Des femmes aux commandes : Réaliser un avenir égalitaire dans un monde fragilisé par la COVID-19

La participation effective des femmes à la vie publique et l'égalité des chances en matière d’accès aux postes décisionnels sont reconnues à l'échelle mondiale comme des facteurs essentiels à la réalisation du développement durable. Bien que de nombreux progrès aient été réalisés pour accroître le niveau de représentation des femmes dans tous les domaines de la vie publique depuis l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing (1995), les changements ont été progressifs et lents. L'égalité entre les sexes et la pleine participation des femmes dans tous les domaines de la vie, au même titre que les hommes, notamment dans le domaine de la prise de décisions, font partie intégrante des ambitions de la Décennie d'action et du projet de réalisation des objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030.
Selon l'Indice des normes sociales de genre, au Nigéria, huit femmes sur dix et neuf hommes sur dix pensent que les hommes font de meilleurs dirigeants que les femmes et/ou qu'il n'est pas essentiel que les femmes aient les mêmes droits que les hommes. Ce parti pris, qui va à l’encontre de la notion d'égalité entre les sexes, signifie que les femmes sont marginalisées et ne peuvent pas occuper les plus hauts postes de décision. Les preuves de l'exclusion des femmes sont évidentes : Après les élections de 2019, 5,8 % des législateurs élus à la Chambre des représentants et 7,3 % des législateurs élus au Sénat étaient des femmes. Ces proportions placent le Nigéria, sur un total de 193 pays, à la 180ème place du classement mondial des pays selon le pourcentage de femmes élues au parlement. Ce classement contraste fortement avec la recommandation formulée dans la Politique nationale du Nigéria en matière d'égalité des sexes de 2006, laquelle préconise d’atteindre une proportion d'au moins 35 % de femmes aux postes occupés par des représentants élus ou nommés. Malheureusement, au Nigéria, à ce jour, il n'y a de femme gouverneure dans aucun des 36 États du pays et aucune femme candidate à la présidence.
" Il n’est pas uniquement question ici d’écart entre les sexes. Il s'agit aussi d'un écart de pouvoir. Ce fossé menace le fondement même de la démocratie au Nigéria, car la moitié de la population du pays n'est pas représentée dans les plus hautes sphères du système de gouvernance."
La représentation des femmes dans la sphère publique n’est significative que si elle reflète l’ensemble des femmes et des filles dans toute leur diversité et que les femmes sont reconnues dans tous les contextes culturels, sociaux, économiques et politiques comme des partenaires égales aux hommes dans l’action pour la concrétisation du développement durable. Par ailleurs, les femmes actives en politique, les militantes et les défenseuses des droits de l'homme subissent des menaces et des violences aux conséquences parfois fatales. La violence contre les femmes actives en politique est une forme de violence fondée sur le genre qui mérite qu’on s’y intéresse davantage et de manière urgente.
Il est intéressant de noter que la violence fondée sur le genre constitue l'une des violations des droits de l'homme les plus répandues à l’encontre des femmes et des filles dans le monde. Au Nigéria, un tiers des femmes et des filles âgées de 15 à 49 ans ont subi des violences physiques ou sexuelles. Avec la COVID-19, beaucoup de femmes et de filles se sont retrouvées piégées car contraintes de rester enfermées avec leur agresseur sans pouvoir accéder aux services de justice. Cela a réduit, entre autres, leurs chances de participer de manière significative aux activités de leur sphère privée et de la vie publique. Aggravée par le confinement mis en place dans le contexte de la COVID-19, la "pandémie de l'ombre" a également été exacerbée par la récession économique.
Pour aider à éliminer la violence à l’égard des femmes, il est impératif que les femmes puissent accéder aux services de la justice et que le pays adopte des lois fondatrices permettant de définir le viol et d’assurer la protection des femmes ayant survécu à des actes de violence fondés sur le genre. À ce jour, moins de la moitié des États du pays ont intégré l'interdiction des actes de violence à l'égard des personnes. Dans le cadre de l'initiative Spotlight - un partenariat entre l'UE et l’ONU - les entités des Nations Unies au Nigéria œuvrent pour la pleine mise en œuvre et la pleine adaptation au niveau local de la loi interdisant les actes de violence à l'égard des personnes. Cette action vise, à terme, à rendre plus efficace le travail de prévention et de traitement des cas de violence basée sur le genre dans le pays.
Nous devons écouter ce que les jeunes femmes ont à dire et prendre conscience du fait qu’elles sont les mieux placées pour comprendre leur propre situation. Cela est essentiel car nous savons que près de la moitié des jeunes femmes sont mariées avant l'âge de 18 ans et qu'une sur cinq a très vraisemblablement subi des mutilations génitales féminines (MGF). Ces pratiques néfastes limitent la présence des femmes et des filles à l'école et dans le secteur de l'emploi formel, les empêchant, de ce fait, d'exprimer leur liberté d'opinion et de faire valoir leurs propres choix en ce qui concerne leur santé sexuelle et procréative.
Plus d'une décennie s'est écoulée depuis que le projet de loi sur le genre et l'égalité des chances a été présenté pour la première fois à l'Assemblée nationale. Les préjugés patriarcaux et les idées erronées sur le concept de genre ont empêché l'adoption de ce projet de loi. Il est temps que les choses changent. Les partis politiques doivent adopter des réformes qui rendent plus inclusifs les processus de nomination et d’élection à leurs postes de direction internes, comme le prévoit le projet de loi sur le genre et l'égalité des chances.
S'il est particulièrement difficile de changer ou d’éliminer des stéréotypes négatifs de ce type, il est nécessaire d’influer sur ces perceptions par des méthodes innovantes, notamment en utilisant l’Internet et les réseaux sociaux, qui permettent aux activistes et aux personnes influentes de promouvoir de nouvelles identités et de nouvelles significations, en s’appuyant sur des approches intergénérationnelles où les jeunes sont aux commandes afin de changer la manière dont les gens réfléchissent à la question du genre et en montrant des exemples de femmes leaders, de militantisme féministe et de résistance pour produire un effet d'entraînement.
En outre, la classe politique nigériane doit faire preuve de volonté pour mettre en œuvre des cadres juridiques qui permettent d'accroître le niveau de participation des femmes à la vie politique et de promouvoir leur présence dans les plus hautes sphères de la vie publique.
L'avenir sera meilleur lorsque des femmes seront présentes à la table des négociations. C’est une certitude.
Edward Kallon est le Coordonnateur résident et Coordonnateur de l'action humanitaire des Nations Unies au Nigéria. Ce blog a été initialement publié sur le site NewsClickng.com. Il a été traduit en français par le Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD). Pour en savoir plus sur l’action menée par l'équipe de pays des Nations Unies au Nigéria, consultez le site nigeria.un.org .