Libéria : Promouvoir les droits des femmes et la gestion pacifique des conflits fonciers

"Dans le temps, les femmes ne possédaient jamais de terres ici, mais aujourd'hui, femmes, hommes et jeunes peuvent discuter ensemble avec les anciens et décider des questions liées à la propriété foncière", explique Wleetibo Dennis, un résident du comté de Maryland, au Libéria.
Au Libéria, il est généralement difficile pour les femmes de conserver la propriété d’une terre en cas de divorce ou après la mort de leur mari. La concurrence autour des questions foncières est une des principales causes des conflits au Libéria, des conflits qui conduisent souvent à des tensions et à des violences communautaires. Les conflits violents qui éclatent autour de la question de la propriété foncière sont souvent alimentés par des griefs liés à la rareté des terres et à des injustices historiques.
Pour prévenir et gérer pacifiquement les conflits fonciers, le Gouvernement du Libéria, en collaboration avec ONU Femmes, le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), travaille à renforcer la coordination entre les initiatives portant sur la gouvernance foncière, à mettre en œuvre une politique de décentralisation foncière et à soutenir les mécanismes alternatifs de résolution des conflits, car ceux-ci apportent des réponses plus rapides et plus souples aux conflits communautaires. Financé par le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix, un projet de 4 millions de dollars a été mis en œuvre sur trois ans dans 42 communes situées dans les quatre comtés de Nimba, Cape Mount, Sinoe et Maryland.

Dans le cadre d’une approche plus inclusive des questions liées à la propriété foncière, ce projet a porté essentiellement sur l'amélioration de la compréhension et de la connaissance qu’ont les femmes de la Loi sur les droits fonciers de 2018 dans les communes ciblées. ONU Femmes a contribué à sensibiliser les populations locales aux lois relatives à la propriété foncière en mettant plus particulièrement l’accent sur les droits fonciers des femmes. Ainsi, plus de 7.000 personnes ont acquis une meilleure compréhension des droits fonciers et des processus de résolution des conflits fonciers. Des campagnes s'adressant à près de 100.000 personnes ont en outre été menées dans les médias sur La loi sur les droits fonciers.
"Avant, l'ancienne loi ne nous incluait pas, nous les femmes. Par contre, la nouvelle loi sur les droits fonciers adoptée en septembre 2018 permet aux femmes et aux jeunes de prendre part aux discussions sur les terres", se félicite Patricia Dennis, une habitante de Kaken-Gbolobo, dans le comté de Maryland.
Après plus de deux ans d’un travail continu, les acteurs engagés dans ce projet ont réussi à faire en sorte que la mentalité des habitants des différentes communes ciblées change dans le bon sens sur la question du droit des femmes à la terre et à la propriété.

Les femmes ont par ailleurs bénéficié d’une formation sur la résolution des conflits liés à la présence de sociétés concessionnaires et ont commencé à assumer de plus en plus de fonctions de direction dans les comités communautaires de développement et de gestion des terres. Le projet a permis de faire en sorte qu’un nombre plus important de femmes prennent part à l’ensemble des mécanismes de dialogue et de résolution des conflits mis en place.
Ainsi, dans une des situations qui leur ont été présentées, des femmes dirigeantes, dont les compétences avaient été renforcées grâce à la formation dispensée dans le cadre du projet, ont plaidé efficacement en faveur de Madame Tumu, une veuve vivant à Flumpa, dans le comté de Nimba, afin qu’elle obtienne le droit de propriété sur des biens après le décès de son mari. Grâce à cela, Madame Tumu a réussi à récupérer son droit à la propriété foncière auprès de ses proches.
John Wah, Président de la coopérative agricole de la commune de Korsein, dans le comté de Nimba, a déclaré :
"Grâce à cette formation et au soutien que nous a apporté ce projet, notre communauté est plus pacifique car nous comprenons mieux nos droits fonciers et la manière de résoudre les conflits. Nous comprenons également que les femmes ont elles aussi des droits fonciers et qu’elle ne doivent pas être exclues".
Vivianne Suah, une habitante de la commune de Yarsonoh, dans le comté de Nimba, a témoigné de son côté : "Grâce à ce projet, nous avons commencé à comprendre les droits des femmes en matière de propriété foncière. Ce projet nous a permis de comprendre que les hommes, les femmes et les jeunes doivent s'asseoir ensemble et discuter des questions foncières. Cela apporte plus d'harmonie à la communauté".

