10 faits à connaître sur la crise humanitaire en Ukraine

Depuis six ans, au Donbas, en Ukraine, les gens vivent dans la peur : la peur de la violence physique engendrée par le conflit qui les entoure; la peur de ne pas savoir s'ils pourront gagner leur vie ou s'ils pourront percevoir leur pension de retraite pour pouvoir subvenir à leurs besoins; la peur de vivre à proximité de la "ligne de contact", qui est jonchée de mines terrestres et autres explosifs; et, désormais, la peur d'un virus qui a fait des ravages dans le monde et qui menace d’aggraver les difficultés liées à la crise humanitaire.
Plus de 10,000 civils ont été tués ou blessés et 1.4 million de personnes enregistrées comme déplacées à l'intérieur de leur pays à cause du conflit le plus meurtrier que l'Europe ait connu au cours des deux dernières décennies. La pandémie de COVID-19, qui dure depuis si longtemps déjà, n'a fait qu’accentuer les difficultés que rencontre la population qui vit dans cette partie de l'Ukraine touchée par le conflit. Quelque 3.4 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire et ce nombre devrait augmenter avec la pandémie de COVID-19 et de ses répercussions économiques.
Malgré le conflit en cours, l’action humanitaire dans l'est de l'Ukraine a constamment manqué de financements au cours des cinq dernières années. En conséquence, les acteurs humanitaires ne sont pas en mesure de garantir une aide aux personnes qui en ont besoin de façon urgente. En 2020, seuls 28 % des fonds nécessaires pour couvrir les besoins humanitaires de cette seule année ont été apportés. La communauté des acteurs humanitaires a besoin, d'urgence, de 149 millions de dollars supplémentaires pour répondre aux crises humanitaire et sanitaire et venir en aide aux personnes vulnérables qui vivent dans les zones touchées par le conflit.
1. Le cessez-le-feu négocié récemment redonne espoir aux populations touchées par le conflit, qui sont prises entre crise humanitaire et crise sanitaire

Le conflit en cours dans l'est de l'Ukraine, qui en est maintenant à sa septième année, a fait 94 victimes civiles rien qu'en 2020 et les combats actifs se sont poursuivis même pendant les premières phases de la pandémie. Bombardements, mines terrestres et restes explosifs de guerre sont la réalité quotidienne de celles et ceux qui ont restés vivre dans les zones ravagées par le conflit. Pour les communautés qui résident à proximité de la "ligne de contact", en particulier, la peur est encore plus intense. Le stress engendré par ce conflit a été exacerbé encore davantage par la pandémie de COVID-19 et les restrictions dues au confinement, qui ont limité la capacité des personnes à franchir la "ligne de contact", à accéder à des services essentiels et aux marchés et à recevoir l'aide humanitaire sur laquelle il s’appuient habituellement. En juillet, après plusieurs mois de négociations, un accord de cessez-le-feu a finalement été conclu. S'il est respecté, ce cessez-le-feu pourrait apporter le sentiment de paix et de soulagement dont les civils qui vivent dans les zones de conflit en Ukraine ont tant besoin.
2. Des familles ont été séparées de part et d’autres d’une ‘ligne de contact" qui s’étend sur 420 km

Les familles vivant de part et d'autre de la "ligne de contact" - une barrière de 420 kilomètres de long qui divise le territoire en deux zones, l’une contrôlée par le gouvernement et l’autre qui échappe au contrôle du gouvernement - ont été séparées de manière arbitraire. Le tracé de la "ligne de contact" et de ses environs a été modifié à plusieurs reprises depuis 2014, mais cette ligne reste une zone sensible où la violence peut flamber à la moindre provocation. Pour passer d'un côté à l'autre de la ligne, les civils doivent franchir un des cinq points de passage. Avant la pandémie de COVID-19, ces points étaient franchis en moyenne 1,2 million de fois chaque mois. Depuis qu’ils ont été fermés, à la fin du mois de mars, dans le cadre des mesures prises pour freiner la propagation du virus, le nombre de passages a fortement diminué pour atteindre le chiffre d’à peine quelques milliers en moyenne par mois, la priorité étant donnée aux personnes ayant obtenu une dérogation pour raisons humanitaires. Les personnes à qui l’on a refusé le passage se sont retrouvées bloquées d’un côté ou de l'autre de la ligne et confrontées à des difficultés insurmontables pour pouvoir rentrer chez elles ou accéder aux services dont elles dépendent. De nombreuses familles ont été séparées durant des mois, sans avoir la moindre certitude quant au moment où elles pourraient se réunir à nouveau.
3. L’Ukraine a la plus forte proportion de personnes âgées et de personnes handicapées touchées par une crise humanitaire au monde

