Au Myanmar, des "Champions du changement" sont formés à soutenir leurs pairs dans les camps pour personnes déplacées
Un an et demi après la prise du pouvoir par les militaires en février 2021, et alors que l'état d'urgence qui a été décrété dans le pays est toujours en vigueur, le Myanmar traverse une crise inédite sur le plan humanitaire, économique et des droits de l'homme.
Près d’1,3 million de personnes sont actuellement déplacées à travers le pays.
Alors que l'équipe de l’ONU au Myanmar s'efforce de répondre aux besoins les plus urgents de ces personnes, son regard est tourné vers l'avenir. Son objectif : soutenir la jeunesse pour un développement à plus long terme du pays.
Soutien et aide aux personnes déplacées à l'intérieur du pays
Pour Khine Mar, l'année a été difficile. L’homme a fui son village natal avec sa famille pour rejoindre une autre région du Myanmar. La famille s’est ainsi mise à l’abri du conflit et de l'insécurité, laissant derrière elle ses rizières et ses biens. Khine Mar a réussi à trouver un emploi à temps partiel comme auxiliaire de soins et s'occupe en même temps de ses enfants.
Mais lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé, Khine Mar a perdu sa source de revenus. Il a cherché un emploi de domestique dans son quartier, mais la demande était faible. "Ce n’est pas facile pour nous depuis le début de la pandémie. Certaines organisations nous ont aidés en nous donnant de la nourriture et des produits de première nécessité, mais à cause des restrictions de déplacement et d'accès, nous n’avons pas pu bénéficier de cette aide de manière régulière", regrette-t-il.
Comme Khine Mar, d’autres résident·e·s du camp ont bénéficié d’un transfert d’agent en espèces d'environ 30 dollars (65.000 kyats) accordé par le Fonds d’affectation spéciale pour les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire ("Livelihoods and Food Security Trust Fund", ou LIFT, en anglais), un fonds multidonateurs géré par l'UNOPS qui permet d’aider les personnes déplacées à couvrir leurs besoins alimentaires de base ou à acheter des biens et des services essentiels pour se prémunir de la COVID-19 et de ses répercussions socio-économiques.
"C'est la première fois que je reçois une aide aussi importante, et cette aide est arrivée au bon moment et a été très utile", explique Khine Mar à propos du transfert d'argent dont il a bénéficié et qu’il a utilisé en partie pour acheter de la nourriture pour sa famille et préparer des repas plus nourrissants pour ses enfants.
Le Fonds d’affectation spéciale pour les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire permet de financer des interventions d’urgence, de soutien aux moyens de subsistance et de renforcement de la résilience au bénéfice des populations vulnérables du Myanmar. Sur la seule année 2021, le Fonds, en collaboration avec ses partenaires, a permis d’aider plus de 131.000 personnes vulnérables par l’extension de programmes de protection sociale incluant des transferts d'argent à usages multiples, la fourniture d’un soutien alimentaire (notamment à travers la distribution de bons alimentaires), la mise en œuvre de programmes "travail contre rémunération en espèces" et "travail contre nourriture", la dispensation d’une aide psychosociale et la fourniture d’un soutien aux personnes ayant survécu à un traumatisme ou à des violences de genre.
"Champions du changement" : Donner aux jeunes les moyens de s’épanouir
Ji Taung et Htet Myat Aung sont tous deux âgés de 22 ans. Ils vivent tous deux dans l'État de Kachin, l'État le plus au nord du Myanmar, à la frontière avec la Chine, mais leurs trajectoires de vie sont totalement différentes l’une de l’autre.
Ces onze dernières années, Ji Taung a vécu dans un camp pour personnes déplacées avec ses parents, ses grands-parents et ses six frères et sœurs. Sa famille, comme des dizaines de milliers d'autres à Kachin, a été arrachée à son foyer à cause d’un conflit durable.
Au début, Ji Taung a eu du mal à s'adapter aux conditions de vie dans le camp. "On étouffait, il y avait trop de monde", se souvient-elle. Le fait que les salles de bains soient communes et que l’accès à l’éducation soit difficile est dur à accepter pour Ji Taung et pour les autres filles du camp.
Htet Myat Aung, quant à lui, n'a jamais vécu l’expérience du déplacement. Sa famille tient un magasin de riz. Cependant, ces dernières années, la vie n’a pas été facile.
"Nous gagnions suffisamment d'argent avant la pandémie de COVID-19, mais les hausses de prix quotidiennes et les problèmes de sécurité ont aggravé notre situation", raconte Htet Myat Aung, dont la scolarité a été perturbée par la crise.
"La plupart des jeunes ici se sentent perdus et n’ont aucun espoir".
Pour soutenir les adolescent·e·s de l'État de Kachin, l'UNICEF et l’organisation Plan International ont lancé un programme de formation permettant à ces jeunes d’acquérir des compétences de la vie courante. Dans le cadre de ce programme baptisé "Champions du changement" ("Champions of Change" en anglais) et financé par le Gouvernement canadien, les adolescent·e·s et les jeunes peuvent suivre huit semaines de formation et de "sessions de partage" sur des sujets tels que la santé procréative, l'égalité des sexes, la violence de genre, ou encore des aptitudes générales non techniques comme la confiance en soi.
Ce programme donne la priorité aux enfants vulnérables qui n'ont pas les moyens de s'offrir une éducation ou de poursuivre leur scolarité. Les diplômé·e·s du programme "Champions du changement" ont la possibilité de suivre une formation professionnelle qui leur donne les moyens de créer une petite entreprise ou de travailler dans une organisation locale.
Ji Taung et Htet Myat Aung ont été formés avec d'autres diplômé·e·s du programme "Champions du changement" pour exercer des responsabilités en tant qu’animateurs·trices de programmes de "partage des connaissances entre pairs" au sein de leur communauté.
Depuis 2021, Ji Taung anime des discussions auxquelles participent différents groupes : femmes enceintes, mères, ou encore jeunes.
Après être devenu animateur, Htet Myat Aung a vu pour la première fois comment vivent les personnes déplacées dans les camps. "Contrairement à nos quartiers, les camps sont très exigus et les gens ont peu d'espace à eux. Les familles ne disposent que d’une seule pièce chacune, et il doit y faire une chaleur insupportable en été", explique Htet Myat Aung.
Aujourd'hui, Htet Myat Aung se rend dans les camps à la fois pour son travail d’animateur et pour retrouver les amis qu'il s'y est faits.
"J'ai acquis la capacité et le courage de prendre la parole pour moi et pour les autres".
Non seulement Ji Tuang et Htet Myat Aung soutiennent leurs pairs et leurs communautés par leur engagement, mais tous deux se sentent désormais plus forts sur un plan personnel. Ji Taung évoque l’époque où ses ami·e·s des camps pour déplacés et elle-même étaient harcelé·e·s à l'école et appelé·e·s parfois les "exilés". "J'étais jeune et j'avais peur de me défendre", se souvient-elle.
À ce jour, le programme "Champions du changement" a bénéficié à plus de 1.100 adolescent·e·s et jeunes de l'État de Kachin. 700 jeunes ont pris part à la formation professionnelle proposée dans le cadre du programme et 117 d'entre eux exercent désormais une activité professionnelle grâce à cette formation.
Cet article est inspiré de récits publiés à l’origine en anglais par l'ONU au Myanmar (Récit 1 et Récit 2). Appui éditorial fourni par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD). Traduction française réalisée par le BCAD.
Pour en savoir plus sur l’action menée par l'ONU au Myanmar, consultez le site Myanmar.UN.org. Pour en savoir plus sur les résultats de notre action dans ce domaine et dans d’autres, lisez le Rapport 2022 de la Présidente du GNUDD sur le BCAD.