Dans le cadre de ce projet, des comités d'aménagement et de gestion des terres ont été créés. Dans ces comités se réunissent des représentant·e·s des autorités locales, des communes concernées, de la société civile et, le cas échéant, des sociétés concessionnaires, afin de discuter des problèmes fonciers et les résoudre. Jusqu'à présent, dix comités de ce type ont été mis en place, permettant aux habitants d'exprimer leurs besoins et de revendiquer leur droit à l’exploitation des terres et leur droit de propriété sur leurs terres.
L'équipe du PAM a accompagné les habitants des communes touchées par la présence de concessions pour les aider à améliorer leurs moyens de subsistance en leur permettant de travailler dans des coopératives agricoles et en fournissant aux personnes les plus vulnérables des outils agricoles pour leur permettre de compenser la perte de leurs terres. À ce jour, environ 450 habitants, en priorité des femmes, ont été formés à l’exploitation de la terre et à la gestion de coopératives agricoles et ont reçu des semences et du matériel agricole.
Par ailleurs, l'équipe du PNUD a contribué à renforcer la capacité des institutions de gouvernance foncière aux niveaux national et local, et notamment de l'Autorité foncière du Libéria, à travailler de manière efficace. Le PNUD a également appuyé l'Autorité foncière, en collaboration avec des acteurs de la société civile locale, dans ses efforts de formalisation des droits fonciers coutumiers.
"Grâce aux connaissances [que nous avons acquises] dans le cadre de ce projet, nous avons créé un comité foncier communautaire par le biais duquel nous nous efforçons de résoudre les conflits fonciers dans notre commune, en particulier lorsque ces conflits découlent d’un différend familial. Nous essayons d'éviter de porter ce genre d'affaires devant les tribunaux officiels", s'exprime Joshua Daindah, un habitant de la commune de Korsein, dans le comté de Nimba.

Richard Voker, membre du Comité foncier de la commune de Yarsonoh, dans le comté de Nimba, raconte de son côté :
"Il y a quelque temps, j'ai subi une grave attaque de la part d’habitants de la commune voisine à cause d'un conflit foncier, et j'en garde encore des cicatrices. Mais la formation que j’ai suivie grâce à ce projet sur les droits fonciers et les processus de résolution des conflits m'a permis d'aller de l'avant et de trouver le moyen de résoudre ce conflit de manière pacifique, au lieu d'engendrer davantage de violence. Il faut que cette formation et ce soutien bénéficient à un plus grand nombre de communes".
Les habitants des communes ciblées par le projet se sentent désormais plus à même d'exprimer leurs doléances et de négocier avec les sociétés concessionnaires privées opérant sur leurs terres ou à proximité. Dans la commune de Nimba, la société Nimba Rubber Incorporated a ainsi indemnisé les habitants lésés par sa concession d'exploitation du caoutchouc en leur offrant une aide pour leur permettre de s’instruire et de s'assurer un moyen de subsitance.
Le Fonds pour la consolidation de la paix appuie le Gouvernement du Libéria dans la réalisation de ses priorités en matière de consolidation de la paix depuis 2007. L’aide apporté par le Fonds a permis de limiter les difficultés budgétaires qui ont découlé du retrait de la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL), en 2018, en approuvant près de 33 millions de dollars entre 2017 et 2021 en vue de soutenir l'autonomisation des femmes et des jeunes, l'État de droit, le processus de justice transitionnelle, les droits de l'homme et la résolution des conflits fonciers. Le soutien à la gouvernance foncière reste l'une des principales priorités des activités du Fonds au Libéria. Elle figure, à ce titre, comme l'une des trois grandes priorités du Cadre de résultats stratégiques du Fonds pour le Libéria pour la période 2022-2027.
Article écrit à l’origine en anglais par le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix. Adaptre par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD). Traduction française réalisée par le BCAD.
Pour en savoir plus sur l’action menée par l'ONU au Libéria, consultez le site Liberia.UN.org.