Les personnes âgées et les personnes handicapées représentent plus de 30 % de la population vivant dans les zones de conflit en Ukraine. Il s’agit du pourcentage le plus élevé de toutes les crises humanitaires en cours dans le monde. Beaucoup de personnes valides et de jeunes ont migré vers d'autres régions de l'Ukraine, laissant derrière eux des personnes handicapées ou des personnes trop âgées pour refaire leur vie ailleurs. Le conflit a isolé encore davantage les communautés rurales. Sur les quelque 70.000 personnes vivant dans les zones de peuplement contrôlées par le gouvernement, qui sont isolées et coupées des services essentiels en raison de l'insécurité et des dommages causés aux infrastructures routières, plus de 40 % sont des personnes âgées et 13 % souffrent d’un handicap. Dans ces communautés, les gens, notamment les personnes dont la mobilité est réduite, dépendent des services essentiels fournis par les acteurs humanitaires, tels que les soins dispensés par les unités médicales mobiles, sans lesquels ils ne pourraient pas survivre.
4. Des centaines de milliers de personnes ne perçoivent plus de pension de retraite

En Ukraine, la plupart des personnes âgées dépendent de leur pension de retraire mensuelle pour subvenir à leurs besoins essentiels. Toutefois, elles ne peuvent toucher cette pension que dans les banques situées dans les zones contrôlées par le gouvernement, ce qui pose d’importants problèmes aux retraités qui résident dans les zones situées de l’autre côté de la "ligne de contact". Ainsi, depuis 2014, en raison des contraintes administratives générées par le conflit, quelque 700.000 personnes vivant dans les zones non contrôlées par le gouvernement, soit plus de la moitié des retraités qui y étaient enregistrés, ne peuvent plus retirer leur pension. La fermeture de la "ligne de contact" en mars avec la COVID-19 a aggravé la situation, puisque la plupart des personnes n'ont pas pu franchir la ligne pour se rendre dans la zone contrôlée par le gouvernement, où elles retirent habituellement leur pension. Pas moins de 300.000 personnes sont restées ainsi sans retraite. La levée définitive des restrictions liées à la COVID-19 n’étant pas en vue, des centaines de milliers de personnes âgées pourraient devoir vivre sans leur principale source de revenus pendant de nombreux mois encore. L'aide humanitaire est donc devenue une nécessité vitale pour ces personnes devenues vulnérables.
5. Dans les zones déchirées par le conflit, la COVID-19 constitue une source de stress supplémentaire pour la santé mentale

Alors qu’elles souffrent déjà des conséquences de plus de six années de conflit armé, les populations de l'est de l'Ukraine ont vu leur capacité de résilience mise une nouvelle fois à l'épreuve, par la pandémie de COVID-19 cette fois. Le système de santé et les services d’aide psychosociale, qui, avant la pandémie ne disposaient pas de suffisamment de ressources et de personnel, ont été mis à rude épreuve par la crise et les besoins qu’elle a générés. Près de 40 % des habitants des régions de Donetsk et de Louhansk ont souffert de stress, de dépression, d'anxiété et du syndrome de stress post-traumatique. Il est probable que ce chiffre ait augmenté avec la pandémie et les restrictions sanitaires qui ont été imposées à la population. En outre, les retombées économiques de la pandémie en Ukraine seront vraisemblablement très importantes et les zones de l'Est touchées par le conflit risquent d’être les plus sévèrement impactées. Les difficultés financières qui sont venues s’ajouter avec la COVID-19 vont aggraver les problèmes de santé mentale de la population et causer encore plus de souffrance.
6. Les bombardements ont perturbé l’accès à l’eau potable pour des millions de personnes

Les infrastructures civiles ont été durement impactées par le conflit et de nombreuses installations d'eau et d'assainissement ont été endommagées par les bombardements, perturbant les systèmes d'approvisionnement en eau qui desservaient près de 4,2 millions de personnes. Fait incroyable, les travailleurs de Voda Donbasu, une société de distribution d'eau opérant dans l'est de l'Ukraine, sont devenus des héros, risquant leur vie pour réparer les installations et rétablir l'accès à l'eau pour des centaines - parfois des millions - d’habitants. Toutefois, une personne vivant à proximité de la "ligne de contact" sur quatre subit de pénuries d'eau, ce qui rend difficile le quotidien des habitants et l’application des mesures sanitaires pourtant indispensables pour contenir la propagation de la COVID-19.
7. Le conflit a entraîné un fort déclin de l’activité économique dans l’ancien "cœur industriel" du pays

