Le chef de l’ONU appelle à un cessez-le-feu immédiat au Soudan

Les affrontements se sont intensifiés à travers le Soudan lundi, alors que de hauts responsables de l'ONU exhortaient les factions militaires rivales à protéger les civils et à respecter les obligations internationales du pays.
« Je condamne fermement le déclenchement des combats qui se déroulent au Soudan et appelle les dirigeants des Forces de soutien rapide (RSF) et des Forces armées soudanaises (SAF) à cesser immédiatement les hostilités, à rétablir le calme et à entamer un dialogue pour résoudre cette crise », a déclaré lundi le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres.
Après la mort de trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) dans la région du Darfour au milieu de combats généralisés, il a demandé que les responsables soient traduits en justice sans délai.
« La situation a déjà entraîné d'horribles pertes en vies humaines, dont de nombreux civils », a déclaré le chef de l'ONU, avant de prononcer un discours à l’ouverture d'un forum des Nations Unies sur le financement du développement.
Il a exhorté tous ceux qui ont une influence sur la détérioration de la situation à faire pression pour la paix et à soutenir les efforts visant à mettre fin à la violence, à rétablir l'ordre et à reprendre le chemin de la transition.
L'ONU stoppe de nombreuses opérations
Le porte-parole de l'ONU, Stéphane Dujarric, a déclaré lundi après-midi que « les hostilités ne feront qu'entraver nos efforts de réponse humanitaire à un moment où les besoins sont à un niveau record au Soudan ».
« Nous n'avons actuellement aucun accès à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, les frontières et l'aéroport restant fermés », a déclaré M. Dujarric, soulignant que l'ONU a été contrainte d'arrêter temporairement une grande partie de ses opérations en raison des combats.
Les tirs croisés à l'aéroport de Khartoum ont endommagé un avion de l'ONU, affectant potentiellement sérieusement la capacité d'atteindre les régions reculées du Soudan, où les besoins sont les plus élevés, a-t-il souligné. Actuellement, 3,7 millions de personnes sont déplacées au Soudan, a-t-il précisé.
La crise a commencé par des affrontements armés samedi, entre les forces armées, fidèles au chef du gouvernement militaire, et celles de son adjoint, qui dirige les forces paramilitaires.
Actuellement, dix agences des Nations Unies et plus de 80 organisations non gouvernementales gèrent 250 programmes au Soudan, a-t-il dit.
Le chef de l'humanitaire de l'ONU, Martin Griffiths, a déclaré qu'il était « horrifié » par les morts et le pillage de l'aide, ajoutant qu’il « est crucial que les combats cessent afin que nous puissions reprendre nos efforts pour aider ceux qui en ont le plus besoin ».
Csaba Kőrösi, le Président de l'Assemblée générale des Nations Unies, a fait écho à cet appel. « Toute nouvelle escalade aura des effets dévastateurs sur le pays et la région », a-t-il dit.
L'agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré qu'une désescalade de la situation était nécessaire de toute urgence. « Nous sommes profondément préoccupés par la sûreté et la sécurité des civils dans les zones touchées par les combats, y compris les réfugiés et les personnes déplacées », a dit l'agence, appelant toutes les parties à protéger les civils, y compris les réfugiés et les personnes déplacées, et à respecter le la sécurité du personnel humanitaire afin que l'aide essentielle puisse être acheminée.

Une situation humanitaire catastrophique
Le chef de l'ONU António Guterres a déclaré que la situation humanitaire déjà précaire au Soudan est « maintenant catastrophique ».
Le PAM estime qu'un tiers de la population soudanaise, soit quelque 15 millions de personnes, est confrontée à une insécurité alimentaire aiguë.
Les opérations du PAM dans le pays sont temporairement suspendues, car l'agence a déclaré que les menaces pesant sur ses équipes les empêchent d'opérer en toute sécurité et efficacement.
Condamnant les morts et les blessés parmi les civils et les travailleurs humanitaires ainsi que le pillage de locaux, M. Guterres a rappelé à toutes les parties la nécessité de respecter le droit international, notamment en assurant la sûreté et la sécurité de tout le personnel des Nations Unies et du personnel associé, ainsi que des travailleurs humanitaires.
« Je dialogue avec les dirigeants de toute la région », a-t-il déclaré, réaffirmant que l'ONU est aux côtés du peuple soudanais en cette période très difficile, avec un soutien total pour ses efforts pour restaurer la transition démocratique et construire un avenir pacifique et sûr.
Le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, Volker Perthes, a déclaré lundi dans un communiqué qu'il restait en contact avec les partenaires soudanais, régionaux et internationaux pour travailler à mettre fin aux combats.
Il a exprimé sa déception qu'un cessez-le-feu humanitaire négocié par l'ONU n'ait été que « partiellement » respecté dimanche. Il a exhorté toutes les parties à respecter leurs obligations internationales, notamment à assurer la protection de tous les civils.
