"Je suis heureuse et respectée au sein de ma communauté" : La formation professionnelle, alliée des femmes et des filles au Libéria
New Kru Town, comté de Montserrado, Libéria - Pour Agnes, 19 ans, naître et grandir pendant la guerre civile, c’est devoir assumer très jeune de lourdes responsabilités.
Sa mère, qui travaillait sur les marchés, était souvent obligée de quitter Agnès et son frère, parfois pendant plusieurs jours. Un jour, alors qu'elle n'avait que 7 ans, Agnès aidait son frère à faire frire du poisson lorsqu'elle est tombée accidentellement dans l'huile de cuisson chaude. Elle a été gravement brûlée et en porte aujourd’hui encore les cicatrices.
"J'ai de la chance que mon frère m'ait sauvée avant que mon visage ne soit brûlé. Je ne sais pas ce qui me serait arrivé sans lui", dit-elle.
Enfants, Agnès et son frère voyaient en permanence leur mère se faire battre par leur père, puis, plus tard, par leur beau-père.
Lorsque la mère d'Agnès est tombée malade, son mari a quitté le domicile familial, obligeant Agnès à abandonner l'école pour s'occuper d'elle.
"J'ai fait toutes sortes de petits boulots pour que nous puissions avoir quelque chose à manger et nous acheter du savon pour la lessive", raconte Agnès. "Mais ce n'était pas suffisant car ma mère devait se faire soigner, alors je demandais parfois de l'argent aux gens", se souvient-elle.
À l'âge de 13 ans, Agnes était la seule personne à subvenir aux besoins du foyer et à s’occuper de sa mère. Aujourd'hui, elle est elle aussi une mère célibataire et élève un petit garçon de 5 ans. La petite famille a loué une chambre dans une maison faite de tôles de fer et de cloisons en bois qui accueille cinq locataires différents y vivant côte à côte.
"C'est mieux que là où nous vivions avant, et ici l'eau et l'électricité sont devenues accessibles", explique Agnès. "Nous vivons avec nos voisins comme en famille. Nous pouvons même partager la nourriture et d’autres choses entre nous. Les voisins m'aident à m'occuper de ma mère et de mon fils lorsque je suis absente. Je fais la même chose pour eux."
"Quand vous n'avez pas de quoi survivre, vous êtes obligé de faire des choses risquées", souligne Agnès, en se souvenant des circonstances de sa grossesse précoce. "Si je pouvais revenir en arrière, je préférerais recevoir une instruction... mais ce n'est plus un problème. Depuis que j'ai commencé à gérer mon entreprise, je suis heureuse et je suis respectée au sein de ma communauté."
Un nouveau départ
Comme 40 autres filles et jeunes femmes issues de milieux défavorisés, Agnes a été sélectionnée par sa communauté pour participer à une formation sur l'autonomisation économique soutenue par l'Initiative Spotlight. Au Libéria, cette formation s‘inscrit dans le cadre du Projet d’autonomisation des filles ("Girls Empowerment Project", en anglais) et est mise en œuvre par l'UNICEF par l'intermédiaire d'une organisation locale, Defense for Children Liberia.
Les bénéficiaires de cette formation peuvent apprendre les métiers de la restauration, de la boulangerie, de la couture, de la coiffure, ou de l’esthétique (maquillage), mais Agnès a choisi d'apprendre la cuisine et le métier de boulangère.
"J'ai choisi ce cours parce que je sais qu’il y aura toujours un débouché dans ce secteur. Les gens mangent tout le temps !", s'exclame-t-elle avec joie.
Agnès est fière des nouvelles compétences qu’elle a acquises dans le domaine de la gestion d’entreprise et de la gestion financière.
"J'ai eu beaucoup de clients pendant la période de Noël et du Nouvel An. Bien que j'aie dépensé ce que j’ai gagné, j'ai l'intention de repartir à zéro maintenant et de commencer à économiser pour mettre en place un service de restauration de qualité dans ma commune. Je préparerai des repas pour les réunions, les ateliers, les rassemblements de paroissiens et d'autres grands événements comme les mariages."
Dans le cadre du projet exécuté par l’UNICEF, les filles disposent d'un moyen de transport pour se rendre à l'institut, puis rentrer chez elle. Agnes n’aimait pas passer sa matinée dans les transports pour se rendre à Monrovia, mais "cela en valait la peine", reconnaît-elle. "Je me souvenais toujours qu’il aurait des récompenses à la clé. Cela me motivait beaucoup. Même pendant la saison des pluies, je sautais du lit."
Rompre le cercle vicieux
À l’issue de leur formation, les jeunes femmes ont reçu des kits de démarrage destinés à les aider à lancer leur petite entreprise. Les responsables communautaires locaux ont été chargés de s’assurer que ces kits étaient utilisés à bon escient.
"Nous les suivons dans la communauté pour nous assurer que [les kits de démarrage] sont utilisés aux fins prévues, puis nous continuons à les suivre", explique Tom Wesseh, Secrétaire communal à New Kru Town. "En tant que communauté, nous sommes très heureux que nos jeunes femmes mettent désormais la main à la pâte et qu'elles aient les moyens de devenir autonomes. Avant, la plupart d'entre elles n'étaient pas scolarisées et presque toutes avaient des enfants en bas âge et vivaient avec leurs parents ou bien seules. Nous sommes fiers et heureux, et nous disons merci aux donateurs et à l’Initiative Spotlight pour cette initiative."
Ina Christensen, responsable du Projet d'autonomisation des filles pour l’Initiative Spotlight au Libéria, souligne le rôle essentiel de l'autonomisation économique dans l'élimination des violences faites aux femmes et aux filles.
"La pauvreté est un énorme problème pour nous qui luttons contre la violence envers les femmes et les filles", indique-t-elle.
"Tant que les gens seront extrêmement pauvres, la violence aura sa place dans nos sociétés. En outre, les filles issues de milieux pauvres sont plus susceptibles d'abandonner l'école prématurément et, par conséquent, plus susceptibles de tomber enceintes précocement et de subir des violences sexuelles et sexistes. Nous devons donner à ces filles les moyens économiques de devenir indépendantes et de briser ce cercle vicieux de la souffrance." - Ina Christensen.
Écrit à l'origine en anglais par Helen Mayelle pour Spotlight Initiative au Libéria.
L'Initiative Spotlight est un partenariat mondial et pluriannuel entre l'Union européenne et l’ONU visant à éliminer toutes les formes de violence à l'égard des femmes et des filles d'ici à 2030.
Pour en savoir plus sur l’action menée par l'ONU au Libéria, consultez le site Liberia.UN.org.