L’après-séisme en Haïti : Des femmes engagées se battent pour se relever et faire repartir l’activité agricole
Les femmes rurales ne sont pas souvent placées sous le feu des projecteurs. Pourtant, elles devraient l’être, car dans des pays comme Haïti, par exemple, où la vulnérabilité face aux catastrophes naturelles et au changement climatique est extrême, ces femmes font preuve d’un niveau de courage et de résilience remarquable.
Le 15 octobre 2021, la Journée internationale des femmes rurales a été célébrée sous le thème "Les femmes rurales produisent une alimentation saine pour toutes et tous". À cette occasion, nous souhaitons mettre en avant les histoires respectives de deux femmes haïtiennes actives dans le secteur agricole et alimentaire, courageuses et déterminées à aller de l’avant en dépit d’un destin qui semble vouloir s’acharner sur leur île…
Bernadette : une femme leader courageuse et engagée qui montre la voie
Il est 5h du matin. Bernadette Charles est déjà prête à sortir dans son jardin. C’est la saison des cultures maraichères et elle veut prendre soin de ses plantes pour éviter qu’elles ne se dégradent à cause de la sécheresse. Avant le tremblement de terre du 14 août 2021, le sud d’Haïti manquait déjà d’eau. La situation s’est aggravée avec le séisme et a aujourd’hui de graves conséquences sur les femmes comme Bernadette, qui vivent essentiellement de l’agriculture.
Les populations des départements fortement touchés par le séisme du 14 août tentent aujourd’hui de se reconstruire. Les femmes rurales se relèvent en cultivant la terre.
Bernadette vit dans la ville de Les Anglais, une commune du sud du pays. Mère de deux enfants, elle fait face à beaucoup de difficultés. Sa maison a été en partie endommagée par le séisme et elle se bat pour tenter de se relever et pour soutenir les femmes membres de l’Organisation des femmes pour le développement de Les Anglais (OFDAN), une coopérative qui compte près de 200 membres.
"Avec le tremblement de terre, en plus de nos proches décédés ou blessés, nous, les femmes rurales, avons vu nos maisons détruites ou endommagées. Le tremblement de terre et la tempête Grace ont endommagé nos champs. Nos activités agricoles et commerciales ont été interrompues. Nous n’avons plus les moyens de rembourser nos prêts", déplore-t-elle
Lorsqu’elle n’est pas dans son jardin ou devant une machine pour transformer le manioc qu’elle produit en farine, Bernadette anime des formations pour ses consœurs de la coopérative, afin de les aider à redévelopper des activités génératrices de revenus. Elle se rend également dans des régions reculées pour offrir des plantules à des femmes qui n’ont pas accès à des services de base.
"Nous cultivons aussi des arbres fruitiers et forestiers, explique-t-elle. Nous aidons les femmes à se lancer dans l’entreprenariat en passant par l’agriculture. Nous ne nous contentons pas de produire des produits agricoles, nous les transformons aussi. […] Mais nous avons besoin d’intrants agricoles, d’ateliers et d’équipements pour la transformation de produits, de moyens de conservation, de formation, de moyens financiers et d’accès aux marchés", poursuit-elle.
D’ailleurs, si Bernadette peut continuer à produire, transformer et vendre ses cultures, c’est grâce à l’appui du projet FADEKA, acronyme de "Fanm nan Agrikilti se devlopman ekonomi Ayiti", qui veut dire "Les femmes qui travaillant dans l’agriculture sont le pilier du développement économique d’Haïti".
FADEKA est un programme d’ONU-Femmes financé par la Norvège et mis en œuvre en partenariat avec les ministères de l’agriculture et de la condition féminine, ainsi qu’avec des organisations de la société civile. Il est déployé dans des communes rurales du Sud et de la Grand Anse et vise à autonomiser les femmes rurales et à renforcer leur résilience face au changement climatique.
Ce soutien permet à Bernadette de garder espoir pour l’avenir, même si d’immenses besoins restent à satisfaire.
Yvrose, une entrepreneuse investie et confiante en sa capacité de résilience
Yvrose sillonne les rues de Canapé Vert, un quartier populaire de la capitale Port-au-Prince, pour vendre ses produits, notamment alimentaires.
Le terrible séisme du 12 janvier 2010, qui a causé la mort de centaines de milliers de personnes et provoqué d'innombrables dégâts, a mis sa vie et son travail en suspens.
Ce bouleversement, Yvrose a pu le surmonter notamment en relançant son activité grâce à une initiative du PNUD baptisée "Femmes Entrepreneures".
Mise en œuvre en collaboration avec les plateformes communautaires de la ville et financée par l'Agence coréenne de coopération internationale, cette initiative a vu le jour au lendemain du séisme de 2010.
Objectif : offrir à des femmes haïtiennes vulnérables une formation de qualité en gestion des affaires et les aider à investir dans des équipements pour leur permettre de développer leur entreprise.
Comme beaucoup d’autres femmes bénéficiaires du projet, Yvrose s’est servie des compétences qu’elle a acquises dans ce cadre pour se relever également des épisodes de l'ouragan Matthew, en 2016, et de celui du séisme survenu plus récemment, le 14 août 2021.
"Il ne s'agit pas seulement de revenus. Grâce au projet "Femmes Entrepreneures" et au PNUD, j'ai pu accéder aux équipements indispensables pour relancer mon projet. Sinon, j'aurais dû économiser des mois voire des années, pour acheter mon propre réfrigérateur", insiste-t-elle.
En évoquant le séisme du 14 août dernier, Yvrose souligne, entre autres, ce que l’initiative "Femmes entrepreneure" a changé dans sa manière de gérer son affaire :
"À date, nous sommes capables d'identifier instantanément les tremblements de terre et d'y réagir. Nos commerces sont situés dans des bâtiments de plain-pied par mesure de précaution, notre système d'approvisionnement repose désormais sur la proximité de nos fournisseurs. Un éventuel barrage des routes reliant les villes ne nous affecterait que dans une moindre mesure. Sans aucun doute, nous avons été terrifiés sur le moment, mais nous avons ensuite réalisé que ce n'était que le fantôme de 2010," explique-t-elle.
Aujourd’hui, en Haïti, le PNUD soutient plus de 500 PME appartenant à des femmes.
Préparer la société égalitaire et résiliente de demain
L’ONU a rappelé, à l’occasion de la Journée internationale des femmes rurales, la nécessité pour les tous les acteurs impliqués, d’amplifier leur soutien aux femmes rurales et prioritairement à celles du Grand Sud, qui ont été très éprouvées par le récent séisme.
Comme le rappelle le thème de cette journée mis en avant en Haïti : "Fanm riral se senbòl rezistans pou remambre ekonimi peyi a, ann kore yo pou yon sosyete san fòs kote", autrement dit : "Les femmes rurales sont le symbole de la résistance nécessaire pour le relèvement de l’économie du pays. Soutenons-les pour créer une société égalitaire".
C’est la raison pour laquelle ONU-Femmes et le PNUD demeurent résolus à œuvrer en Haïti pour créer un environnement favorable à l'égalité des sexes, à l'autonomisation des femmes et à l'amélioration de la résilience des communautés locales, notamment rurales.
Adaptation par le Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD) d'un article écrit par Laura Louis, d’ONU-Femmes, et d'un article publié le 21 septembre 2021 sur la page Exposure du PNUD en Amérique latine et dans les Caraïbes. Pour en savoir plus sur l’action de l'ONU en Haïti, consultez le site Haiti.UN.org/fr. Pour connaître les résultats de nos activités dans ce domaine et dans d'autres, consultez le dernier Rapport en date de la Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable sur le BCAD.