« L’ONU est extrêmement déçue que la cessation humanitaire des hostilités à laquelle s’étaient engagées les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces de soutien rapide (RSF) n’ait été que partiellement honorée hier », a déclaré dans un communiqué, Volker Perthes, relevant que « les affrontements se sont également intensifiés ce matin (lundi) ».
L’armée et les paramilitaires ont annoncé ouvrir dimanche des « couloirs humanitaires » pour évacuer les blessés « pendant trois heures», se gardant des deux côtés un « droit de riposte en cas de violation » de l’accord.
Volker Perthes, qui est aussi le Chef de la Mission intégrée d’assistance à la transition des Nations Unies au Soudan (UNITAMS), continue d’exhorter toutes les parties à respecter leurs obligations internationales, et notamment à assurer la protection de tous les civils.
Protéger le personnel de santé et les patients
Alors que les combats se poursuivent à Khartoum et dans d’autres régions du Soudan, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) exhorte, pour sa part, toutes les parties au conflit à respecter la neutralité des soins de santé et à garantir un accès illimité aux établissements de santé pour les personnes blessées par les hostilités.
Selon l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU, les déplacements dans la ville sont limités en raison de l’insécurité. Cela complique la tâche des médecins, des infirmières, des patients et des ambulances qui doivent se rendre dans les établissements de santé, et met en danger la vie des personnes qui ont besoin de soins médicaux d’urgence. L’OMS rappelle à toutes les parties leur obligation « de protéger les blessés et les malades, les civils, les travailleurs de la santé, les ambulances et les établissements de santé ».
Depuis le 13 avril, plus de 83 personnes ont été tuées et plus de 1.126 autres blessées à Khartoum, au Kordofan-Sud, au Darfour-Nord, dans l’État du Nord et dans d’autres régions, les combats les plus intenses se déroulant actuellement à Khartoum, selon un décompte effectué dimanche soir par l’OMS. Mais les rapports des médias ont fait état d’un nouveau bilan communiqué lundi matin par le Syndicat des médecins, avec au moins 97 morts parmi les civils.
Des pénuries de sang, d’équipement de transfusion
Alors que les blessés sont de plus de 1.100 depuis le début des combats samedi, l’OMS annonce que « plusieurs des neuf hôpitaux de Khartoum qui reçoivent des civils blessés n’ont plus de sang, d’équipement de transfusion, de fluides intraveineux et d’autres matériels vitaux ». « Les fournitures distribuées par l’OMS aux établissements de santé avant cette récente escalade du conflit sont maintenant épuisées ».
L’agence onusienne signale également des pénuries de personnel médical spécialisé, notamment d’anesthésistes. Les coupures d’eau et d’électricité affectent le fonctionnement des établissements sanitaires, et des pénuries de carburant pour les générateurs des hôpitaux sont également signalées.
Selon l'OMS, l’hôpital Bahri de Khartoum Nord a reçu plus de 40 civils blessés et demande des fournitures chirurgicales supplémentaires.
Face à ces manques, l’OMS surveille les besoins et les ressources sanitaires à Khartoum et dans les autres villes touchées afin de s’assurer que les fournitures limitées sont acheminées là où elles sont le plus nécessaires. L’OMS collabore avec le ministère de la Santé de Khartoum pour aider les hôpitaux qui traitent les blessés en leur fournissant du carburant pour les générateurs et des poches de sang supplémentaires.
Plan de réponse humanitaire initial de plus de 2,3 milliard de dollars
« Au fur et à mesure que la situation évolue, l’OMS continue de travailler avec ses partenaires et les autorités sanitaires pour combler les lacunes dans la fourniture de soins de santé, en particulier pour les soins traumatiques, tout en assurant la sécurité de son propre personnel et de leurs familles », a détaillé l’agence onusienne.
Outre la poursuite des combats dans la capitale Khartoum, des « affrontements importants » ont été signalés à El Fasher au Darfour Nord, à El Obeid au Kordofan Nord, à Nyala au Darfour Sud et à Kassala dans l’État de Kassala. Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), le mouvement des humanitaires a été suspendu dans les États du Kordofan Sud et Ouest et une mission conjointe est actuellement bloquée à El Obeid.
Selon OCHA, les conflits, les catastrophes liées aux chocs climatiques, les épidémies et la détérioration de l’économie continuent d’affecter le Soudan et, face à ces risques, les besoins humanitaires ne cessent de croître. Plus de 15 millions de personnes - à peu près un tiers de la population - auront besoin d’une aide humanitaire en 2023. Cette augmentation de 1,5 million de personnes par rapport à 2022 est la plus importante depuis 2011.
C’est dans ce contexte que les partenaires humanitaires ont lancé un appel de fonds de plus de 2,3 milliard de dollars pour fournir une aide humanitaire à plus de 12 millions de personnes parmi les plus vulnérables au Soudan en 2023, ainsi que pour des activités de résilience.
Cet article a d'abord été publié sur le site de ONU Info.