Gagner de l'argent autrement : En République démocratique populaire lao, des cultivateurs d’opium se reconvertissent dans la culture du café

Huapanh, une province de la République démocratique populaire lao, est tristement célèbre pour la culture du pavot à opium, une activité illégale qui a constitué une source de revenus majeure pour plusieurs générations.
La situation est toutefois en train de changer à Huapanh. Un groupe d'anciens cultivateurs d'opium a récemment créé la Coopérative de café Vanmai. "Vanmai" signifie "nouveau jour" dans la langue lao locale. Ce terme exprime l’idée que les cultivateurs espèrent pouvoir un jour tourner la page de la culture de l'opium et des conflits, sortir de la pauvreté et offrir un meilleur avenir à leurs enfants.
Depuis la création de leur coopérative, les cultivateurs ont entamé un parcours qui leur a ouvert les portes d'un marché licite et florissant : le marché mondial du café.
Plantation de centaines d’hectare de caféiers
Avec l'aide d'experts et d'agronomes de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), des cultivateurs ont planté environ 400 hectares de caféiers et créé leur propre coopérative pour traiter leurs récoltes et les commercialiser de manière indépendante sur des marchés internationaux haut de gamme.
Des centres de traitement du café par voie humide ont déjà été créés dans 12 communautés de caféiculteurs. La construction d'un entrepôt, d'une minoterie utilisant la méthode du broyage à sec et d'un bureau pour la gestion des affaires de la coopérative - où sera aménagé un café - devrait commencer en 2021.
"Nous allons améliorer la qualité de notre café ; cultiver du café biologique exempt de produits chimiques toxiques, car nous pensons que c'est ainsi que nous allons ajouter de la valeur à nos produits et protéger [l'] environnement", annonce Savaythong Khounsavanh, le président de la Coopérative Vanmai. "Nous pensons que ce projet aidera les villageois(e)s de la région à avoir de meilleurs revenus."
Acquisition de nouvelles connaissances et compétences

La demande internationale de café biologique de qualité est colossale. Mais le secteur laotien du café est confronté à de nombreux défis : faible productivité des exploitations, absence de standards minimaux de qualité, coûts logistiques élevés et manque de moyens consacrés à la recherche et à la vente.
Pour relever ces défis, le Centre du commerce international (en anglais : International Trade Centre, ou ITC) a conclu un partenariat avec des organismes gouvernementaux et l'Association laotienne du café pour organiser une formation sur les modalités de création d’exploitations de café biologique. Le directeur ainsi que le personnel des fonctions de support de la Coopérative Vanmai, dans le nord de la République démocratique populaire lao, ont participé à cette formation.
Parmi les 70 participant(e)s venu(e)s de toute la République démocratique populaire lao, Phaengsy Daoduangdee, propriétaire de la plantation de café Duangdee, raconte : "J'ai pu approfondir ma compréhension de ce qu’est l'agriculture biologique et du processus de dépôt d’une demande de certification biologique. De plus, j'ai appris différentes techniques biologiques qui permettent d’éliminer les organismes nuisibles qui s’attaquent aux plants de café, en particulier les foreurs des tiges du café, qui sont un gros problème pour nous, cultivateurs, depuis un certain temps."
Constitution d’un réseau de femmes

La coopérative Vanmai a récemment créé un Réseau de femmes composé de 12 membres élus. En vue d’aider la coopérative à constituer une cohorte de femmes dirigeantes, l'ONUDC organise des formations approfondies sur la gestion d’entreprise dans le secteur du café.
Mme Siathor Yialao, membre du Réseau des femmes, est ravie d’avoir pu participer au projet dès son démarrage. "Je veux gagner de l'argent pour pouvoir envoyer mes enfants à l'école ; et je peux acheter des choses sur les marchés", dit-elle. "Avant ce projet, je n'avais pas d'argent pour me déplacer en dehors de la province où je vis. Maintenant, je peux aller dans d'autres provinces. Et un jour, je pense que je gagnerai assez d'argent pour voyager à l'étranger."
"Nous pouvons gagner de l'argent sans cultiver d’opium", explique Mme Sengvida Sengmanivong, directrice du Réseau des femmes Vanmai. "Grâce à ce projet, nous gagnons plus d’argent qu'avant. Nous pouvons acheter des médicaments et des produits ménagers pour notre vie de tous les jours."
Les membres du Réseau des femmes - présent dans 12 villages - ont assisté aux sessions de formation sur la dégustation de café et sur l'autonomisation des femmes. Le Réseau des femmes a également mis en place des groupes d'intérêt pour permettre aux participantes d’échanger des connaissances.
"Il n’est pas seulement question de plantations de café dans ces groupes", précise Sengvida, "nous parlons aussi d'autres choses qui concernent nos vies et sur lesquelles nous pouvons échanger. Grâce à ces activités, nous avons le sentiment d'être plus solidaires entre villageoises."
De nouvelles perspectives d’avenir

Un camion porte-conteneurs chargé de café a traversé le Pont de l'amitié lao-thaïlandaise avant de poursuivre sa route sur un porte-conteneurs en direction de l'Europe, sa destination finale.
"C'est un grand jour pour nous", se réjouit M. Savaythong Khounsavanh, le président de la Coopérative Vanmai. "Nous avons travaillé pour voir cela se réaliser depuis que nous avons planté nos premiers plants de café, il y a quatre ans".
Les cultivateurs de la coopérative Vanmai ont franchi une autre étape importante en avril de cette année. Ils ont signé un accord de partenariat de cinq ans avec le célèbre torréfacteur français Malongo. Ainsi, leurs exportations de café devraient passer de 20 tonnes, en 2021, à 200 tonnes en 2025. Au cours de ces derniers mois, les cultivateurs ont travaillé dur pour préparer le café destiné, pour la première fois, à l’exportation.
"Les agriculteurs des régions où se pratique la culture l'opium sont encore plus vulnérables aujourd’hui, parce que la pandémie a fait baisser leurs revenus", fait savoir Erlend Audunson Falch, du Bureau de l'ONUDC en République démocratique populaire lao. Mais les circuits commerciaux illégaux sont moins touchés que d’autres, nuance-t-il, ce qui signifie que l'opium pourrait devenir la seule source de revenus pour beaucoup de communautés. "C'est pourquoi des succès comme celui-ci sont extrêmement importants", poursuit M. Erlend. "Les cultivateurs de la Coopérative Vanmai montrent vraiment l'exemple".
"Quand nous avons commencé, nous étions très préoccupés à l’idée de ne pas trouver d'acheteurs pour notre café", se souvient M. Savahtyong. "Mais maintenant, je commence à croire que nous avons véritablement un avenir devant nous".
Cet article s'inspire d'histoires publiées à l’origine en anglais sur le site de l'ONUDC et sur le site de l'ONU en République démocratique populaire lao. Appui éditorial fourni par Lyla Peng et Paul VanDeCarr, du Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD). Traduction française réalisée par le BCAD. Pour en savoir plus sur l’action de l’ONU en République démocratique populaire lao, consultez le site Laopdr.UN.org. Pour connaître les résultats de nos activités dans ce domaine et dans d'autres, consultez le dernier rapport en date de la Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable sur le BCAD.