Les femmes rurales prennent leur destin en mains : En République kirghize, elles s’engagent en politique et dans le monde de l’entreprise
Les femmes rurales ont tout le potentiel nécessaire pour devenir des dirigeantes et des cheffes d'entreprises. Elles ont d’ailleurs l’envie de prendre les rennes. Mais elles se heurtent à de nombreux obstacles : peu d’opportunités d’emploi, un faible niveau d'éducation et beaucoup d’offres d’emplois non rémunérés. De plus, leurs proches, sous la pression des stéréotypes véhiculés par les traditions, les dissuadent souvent, de manière explicite, de poursuivre leurs rêves.
En Europe et en Asie centrale, les femmes rurales bénéficient d’un statut considéré comme l'un des plus avancés au monde. Pourtant, même dans cette partie du monde, en 2021, elles continuent de subir des discriminations. En 2012, quatre organismes de l'ONU - ONU-Femmes, la FAO, le PAM et le FIDA - ont lancé le projet baptisé "Autonomisation économique des femmes rurales" (en anglais “Rural Women’s Economic Empowerment”, ou RWEE) visant à favoriser le bien-être des femmes et permettre à celles-ci d’accéder à des postes à responsabilités. Depuis, le projet est devenu opérationnel dans de multiples pays. En République kirghize, le projet RWEE bénéficie aux femmes rurales vulnérables et à celles qui vivent sous le seuil de pauvreté national, qui est de 2.700 KGS (ou "soms", la monnaie de la République kirghize), soit environ 32 dollars américains par mois.
Nous nous sommes entretenus avec quatre femmes kirghizes qui ont réussi à avancer dans leur vie grâce au projet RWEE. Elles nous ont parlé de leurs expériences, des opportunités qui leur ont été offertes et des difficultés qu’elles ont rencontrées sur leur chemin de vie.
"La politique n'est pas réservée aux hommes"
Juste après avoir obtenu son diplôme, Tursunai Akmatova a commencé à travailler comme enseignante dans une école rurale et n'a jamais envisagé de changer de carrière ; mais cela, c’était avant 2014. Cette année-là, elle a entendu parler du projet RWEE et a décidé d'y participer. En 2017, elle devenait membre du Conseil local (ou "kenesh")
"J'ai pu prouver que la politique n'est pas réservée aux hommes et que les femmes aussi peuvent et doivent y participer", s’est exprimée Tursunai.
Dans le cadre de ses fonctions au sein du Conseil local, Tursunai s'est employée à apporter sa contribution à la vie de son village, Baizak. Pendant la pandémie, elle et d'autres militant(e)s ont aidé à distribuer des colis alimentaires et des équipements de protection individuelle aux familles en difficulté. Outre son travail social, Tursunai apporte un soutien aux femmes entrepreneurs. Avec des femmes partageant les mêmes idées qu’elle, elle a fondé un fonds agricole, qui compte aujourd'hui 50 femmes.
"Au fil des ans, j'ai pu réaliser beaucoup de choses et je suis très reconnaissante envers celles et ceux qui m'ont soutenue sans discontinuer, alors que j'étais moi-même hésitante au départ", reconnaît Tursunai. "Je crois que, grâce à ce projet, beaucoup de femmes ont pu réveiller leur "moi" : elles ont cru en elles-mêmes et ont commencé à faire ce qu'elles aimaient faire."
"Nous comprenons mieux ce à quoi les femmes et les enfants sont confrontés"
En 2015, Nuria Temirbek kyzy était une femme au foyer vivant dans le village d'Ak-Zhar. Elle n’envisageait pas de travailler et encore moins de s'engager dans les affaires ou la politique. Deux ans plus tard, elle est devenue adjointe du Conseil "kenesh" local et, depuis, elle apporte son aide à ses concitoyen(ne)s du village.
Comme Tursunai, Nuria a participé, un peu par hasard, à une réunion où étaient présent(e)s les représentant(e)s d'une organisation internationale. Et cette rencontre a changé sa vie. "Ma vision de la vie a changé pour le meilleur. J'ai commencé à croire en moi et, en 2016, j'ai présenté ma candidature au poste d’élue du Conseil local. J'ai remporté les élections. Avant, j'étais persuadée qu'une femme devait rester à la maison, élever ses enfants, s'occuper de son mari. Mais il s'est avéré que nous sommes très fortes, que nous pouvons tout faire", raconte Nuria.
