Violences faites aux femmes, l'autre épidémie qui sévit au Honduras


"J'étais confinée à la maison. Mon compagnon n'aimait pas que je sorte, pas même pour aller à l'église. Si je sortais quand même, il me battait", raconte une survivante de violences domestiques en se confiant à nous sous couvert d'anonymat - par mesure de sécurité - à l’occasion d'une visite de responsables de l'ONU dans un foyer sécurisé pour femmes.
Le Honduras a le taux de féminicides le plus élevé de la région d'Amérique latine. Dans ce pays, 6,2 féminicides sont à déplorer pour 100.000 habitants. En 2020, 278 femmes ont été assassinées dans le pays et, en novembre 2021, plus de 240 femmes avaient perdu la vie dans des circonstances violentes.
Pendant la pandémie, les cas de violences commises à l'encontre des femmes ont augmenté de manière significative et le nombre d'appels d'urgence passés par des femmes menacées de violences est passé à 282 par jour.
Des lois pour venir en aide aux survivantes

"Le message que nous voulons faire passer est que nous ne devons pas laisser les associations de femmes et les organisations féministes qui luttent pour l’éradication de la violence faite aux femmes livrées à elle-même [dans l’accomplissement de leur mission]", a déclaré Ana Cruz, de l'Asociación Calidad de Vida (en français : "Association Qualité de vie"), une organisation de lutte contre la violence. "Il faut adopter urgemment la loi sur les foyers sécurisés pour femmes qui prennent en charge les femmes qui sont parvenues à échapper à la violence".
Bloquée au Congrès national depuis 2018, la loi sur les foyers sécurisés pour femmes vise à reconnaître et financer des foyers sécurisés pour leur permettre de prendre en charge les survivantes qui ont enduré de multiples formes de violence et de veiller à leur bien-être et à celui de leur famille. La société civile continue de plaider pour que cette loi soit adoptée et l'ONU s'est jointe à cet effort de plaidoyer.
"Respect aux femmes courageuses qui ont survécu à des violences domestiques ! Je veux exprimer ma reconnaissance et mes félicitations à Ana Cruz et au travail fantastique que font les foyers sécurisés ! La loi sur les foyers sécurisés doit être adoptée !", a écrit la Coordonnatrice résidente de l'ONU au Honduras, Alice Shackelford, sur Twitter.
Mobiliser le public pour engager la société sur la voie d’un changement salutaire
Massay Crisantho est l'une des 21 personnalités les plus influentes nommées par l’ONU au Honduras comme Ambassadrices de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles.
"Grâce à cette initiative, je peux porter la parole des femmes qui subissent ce type de violences et je peux me servir des plateformes sur lesquelles je m’exprime pour informer et sensibiliser le public à ce problème, dans une société dominée par les hommes et qui considère que ce genre de violences est normal", a expliqué Massay Crisantho, une militante et défenseure des droits de l'homme et de la culture de la communauté ethnique des Garifunas.

Les femmes ne doivent pas être les seules à mobiliser la société pour qu’elle en finisse avec les stéréotypes de genre et la reproduction des comportements sexistes qui conduisent à la violence de genre.
"Je pense qu'il est important que les jeunes, et en particulier les hommes jeunes, sensibilisent eux aussi à ce type de violences", a estimé Daniel Vijil, de l’association de jeunes El Milenio. "En effet, ce sont les femmes qui sont touchées, mais en tant qu'hommes, nous avons davantage les moyens d'influencer d'autres hommes et de les faire réfléchir à l'impact de leur comportement sur leurs sœurs, leurs amies et leurs collègues femmes".
L'éducation, moteur du changement
À travers l'initiative Spotlight et en partenariat avec des organisations de la société civile, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a lancé la campagne "L'autre pandémie", qui vise à créer un mouvement au sein de la société pour lutter contre la violence de genre et la prévenir.
"J’ai survécu à des violences domestiques et j'ai la chance d'être en vie", a témoigné Rosa Maria Perez lors du lancement de la campagne. "Il y a deux ans, je suis venue demander de l'aide à un moment où j’étais tellement au bout du rouleau et où je n’avais tellement plus d’espoir que je voulais mettre fin à ma vie. Devais-je continuer à vivre, ou devais-je mourir ? J’avais décidé de mourir". Dans le cadre de cette campagne, un documentaire a été diffusé. On y voit des témoignages capitaux de femmes survivantes, comme Rosa María, qui permettent de sensibiliser la population hondurienne à la nécessité que la société fasse preuve d’une tolérance zéro à l’égard de toutes les formes de violence à l’encontre des femmes et des filles. Tous les contenus conçus dans le cadre de cette campagne, dont les contenus audiovisuels, ont été diffusés gratuitement par plus de 15 médias à l'échelle nationale, dont le réseau des chaînes de télévision les plus regardées du pays.
Le rôle des données dans la lutte contre les violences faites aux femmes

Le travail des médias doit lui aussi contribuer à un changement de paradigme. Les données jouent d’ailleurs un rôle essentiel dans ce contexte car elles permettent de comprendre comment les médias couvrent le phénomène des violences faites aux femmes et quel impact cette couverture médiatique produit sur la population hondurienne. En faisant un travail d’information qui donnait l'impression que les cas de violences faites aux femmes étaient des cas isolés, un grand nombre de médias dans le pays ont conduit la population à avoir une perception erronée de ce type de violences alors qu'il s'agit en réalité d'un problème endémique dans la société hondurienne.
Une étude menée par l'initiative Spotlight et des partenaires de la société civile - dont l'Institut universitaire pour la démocratie, la paix et la sécurité (en espagnol : " El Instituto Universitario en Democracia Paz y Seguridad", ou IUDPAS) de l'Université nationale autonome du Honduras (UNAH) et la société de communication Sien - éclaire sur la manière dont les médias rendent compte du phénomène des violences faites aux femmes.
Il ressort notamment de cette étude que dans 9 affaires sur 10, des détails morbides sont divulgués, des justifications inappropriées sont présentées et des reportages faisant appel à des stéréotypes sont réalisés. Tous ces éléments contribuent à déformer la réalité de la violence faite aux femmes et influe sur la manière dont le public comprend et interprète ces informations. À l’issue de cette étude, ONU-Femmes a décidé d’organiser des formations à l’intention des médias pour promouvoir le développement d’un journalisme objectif et respectueux des réalités couvertes dans ce type de reportages.
À l’occasion de la présentation des résultats de l’étude menée par l’initiative Spotlight, Alice Shackelford a appelé à "changer de discours sur cette problématique et à exprimer le caractère intolérable de ce type de violences".
"La question de la violence de genre est une question centrale des droits de l'homme. Les femmes qui ont perdu la vie dans des circonstances violentes cette année sont des femmes qui ne peuvent plus contribuer à l'économie ni au développement du Honduras", a-t-elle regretté.
Au Honduras, l’ONU est résolue à continuer à collaborer avec un large éventail d’acteurs nationaux pour aider le pays à bâtir une société plus juste et plus équitable où il ne soit plus dangereux d'être une femme.
Article écrit par Maria Elena Cálix, Responsable de la communication et du plaidoyer au Bureau de la coordonnatrice résidente des Nations Unies au Honduras. Appui éditorial fourni par Pilar Lagos, Allan Chan et Paul VanDeCarr, du Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD). Traduction française réalisée par le BCAD. Pour en savoir plus sur l’action menée par l’ONU au Honduras, consultez le site Honduras.UN.org.
Pour connaître les résultats de nos activités dans ce domaine et dans d'autres, consultez le dernier rapport en date de la Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable sur le BCAD.














