La crise de la COVID-19 au Yémen vue par une travailleuse de la santé
Quelques mois à peine après le début du conflit, un exode massif de professionnels de santé s'est produit au Yémen. Des médecins, sages-femmes, infirmières et chirurgiens ont fui vers d'autres pays en quête de sécurité. Les communautés qui se sont ainsi formées partout dans le monde sont désormais connues sous le nom de "diaspora yéménite".
Malgré cela, beaucoup de professionnels de santé sont restés sur place et ont dû faire face à une multitude d'épidémies, d'urgences et de blessures. Ces professionnels sont le pilier du système de santé yéménite, les héros méconnus de cette guerre.
Nous voulons aider, mais nous avons aussi besoin d'être protégés
Ces personnels de santé travaillent dans les hôpitaux privés ou publics de tout le pays, voire parfois sur les lignes de front. Ils sont habitués à gérer des menaces qu'ils peuvent voir, toucher ou sentir. L’arrivée de la COVID-19 a suscité chez eux une peur qu'ils n'avaient jamais ressentie auparavant.
"En tant qu'infirmière, je veux aider et traiter les patients. Je peux voir une blessure par balle ou un éclat d'obus, mais ce virus, je ne le vois pas. Si je voulais soigner, comment devrais-je m’y prendre sans équipement de protection individuelle? Je ne pourrais plus me concentrer sur le patient, car je serais trop préoccupée par le risque d’être infectée moi-même", a confié Irene Versoza, infirmière à l'Hôpital de l'Université des sciences et des technologies de Sana'a.
Il y a actuellement une pénurie mondiale d’équipements de protection individuelle (EPI) et le Yémen se retrouve dans une situation où il est contraint de "rivaliser" avec des pays qui ont plus de cas de contamination et plus de fonds pour acheter des EPI. Le nombre de cas et de décès annoncés au Yémen ne suffit pas pour que la situation du pays soit considérée comme une « priorité » par fournisseurs mondiaux d’EPI.
Nous faisons du mieux que nous pouvons avec ce que nous avons
Les EPI ne sont pas la seule chose qui manque au Yémen à ce stade, mais près de 90 % des équipements dont le pays a besoin urgemment pour gérer la crise de la COVID-19 sont produits par des fabricants locaux et mondiaux. À ce jour, le pays dispose des ressources suivantes : 38 unités d'isolement pour les patients atteints de la COVID-19, 4 laboratoires en capacité de dépister le virus, 6.700 kits de dépistage, plus de 220.000 articles d'EPI, 154 ventilateurs et 520 lits de soins intensifs. Pourtant, ces équipements ne suffisent pas à répondre à la situation.
Les dernières estimations montrent que dans le meilleur des cas, il est fort probable que 16 millions de personnes - soit plus de la moitié de la population du pays - seront infectées.
"À cause de la pénurie de masques, nous utilisons un masque par semaine. Quand je rentre chez moi, je désinfecte mon masque pour pouvoir le réutiliser le lendemain", confie Mme Versoza.
La réalité de cette maladie est brutale mais bien présente dans les hôpitaux : les patients qui arrivent hésitent à dire qu'ils ont du mal à respirer de peur d'être emmenés loin de leur famille dans des centres d'isolement.
"Je suis disposée à prendre en charge des patients, mais j'ai aussi besoin de me sentir en sécurité. Pour l'instant, la prière est ma seule protection ", confie Mme Versoza.
Alors que le virus continue de circuler de manière ininterrompue, l’Équipe spéciale pour les besoins humanitaires au Yémen dirigée par l’ONU travaille en partant de l'hypothèse qu’il y a une véritable transmission communautaire du virus. L'effort d'approvisionnement, notamment en EPI, étant une priorité, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Module de la logistique dirigé par le Programme alimentaire mondial (PAM) évaluent les itinéraires les plus rapides pour faire parvenir ces équipements par terre, mer ou air.
"Nous savons que ce n'est pas suffisant, mais nous faisons du mieux que nous pouvons avec ce que nous avons. Les personnels travaillent jour et nuit pour acheminer ces fournitures au Yémen. Cela ne résout peut-être pas toutes les difficultés, mais cela nous donne au moins une chance de pouvoir mener la bataille" a déclaré Aidan O'Leary, Chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) au Yémen.
Produit par OCHA. Cet article a été publié à l'origine sur le site web d'OCHA. Pour lire la version originale, cliquez ici.