Du seul fait d’être une femme, Nuria a rencontré beaucoup d’obstacles sur son chemin. Mais c’est aussi ce qui constitue sa principale force. "Au début, mon mari s’opposait à ce que je fasse ces activités, car je n'étais pas souvent à la maison. Mais maintenant, il me soutient. En tant que femmes, nous n’apportons pas la même chose au parlement local que les hommes, en ce sens que nous comprenons mieux qu’eux les problèmes auxquels les femmes et les enfants sont confrontés au quotidien et que nous nous employons à résoudre ces problèmes", explique Nuria.
"J'ai surmonté ma peur et commencé à travailler"
Elmira Sazanova fait partie de ces rêveuses qui ont toujours cru en leur capacité à réussir et se sont toujours efforcées d'atteindre leurs objectifs. Mère de quatre enfants, elle est propriétaire d'un petit atelier de couture où elle supervise le travail de dizaines de couturières. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, son seul rêve était de faire l’acquisition de deux machines à coudre professionnelles pour pouvoir augmenter sa production de robes, depuis chez elle, pour ses voisines et ses amies.
Elmira a découvert le projet RWEE en 2014. On lui a dit que grâce à ce projet, on pourrait l'aider à créer une entreprise. "Pour être honnête, se souvient-elle, je n'y croyais pas, mais j'ai décidé d'essayer. J'ai participé à de nombreuses formations, après quoi nous avons préparé un plan pour un projet d’atelier de couture. Et puis un jour, comme ça, les machines à coudre sont arrivées. Et il y en avait tellement ! J'étais surprise et déboussolée : que faire avec autant de machines à coudre ? Où trouver des ouvrières ? Puis j'ai surmonté ma peur et j'ai commencé à travailler", raconte Elmira.
Cependant, même en disposant de tout l'équipement nécessaire, le lancement de l’entreprise d’Elmira n'a pas été chose facile. D'abord, elle a dû chercher des employées de couture et des produits à vendre, car beaucoup de villageoises n'avaient pas les moyens d'acheter régulièrement de nouveaux vêtements. Et puis, la pandémie a frappé. Alors, dans l’atelier d’Elmira, on a commencé à fabriquer des masques. Dans son atelier, Elmira embauche même des personnes qui n’ont aucune expérience. Comme elle l'explique, "Presque toutes les femmes peuvent être formées à la couture ; l'essentiel est qu'elles aient envie d'apprendre et de travailler."
"Je voulais devenir un modèle pour mes enfants"
Il y tout juste quelques années, Upnisa Madmarova, 60 ans, songeait à ouvrir un atelier de couture. Mais, à l’époque, son rêve était impossible à réaliser.
"Je voulais devenir un modèle pour mes enfants", explique-t-elle. Alors qu’elle était à un tournant de sa vie, Upnisa a décidé de faire tout ce qu’elle pourrait pour sortir sa famille de la pauvreté et s’est promis de toujours aller de l'avant, même si ce serait en faisant un pas après l'autre.
Upnisa a donc rejoint le projet RWEE et, avec d'autres femmes de son village de Chek-Abad, a suivi une série de formations. Forte d'une confiance retrouvée, elle a participé au concours du meilleur projet entrepreneurial. Son projet d’ouvrir un petit atelier de couture dans le village a été sélectionné parmi les meilleurs, ce qui lui a permis de franchir un cap vers le rêve qu’elle caressait depuis longtemps.
Mais l’idée d’Upnisa n'était pas uniquement de gagner plus d'argent pour elle et sa famille. Elle voulait aussi offrir à d'autres femmes vulnérables issues de familles pauvres la possibilité d’avoir leurs propres revenus. "J'ai offert un travail à 15 femmes grâce à mon atelier et d'autres travaillent aussi pour moi à distance. Entendre les filles rire pendant les heures de travail, c’est ma plus grande victoire. Ça veut dire que j’ai réussi."
Cette histoire s'inspire de récits précédemment publiés sur le site de l'ONU en République kirghize. Appui éditorial de Paul VanDeCarr et Maria Podkopaeva, du Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD). Traduit en français par le BCAD. Pour plus d'informations sur l’action menée par l'ONU en République kirghize, veuillez consulter le site Kyrgyzstan.UN.org. Pour connaître les résultats de nos activités dans ce domaine et dans d'autres, consultez le dernier Rapport en date de la Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable sur le BCAD.