Au Zimbabwe, les journalistes démêlent le vrai du faux concernant la COVID-19
"La COVID-19 est une crise sanitaire très sérieuse", a déclaré le Dr Alex Gasasira, Représentant de l'OMS au Zimbabwe. "Et, lors d’une crise, les gens ont peur, ils cherchent des informations qui leur permettent de se prémunir du danger. En même temps, beaucoup de rumeurs et de demi-vérités se propagent. C'est pourquoi nous voyons de faux messages et de fausses vidéos circuler sur les réseaux sociaux, ainsi que des théories infondées sur les modes de transmission du virus. Toutes ces informations erronées peuvent être fatales. Nous sommes confrontés non seulement à une crise sanitaire, mais potentiellement aussi à une crise de l'information."
Comme dans les autres pays, les rumeurs, les allégations, les mensonges et les contre-vérités se propagent rapidement au Zimbabwe. Récemment, par exemple, un communiqué de presse émanant apparemment du bureau du président a fait le tour des réseaux sociaux, annonçant que la période de confinement national avait été prolongée. D'innombrables personnes avaient lu ou entendu cette soi-disant information avant qu'il ne soit révélé que le communiqué de presse était un faux.
Au 30 avril, quatre personnes sont mortes de la COVID-19 au Zimbabwe. Le premier décès dû à ce virus dans le pays a été celui d'un journaliste de télévision renommé, Zororo Makamba. Sa mort a poussé la nation à réagir. "Heureusement, le nombre de décès est faible pour le moment", a indiqué le Dr Gasasira. "Mais il pourrait augmenter rapidement, surtout si les fausses informations se propagent à ce rythme". Pour endiguer la propagation de la maladie, l’ONU et ses partenaires collaborent avec les médias pour renforcer le rôle de ces derniers dans la diffusion d'informations exactes sur le coronavirus, de sorte que la population puisse se protéger.
Un atelier en ligne de deux jours organisé par le Groupe de la communication des Nations Unies, qui comprend des représentantes et représentants les 25 entités de l'ONU, a réuni 250 journalistes de tout le pays et 50 fonctionnaires des ministères, ainsi que de jeunes dirigeants et d’autres acteurs intervenant en première ligne dans la lutte contre la COVID-19. Les journalistes participant à la formation étaient issus des 55 médias de la presse écrite, radiophonique et numérique enregistrés dans le pays, ainsi que du corps des "journalistes citoyens" qui s'est formé en marge des médias officiels.
La population connaît peu de choses sur le coronavirus et même certains journalistes commencent tout juste à s'y intéresser. "L'atelier a permis d'éclaircir beaucoup de choses sur la COVID-19", rapporte Columbus Mavhunga, journaliste multimédia. "Par exemple, concernant la différence entre coronavirus et COVID-19 : je sais maintenant que le premier provoque la seconde." Selon M. Mavhunga, l'atelier a également permis de dissiper les mythes sur cette pandémie et d'aborder les dimensions éthiques des reportages réalisés sur la COVID-19.
Cette formation a également eu une fonction pratique importante puisqu’elle a permis de mettre les journalistes en contact avec des responsables du gouvernement, lesquels peuvent fournir des informations aux reporters. "On improvise toujours lorsqu'il y a un manque d'informations", rappelle Lynette Manzini, une autre journaliste qui a participé à la formation. "Cet atelier a permis de faire le pont entre les fonctionnaires des ministères et les journalistes et de mettre fins aux rumeurs."
Si les journalistes ont un rôle à jouer dans la diffusion des informations sur les moyens de prévention, ils ont parfois des difficultés à le faire dans la pratique. C'est ce qu'explique Abigail Tembo, journaliste à la Zimbabwe Broadcasting Corporation, la seule station de radio-télédiffusion dans ce pays qui compte 14 millions d'habitants. "Les téléspectateurs veulent pouvoir entendre les personnes interrogées de manière audible. Ils veulent sentir un lien humain. Cela signifie que je dois fixer un micro sur le revers de veste de la personne que j’interroge. Je dois capter ses émotions et réaliser un reportage de bonne qualité", développe-t-elle. Le problème est que, comme beaucoup d'autres pays, le Zimbabwe est confronté à une grave pénurie de masques et autres équipements de protection. Les personnels de santé eux-mêmes sont nombreux à ne pas disposer d'équipements de protection individuelle. Alors, que dire des journalistes ?
"Nous ne vivons pas dans une bulle. Nous devons retourner dans nos familles", poursuit Mme Tembo. "Or, nous ne savons même pas à quoi nous les exposons, car nous parlons tous les jours avec plusieurs personnes. Dès que nous avons une toux ou un léger mal de tête, nous pensons avoir attrapé le coronavirus. Nous vivons dans la peur et l’angoisse."
Toujours à l’occasion de cette formation, le Dr Anywhere Mutambudzi, du ministère de l'information, a déclaré que les journalistes devraient recevoir des équipements de protection de la part de leurs employeurs. Il a ajouté que les journalistes de télévision devaient s'assurer que les personnes qu'ils interviewent portent un équipement de protection de manière appropriée et ce "afin que nous ne nous protégions pas seulement nous-mêmes mais que nous puissions aussi être des modèles pour les téléspectateurs."
Dans une crise sanitaire, le fardeau n'est pas porté de la même manière par toutes les composantes de la société, comme l’a déclaré la Dre Angela Muriithi, Directrice nationale du réseau Plan International au Zimbabwe, à l’occasion de l’atelier. "Les groupes de population les plus vulnérables - enfants, femmes et adolescentes, jeunes, personnes handicapées et personnes âgées - sont souvent beaucoup plus touchés que les autres. Les professionnels du secteur des médias devraient concevoir davantage de contenus spécifiquement adaptés aux besoins de ces groupes."
"Les gens ont faim d'informations", a souligné Hubert Gijzen, Directeur régional de l'UNESCO pour l'Afrique australe, en d’adressant aux journalistes participant à l'atelier. "La population du Zimbabwe a besoin de vous dans ces circonstances. Nous avons besoin de vous pour faire connaître les faits et tordre le cou aux mythes. La diffusion d’informations exactes est l'un des meilleurs outils dont nous disposons pour enrayer la propagation de cette maladie. Vous, journalistes, êtes en première ligne de ce combat, au sens propre du terme."
Article produit par le Centre d'information des Nations Unies à Harare. Écrit par Tafadzwa Mwale et Sirak Gebrehiwot.
Article publié à l'origine en anglais sur le site des Nations Unies.Traduit en français par le Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD).