Sénégal : Quand la technologie aide à étendre l'accès de la population aux services de soins

Certaines nations africaines sont leaders dans le secteur de la monnaie électronique et plusieurs d'entre elles s’aperçoivent que l'abandon des systèmes qui reposent sur les billets de banque et les pièces de monnaie n’apporte pas uniquement des avantages en matière d'efficacité, de sécurité et de transparence, mais aide aussi beaucoup de gens à sortir de la pauvreté.
Avec l’appui de l'équipe de pays de l’ONU, le gouvernement sénégalais élabore des solutions novatrices qui favorisent le développement sans laisser personne pour compte
Au Sénégal, où j'occupe le poste de Coordonnatrice résidente des Nations Unies, l'équipe de l’ONU que je dirige joue un rôle important dans le travail de collaboration qu’elle mène avec le gouvernement pour l’aider à mener à bien son plan de transformation numérique. La transformation numérique est un élément clé d’un programme national visant à stimuler la croissance et à engager le pays sur la voie d’un développement durable qui ne laisse personne de côté. L’une des composantes de cette transformation numérique est la "numérisation des paiements", c'est-à-dire la mise en place de systèmes qui permettent d’effectuer des paiements entièrement en ligne et via des appareils électroniques, notamment des téléphones portables. Cette orientation stratégique tombe sous le sens si l'on considère que sur les 16,5 millions de Sénégalais, moins de 19 %* possèdent un compte bancaire, alors qu’on dénombre dans le pays 16,7 millions d'abonnements à des lignes de téléphonie mobile.
Dans ce contexte, le gouvernement sénégalais a lancé, en 2018, un programme de numérisation des paiements pour promouvoir l'inclusion financière et sociale par le biais des outils technologiques. En collaboration avec l’ONU au Sénégal et avec le soutien de Mobile Money for the Poor, un programme du Fonds d'équipement des Nations Unies (FENU), le gouvernement a rejoint l'Alliance Better Than Cash (en français : "Mieux que l'argent liquide") - un partenariat entre des gouvernements, des entreprises et des organisations internationales visant à stimuler la croissance grâce aux paiements électroniques - en vue d’atteindre ses objectifs. L'ONU a contribué à la réalisation d'une étude qui a révélé que la numérisation de 50 % des paiements nationaux permettrait au Sénégal d’augmenter de plus de 104 milliards de francs CFA (177 millions de dollars) par an son produit intérieur brut (PIB). Nous avons également contribué à montrer que la numérisation des paiements pouvait générer des gains d'efficacité. Ainsi, le gouvernement pourrait par exemple économiser environ 75 % de ses coûts opérationnels** en utilisant un système de paiement électronique plutôt qu'un système manuel pour gérer les procédures d'inscription des citoyen(ne)s au régime de couverture maladie universelle.
Des paiements électroniques pour la couverture maladie universelle
L’adoption de systèmes de paiement électronique au Sénégal s'est d'ailleurs étendue au secteur des soins de santé. Le gouvernement a en effet lancé un système de paiements électroniques novateur pour équiper l’Agence nationale de la couverture maladie universelle, qui a été créée à la suite de l'introduction de la couverture maladie universelle dans le pays en 2013. Cette initiative a été identifiée comme étant un moteur majeur de la croissance et de la réforme sociale et considérée comme ayant le potentiel d’accélérer de manière significative la réalisation des objectifs de développement durable. En effet, lors de la création de l'Agence de la couverture maladie universelle, le pourcentage de personnes bénéficiant d'une couverture de santé est passé de moins de 10 % en 2013 à 49 % en 2018, ces sept millions de nouveaux inscrits contribuant au développement socio-économique du pays.
Le Sénégal s’est donné pour objectif d'atteindre un taux de couverture d'assurance maladie de 75 %, ce qui équivaut à l’inscription de trois millions d’adhérents supplémentaires à l'Agence de la couverture maladie universelle. Le système de numérisation des paiements aide le gouvernement à atteindre cet objectif. Avec le système de paiement électronique en place, les citoyen(ne)s pourraient payer leurs propres soins médicaux ou même ceux d'une tierce personne via des outils numériques, à distance. Grâce à cette approche, les gens pourraient par exemple payer les frais médicaux de leurs proches. De même, grâce à un système de financement participatif en ligne, les organisations caritatives et les particuliers, qu’ils soient sénégalais ou étrangers, pourraient par ailleurs contribuer à financer des subventions destinées à couvrir des frais médicaux coûteux - notamment des césariennes, des chimiothérapies, ou des dialyses, par exemple - au bénéfice des moins fortunés.
Cette stratégie a un impact tangible et positif sur la vie des gens car, au Sénégal, comme dans d'autres pays, la maladie peut faire basculer des familles entières dans la pauvreté. C'est pourquoi il est capital pour les gens de disposer d’un "matelas de sécurité" qui les empêche de sombrer dans la pauvreté. Il peut s’agir d’un compte d'épargne, d’une adhésion à un régime public de protection sociale, ou encore d’une subvention financée par une masse d’individus par le biais d'un système de paiement électronique. Parallèlement, la plateforme de paiement électronique mise en place a également permis de simplifier les envois de fonds effectués par les Sénégalais(es) vivant à l'étranger (la diaspora) pour couvrir les frais médicaux de leurs proches restés au pays. Cet aspect est très important, car le Ministère de l'Économie estime que la valeur de ces envois de fonds s’élevait à plus de 85 millions de dollars en 2017.
En plus des avantages sociaux qu’elle confère, la nouvelle plateforme de paiement électronique devrait avoir un impact positif sur l'économie sans son ensemble. Grâce aux gains d'efficacité découlant de l’abandon des procédures d'inscription manuelle à la couverture maladie et de l’adoption de procédures d’inscription électronique, le système devrait permettre au gouvernement d'économiser plus de 6 milliards de francs CFA (10 millions de dollars) par an. L’introduction de la plateforme de paiement électronique contribuera en outre à accroître le degré d'efficacité, de transparence et de responsabilité à plusieurs niveaux et permettra par exemple de lutter contre la corruption. En d'autres termes, l'introduction de cette nouvelle plateforme aide le gouvernement à "ne laisser personne pour compte" dans beaucoup de domaines.
Cette plateforme est loin d'avoir atteint son plein potentiel et nous pensons que sa contribution à la réalisation des objectifs de développement durable et des promesses du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (Programme 2030) sera encore plus importante à l’avenir. Pour sa part, l'ONU au Sénégal reste plus que jamais déterminée à aider le gouvernement à poursuivre sa stratégie de transformation numérique, à étendre la couverture maladie universelle à un plus grand nombre de citoyen(ne)s et à exploiter de nouvelles synergies pour faire progresser la mise en œuvre du Programme 2030.
Article écrit par Priya Gajraj, Coordonnatrice résidente des Nations Unies au Sénégal. Traduit de l’anglais vers le français par le Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD).
Photo de couverture : © FENU/Alliance "Better Than Cash"