de créer une entreprise de nettoyage en Eswatini qui fournisse des services de nettoyage de qualité et permette de professionnaliser le secteur du nettoyage dans le pays et d’y apporter de l’innovation et de la créativité.
Q : Comment votre entreprise a-t-elle fonctionné pendant la période de confinement ?
R : Mon entreprise a fonctionné extrêmement bien pendant la période de confinement. Nous avons engrangé de gros revenus en travaillant avec le marché résidentiel, qui est composé de propriétaires. La plupart des gens étant chez eux, nous avons reçu de nombreux appels et fait beaucoup de marketing dans les zones résidentielles. Le volet commercial a très bien marché lui aussi. Nous travaillons sur de gros projets avec des sociétés de construction et sur des contrats avec des propriétaires.
Q : Quelles difficultés avez-vous rencontrées en démarrant votre entreprise jeune ?
R : Je dois admettre que créer une entreprise lorsqu’on est jeune est une aventure pleine de défis. Tout d'abord, il y a la question du développement des capacités. Vous ne savez pas où aller, ni quoi faire pour gérer les situations qui se présentent. J'ai essayé de créer une entreprise à de nombreuses reprises. J'ai échoué, j’ai réessayé, j'ai échoué encore, puis encore et encore, jusqu'à ce que je me résolve à trouver une autre stratégie. Si cette stratégie ne fonctionne pas, je dois en définir une autre. Heureusement, aujourd'hui, nous avons adopté une stratégie qui fonctionne très bien et qui permet de réaliser plus de choses. À présent, l’entreprise est formellement enregistrée et pleinement opérationnelle. Actuellement, elle emploie six personnes. Nous avons l’intention d’employer plus de personnes, en particulier des jeunes, sachant qu'ils sont touchés par le chômage et rencontrent des difficultés scolaires. Je suis très enthousiasmé par l’idée de contribuer à réduire le taux de chômage chez les jeunes.
Q : Comment le fait de vivre avec le VIH affecte-t-il votre vie ?
R : Je suis né avec le VIH. Aujourd'hui, j'ai 25 ans et j'ai commencé à prendre un traitement à l'âge de 12 ans. Cela fait 13 ans que je prends des médicaments. Ça n’a pas été facile, mais avec le temps, j'ai acquis de meilleures capacités. C'est pour cette raison que je plaide pour le renforcement des capacités. Aujourd'hui, en tant que jeune vivant avec le VIH au Swaziland, je me sens bien dans ma peau. Pour ce qui est de l'impact que ça a sur moi personnellement, je pense que c’est un impact positif parce qu’en tant que jeune, je crois dans le fait de pouvoir faire tout ce que je veux. Mon mentor m'a dit un jour : "Le temps est ma principale matière première. Chaque vie est porteuse d’une grande responsabilité". Maintenant que j'ai du temps, je me réveille chaque jour pour faire tout ce que j’ai à faire et pour être meilleur chaque jour. Tout ce que je peux faire aujourd'hui, je le fais.
Q : Quel impact la COVID-19 a-t-elle eu sur vous ?
R : À titre personnel, La COVID-19 a eu un impact important sur moi. Désormais, je ne vais au travail qu’une fois et je n’ai pas la possibilité d'interagir avec mes employés ni de les motiver. Je suis passionné par mon travail avec les jeunes qui vivent avec le VIH et je veux mettre chacun d'entre eux sur la bonne voie. Grâce au système de l'animation par les pairs, j'ai créé un lien avec les jeunes comme moi mais je ne peux pas les voir. Ma passion est en train de s’éteindre à cause de la COVID-19. Mais nous nous appelons toujours pour garder le contact.
Ce qui est triste, c'est que je continue à entendre parler des problèmes auxquels ils sont confrontés dans leur communauté, comme l'insécurité alimentaire, la violence fondée sur le genre, etc. Je dois gérer leurs problèmes alors que personne ne s’occupe de gérer les miens. J'ai été impacté, c’est vrai, mais j'ai trouvé une façon positive de remédier à la situation. Grâce aux jours de congé que j’ai à cause de la limitation du nombre de jours travaillés, je trouve des solutions et fais les choses que je dois faire pour mon entreprise. J'ai plus de temps pour échanger avec mes collaborateurs.
Autre chose encore: j'ai lancé un petit projet agricole pour produire le type de légumes que mon entreprise achète le plus sur le marché. J'ai donc créé un potager. Il n'y a pas assez de place pour faire un jardin, mais j'ai rassemblé du bois et je l'ai placé au-dessus de ma clôture, j'ai mis de la terre à l'intérieur et j'ai planté des légumes. Au cours des deux derniers mois, j'ai consommé les légumes que j'avais plantés moi-même. J'ai également planté des légumes dans la terre piégée dans les interstices des briques. J'ai pu récolter des légumes pour ma propre consommation et me procurer la nourriture dont j’avais besoin tout en aidant à soulager la tension sur le marché.
Q : Si vous aviez un message pour les jeunes Emaswati, quel serait-il ?
R : Le message que je veux faire passer aux jeunes Emaswati est qu’ils se mettent en mouvement. Il est grand temps, tant que nous sommes jeunes, de faire tout ce que nous avons à faire. Comme l'a dit Nelson Mandela : "Incarnez le changement que vous voulez voir se produire". Cette phrase me permet de continuer à avancer, car elle fait de moi le moteur des changements que je veux voir se réaliser dans ma vie, quels qu'ils soient. Si je dors 8 heures par jour, ça fait 4 mois de sommeil par an. Pour en revenir à ce que mon mentor m’a dit : "Le temps est notre principale matière première ". Soyons responsables de chaque changement que nous voulons voir se réaliser au niveau de notre vie personnelle, de la communauté, du pays et du monde.
Q : Si vous aviez un message pour l'ONU, quel serait-il ?
R : Je suis un défenseur des ODD [Objectifs de développement durable] et je bataille chaque jour pour qu'ils soient atteints et mis en œuvre, parce que derrière les ODD, qui touchent tous les aspects de la vie, je vois un monde et un avenir meilleurs pour chacun d'entre nous. Le premier ODD est "Pas de pauvreté" et le deuxième "Faim zéro", alors je m’efforce chaque jour de promouvoir les [Objectifs].
Ce que je dirais à l'ONU, c'est de soutenir les initiatives menées par les jeunes. Il y a des jeunes qui trouvent des approches créatives et innovantes pour relever les défis sociaux auxquels nous sommes confrontés. L'ONU doit mettre à profit et soutenir ces initiatives au niveau des communautés et faire en sorte que les ODD soient mis en œuvre au niveau communautaire, localement, afin que nous puissions en voir les effets positifs.