Quelque part où trouver refuge : Au Viet Nam, deux hommes créent des structures destinées à aider les membres de leur communauté
Au Viet Nam, les hommes gays, bisexuels ou travailleurs du sexe sont victimes de discrimination et de harcèlement. Dans ces communautés, les hommes traversent des épreuves difficiles, mais se soutiennent mutuellement. Dans cette histoire, deux d’entre eux racontent comment ils ont créé, l’un un café, l’autre une clinique, pour rendre à leur communauté l’aide qu’elle leur a apportée. Dans cette aventure, l'ONU a apporté sa pierre à l’édifice.
"Un endroit pour se réunir "- Nguyen Trong Hung ouvre les portes de son café à la communauté LGBT.
Quand j’ai pris conscience que j'étais gay, au collège, tout ce que j’arrivais à faire c’était me lamenter et me faire des reproches. Mon père est parti, ma mère est décédée, j'ai été trimballé d’un membre de la famille à l’autre et j'ai subi un harcèlement physique et moral. Ce schéma s’est répété à mesure que j’ai grandi : j’ai beaucoup vagabondé pour éviter ma famille et tous les souvenirs qui lui étaient associés.
Un jour, en rentrant chez moi, j'ai noté tout ce qui concernait ma vie quotidienne dans un journal intime et je l’ai placé à un endroit visible en faisant semblant de l’oublier là et en espérant qu'un membre de ma famille tomberait dessus et le lirait. Peut-être que tout le monde l'a lu, mais en tout cas personne n'a rien dit. Je suis resté un certain temps sans savoir quoi faire : faire mon coming out (expression qui désigne en français le fait de révéler son orientation sexuelle, ndlr).
En 2013, un ami m'a proposé de travailler dans un café à Son La. Pour la toute première fois, j'ai compris qui j’étais vraiment et à quelle communauté j'appartenais. Je n'avais plus besoin de fuir !
Plus tard, j'ai ouvert mon propre café à Son La et je l'ai transformé en un lieu de rencontres pour la communauté LGBT et pour les hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH). Nous y avons même mis en place un service de dépistage rapide du VIH ! Ma mission, c'est de soutenir les clients, de communiquer pour changer les comportements et d'aider les patients atteints du VIH à accéder à un traitement.
Avant de faire mon coming out, j'avais le sentiment que ma vie n’était que tristesse et pression morale. Quand toute cette pression est partie, ma vie est devenue transparente comme un livre ouvert !
Si je pouvais revenir en arrière, je n’"oublierais" pas intentionnellement mon journal à un endroit visible en espérant que quelqu'un le lirait. Avec tout ce que je sais maintenant, je serais fier d’annoncer moi-même à ma famille que je suis gay.
"J'ai mal au cœur" - Minh Thuan ouvre une clinique pour les hommes travailleurs du sexe.
Quand on est travailleur du sexe, comme je lai été, il faut répondre à toutes les demandes des clients. Les premiers jours où j’ai fait ce travail, j’ai dû répondre aux demandes des clients et j'ai ressenti une douleur si atroce que j'en ai pleuré. Après avoir eu des rapports sexuels avec un client, en entrant dans la salle de bain, je me suis évanoui et je suis tombé sur le visage.
J’ai voulu quitter la ville, mais de quoi aurais-je pu vivre ? Si je travaillais comme aide sur des chantiers de construction, je ne gagnerais que quelques centaines de VND - l'équivalent peut-être de quelques centimes de dollars.
Aucun de mes amis, moi y compris, ne savait quoique ce soit à propos du VIH ou de ce qu’il fallait faire pour s’en prémunir. Quoi que nous disaient les clients, nous les croyions. Et beaucoup d'entre nous ont contracté le VIH.
Un jour, un ami à moi qui était atteint du VIH a quitté la ville. Je me souviens encore très précisément de chacun des mots qu’il m’a écrits dans son message : "Je rentre au village, ne vous embêtez pas à me chercher, j'ai attrapé le VIH et je ne veux pas continuer à vivre là-bas pour et vous le transmettre à tous." Chaque fois que je pense à ce SMS, j'ai mal au cœur. J’étais dévasté. Je ne pouvais rien faire pour l'aider !
En 2009, j'ai participé à un événement organisé par la communauté des hommes travailleurs du sexe. J’ai été stupéfait de voir à quel point mes amis et moi-même avions tort à propos du VIH. Je suis devenu travailleur de proximité pour un salaire modeste.
Après un certain temps, j'ai créé le groupe d'entraide AloBoy pour la communauté des travailleurs du sexe. Ce groupe est devenu une organisation communautaire et a été reconnu comme entreprise à caractère social. En 2019, nous avons décidé d'ouvrir une clinique communautaire, AloCare, pour fournir aux membres de la communauté des conseils et des traitements contre le VIH et les IST. Je suis très fier de ce que nous avons réalisé.
Je veux qu'AloCare continue à exister et soit toujours là pour la communauté, pour que plus personne n’ait à envoyer un SMS aussi triste que celui de mon ami.
Les Nations Unies à l'œuvre au Viet Nam
Au Viet Nam, l'ONUSIDA travaille sur différents fronts : réduction de la stigmatisation et de la discrimination à l'égard des HSH et des personnes transgenres ; autonomisation des communautés et formation de leaders communautaires ; et appui aux innovations communautaires en matière de VIH et de fourniture de services de santé afin de permettre aux membres des communautés d’utiliser davantage ces services. L’ONUSIDA travaille avec des entreprises sociales communautaires, dont celle au nom de laquelle la clinique AloCare est enregistrée (et qui est dirigée par Nguyen Minh Thuan) afin d’apporter une aide sociale d'urgence et un soutien en matière de VIH/IST/santé aux travailleurs du sexe et à d'autres populations clés touchées par le VIH - notamment les HSH et les personnes transgenres - et d'atténuer ainsi les effets de la COVID-19 sur ces groupes.
Les entités de l’ONU travaillent ensemble pour mettre fin à la violence de genre au Viet Nam. Parmi les activités récemment mises en œuvre dans ce cadre figure le projet lancé cette année par l'UNICEF, ONU Femmes et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) pour aider le gouvernement, les ONG et les organisations de la société civile à lutter contre la violence à l'égard des femmes et des enfants. L'UNICEF et ONU Femmes ont fait équipe pour aider à protéger les femmes et les enfants dans les centres de quarantaine mis en place pendant la pandémie de COVID-19. En outre, cette année, le FNUAP a publié une étude historique sur la violence faite aux femmes, en se basant sur un modèle de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L’ONU soutient depuis longtemps les efforts déployés pour protéger les personnes LGBTIQ dans les diverses sphères de la vie, notamment en aidant à créer des espaces plus sûrs pour cette communauté. L'ONU s'exprime par ailleurs régulièrement sur les questions qui concernent la communauté LGBTI.
Article produit par l’ONU au Viet Nam. Adapté de deux histoires originales publiées sur le site web de l’ONU au Viet Nam : 1. [Des figures de courage] Nguyen Trong Hung - Leader de la communauté HSH à Son La et 2. [Des figures de courage] Minh Thuan, directeur de l'entreprise sociale Thuan Truong et directeur et coordinateur de la clinique AloCare. Ces histoires ont été écrites par Doan Thanh Ha, consultante en communication à ONU Femmes et Nguyen Thi Nhung, consultante en communication à l’ONUSIDA. Le présent article a été édité par Paul Vandecarr, du Bureau de la coordination des activités de développement. Pour en savoir plus sur l’action menée par l’ONU au Viet Nam, consultez le site https://vietnam.un.org/.