Témoignage : la douloureuse séparation des familles ukrainiennes
Martín Lettieri est Responsable de la coordination interinstitutions au sein du Bureau multipays du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui supervise les activités du HCR en Argentine, en Bolivie, au Chili, au Paraguay et en Uruguay. Il y a quelques semaines, Martín est rentré de Pologne, où il a passé trois mois en alternant des séjours à Varsovie et à Przemysl pour appuyer la mise en œuvre du Plan régional d'intervention pour les réfugiés. Dans le cadre de ce plan, le HCR coordonne l’action menée dans sept pays par 150 organisations, dont des entités onusiennes et des organisations de la société civile, pour venir en aide aux personnes qui fuient la guerre en Ukraine depuis le mois de février.
Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) est chargé de porter assistance aux personnes déplacées à l'intérieur de l'Ukraine, tandis que le HCR coordonne les interventions d’assistance aux personnes réfugiées en dehors du pays.
Depuis le 19 avril, le travail de Martín consiste à s'assurer que ces toutes ces organisations travaillent de manière responsable et accomplissent leur mission de sorte que les personnes arrivant en Pologne depuis l'Ukraine à la recherche d'un endroit plus sûr pour vivre puissent faire valoir certains de leurs droits fondamentaux, dont le droit à l'éducation, à la santé, au logement et à la sécurité alimentaire. Comme le souligne Martín, l'une des interventions les plus importantes du HCR en Pologne en direction des réfugié·e·s consiste à octroyer une allocation de trois mois aux familles, allocation qui est activée une fois que ces familles sont enregistrées dans un centre urbain.
Le rôle de l'ONU dans les interventions de secours à la population ukrainienne réfugiée en Pologne
Le 24 février, la guerre en Ukraine a éclaté, déclenchant une crise humanitaire et des déplacements de populations qui se sont aggravés à un rythme sans précédent dans l'histoire.
Les données actualisées au 20 septembre indiquent que depuis le début du conflit, 13.081.621 personnes ont franchi la frontière ukrainienne pour fuir à l’étranger. Parmi ces personnes, 6.284.374 sont entrées en Pologne. Environ 90 % de la population totale des réfugié·e·s sont des femmes et des enfants, car les hommes de plus de 18 ans ont l’obligation de rester en Ukraine pour défendre leur pays.
"Lorsqu’on arrive à Przemysl, une ville polonaise proche de la frontière ukrainienne, la réalité est extrêmement dure", explique Martín. "Chaque jour, des personnes arrivent dans des situations d’extrême vulnérabilité. La plupart d'entre elles sont des ressortissant·e·s ukrainien·ne·s issu·e·s de la classe moyenne qui ont laissé tout ce qu'ils·elles avaient derrière eux·elles et qui, les premiers jours, doivent dormir dans des espaces inadaptés qui ont été aménagés au fur et à mesure que la crise s’est aggravée.
Les personnes s’installent en effet dans des entrepôts où elles ne jouissent d’aucune intimité et n’ont accès à aucun service pour répondre à leurs besoins essentiels. C'est là que les entités de l’ONU interviennent en aidant ces personnes à préserver leur dignité. Elles jouent en cela un rôle fondamental.
Les personnes qui arrivent d’Ukraine passent deux à trois jours dans ces entrepôts. Si la plupart d'entre elles prennent ensuite le chemin des centres urbains, beaucoup de femmes âgées préfèrent continuer à vivre dans ces conditions d’extrême précarité, près de la frontière, ne voulant pas s’en éloigner pour pouvoir rentrer chez elle et retrouver leur mari et leur fils restés en Ukraine. "La séparation des familles est très douloureuse", rapporte Martín, qui travaille pour le HCR depuis plus de 15 ans.
L'éducation, une priorité
Sur les quelque 5,5 millions de personnes qui sont arrivées en Pologne entre les mois de février et d’août, plus de la moitié sont rentrées chez elles, mais il en reste près de deux millions, dont environ 500.000 enfants et adolescents. L’accès à l’éducation est donc une autre question prioritaire à résoudre.
"Le HCR travaille main dans la main avec l’UNICEF pour aider les enfants à s’inscrire à l’école afin qu'ils ne restent pas en dehors du système. C'est un grand défi à relever qui est compliqué par un obstacle important : la barrière de la langue", explique Martín.
"Je crois que le rôle de l’ONU est fondamental dans ces situations de crise et ce, pour plusieurs raisons : l’expertise technique de l’ONU qui vient compléter l’action des États, l'expérience, la visibilité et la mobilisation des ressources. L’ONU fournit des vaccins, embauche des enseignants, apporte une aide en matière de santé physique et mentale, distribue des kits alimentaires, des trousses d'hygiène et de l'argent liquide", poursuit Martín.
"Dans le cas présent, la crise s’est déclarée soudainement et s'est aggravée en très peu de temps. L’intervention du système de l’ONU a fait une vraie différence et le HCR a rempli sa double mission opérationnelle et de coordination comme dans le cadre d’autres crises dans d'autres pays, qui eux aussi méritent l'attention de la communauté internationale", rappelle-t-il.
Sur le plan personnel, Martín confie ressentir une immense responsabilité face à cette situation de crise et au nombre écrasant de réfugié·e·s qui affluent sur une période de temps aussi courte.
"Je suis convaincu que l'aide humanitaire sauve des vies, mais il est indispensable aussi de travailler sur les causes pour prévenir les conflits et leurs conséquences".
Lisez le point de situation du HCR sur la crise des réfugié·e·s ukrainien·ne·s.
Les personnels humanitaires incarnent ce qu’il y a de mieux en l'humanité
Pour marquer la Journée mondiale de l'aide humanitaire, célébrée le 19 août, ONU Info a interviewé Martín. Ce sont des personnes comme Martín dont a parlé le Secrétaire général de l’ONU, M. Guterres, qui a déclaré : "Loin des projecteurs et des gros titres, les personnels humanitaires travaillent sans relâche pour rendre notre monde meilleur".
M. Guterres a fait remarquer que "Souvent au péril de leur vie, contre vents et marées, les personnels humanitaires soulagent la souffrance des populations dans des conditions parmi les plus dangereuses que l'on puisse imaginer".
Aujourd'hui, en raison des conflits, du changement climatique, de la COVID-19, de la pauvreté, de la faim et de déplacements de populations sans précédent, le nombre de personnes qui ont besoin d'une aide humanitaire n'a jamais été aussi élevé.
"Cette année, à l'occasion de la Journée mondiale de l'aide humanitaire, nous rendons hommage aux personnels humanitaires du monde entier. Nous saluons leur dévouement et leur courage et rendons hommage à ceux qui ont perdu la vie dans l'accomplissement de cette noble mission. Les personnels humanitaires incarnent ce qu’il y a de mieux en l'humanité", a déclaré M. Guterres.
Article basé sur un récit écrit à l’origine en espagnol par Natalia Montagna, du Centre d'information des Nations Unies à Buenos Aires, pour ONU Info. Traduction française réalisée par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD).
Pour en savoir plus sur l’action menée par l’ONU en Argentine, consultez le site Argentina.UN.org.