Le Donbass, qui est le centre de l'industrie ukrainienne de l'extraction du charbon, a toujours été considéré comme le "cœur industriel" du pays. Cependant, au cours des six années de conflit, la situation économique s'est détériorée de manière inexorable à mesure que les habitants ont quitté la région et que les infrastructures ont été endommagées. Dans la région, les emplois ont disparu à mesure que les investissements se sont taris et les habitants de cette partie du pays dévastée par le conflit se sont retrouvés dans une situation de grande vulnérabilité économique. La pandémie n'a fait qu'aggraver la situation. On estime que le taux de chômage national atteindra 12 % cette année, alors que, selon des sources non officielles, ce taux pourrait atteindre 15 %. L'Est de l’Ukraine se retrouvera probablement en plus mauvaise posture que le reste du pays, étant donné qu’avant la crise sanitaire mondiale, le taux de chômage officiel dans les zones contrôlées par le gouvernement atteignait déjà de 15 %, soit le double de la moyenne nationale.
8. L'Est de l’Ukraine est l’une des régions les plus polluées par les mines dans le monde

Avec plus de deux millions de personnes vivant dans des zones polluées par des mines, l'Ukraine se classe au cinquième rang mondial pour le nombre de victimes de mines terrestres et autres explosifs, derrière l'Afghanistan et la Syrie. Depuis 2014, plus de 2.000 civils ont perdu la vie ou ont été blessés par des mines terrestres et engins explosifs. En 2019, environ 35 % des victimes civiles et une victime sur deux parmi les enfants sont mortes pat l’explosion de mines terrestres. La présence de mines terrestres continue de représenter une menace importante pour la vie des femmes, des hommes et des enfants qui vivent à proximité de la "ligne de contact". Cette situation les empêche de se rendre dans les hôpitaux, sur les marchés et à l’école et impose à la population de vivre en permanence dans la peur.
9. Près d’un demi-million de jeunes grandissent dans un environnement violent et risquent d’être privés d’éducation en raison de la COVID-19

Plus de 500.000 enfants ont besoin d'une aide humanitaire dans l'est de l'Ukraine. Une génération entière d’enfants est ainsi en train de grandir dans la violence et la peur. Depuis le début du conflit en avril 2014, plus de 530 enfants ont été tués ou blessés. Les enfants de moins de six ans n'ont jamais connu leur communauté qu’en situation de crise. Au-delà de la menace qu’il représente pour leur intégrité physique, le conflit a également compromis l'avenir des enfants dans l'est de l'Ukraine en compromettant leur accès à l'éducation. Les établissements scolaires sont devenus le théâtre de dommages collatéraux, avec plus de 750 établissements touchés par les bombardements depuis 2014. La pandémie de COVID-19 n'a fait que compliquer encore l'accès à l'éducation en provoquant le plus grand bouleversement de l'histoire au niveau des systèmes éducatifs et en affectant jusqu'à 1,6 milliard d'apprenants dans le monde. Alors que les établissements éducatifs ont été contraints d’adopter des modes d'apprentissage en ligne pour prévenir la propagation du virus, les enfants dont les familles ne disposent pas d'un accès fiable à l'Internet ou des moyens technologiques nécessaires ont été laissés pour compte. Cette situation a exacerbé les disparités préexistantes en matière d’éducation et a remis en cause le droit fondamental des enfants à l'éducation à travers le monde, y compris dans l'est de l'Ukraine. Si la COVID-19 pose d’importantes difficultés au système éducatif de l’Est ukrainien, elle offre également l’opportunité de réinvestir dans l'éducation et d'adopter des approches plus inclusives, plus équitables et plus résistantes en matière d'apprentissage.
10. La communauté des acteurs humanitaires continue de plaider pour un accès facilité aux deux côtés de la "ligne de contact" pour les civils et les travailleurs humanitaires pendant la période de pandémie

Malgré les obstacles physiques et financiers qui entravent l’action humanitaire dans l'est de l'Ukraine, les acteurs humanitaires continuent à trouver des moyens pour apporter aux personnes touchées par le conflit l’aide dont elles ont absolument besoin. Les acteurs du monde humanitaire travaillent activement non seulement à intensifier leurs interventions, mais aussi à faciliter l’accès aux civils de manière à pouvoir leur apporter l’aide urgente dont ils ont besoin. La mise en place de dérogations pour raisons humanitaires permet désormais aux personnes en grandes difficultés de franchir la "ligne de contact" pour accéder à des services essentiels, retrouver leur famille, ou encore assister aux funérailles de leurs proches décédés. Les acteurs humanitaires ont même apporté de l'aide à pied lorsque les convois de véhicules n'étaient pas autorisés à passer. Les humanitaires se sont mobilisés pour venir en aide non seulement aux personnes touchées par le conflit, mais aussi à celles qui subissent l’impact de la crise sanitaire mondiale et des incendies de forêt survenus récemment dans la région. Plus que jamais, les civils touchés par le conflit comptent sur l'aide humanitaire pour survivre. Mais l’action des humanitaires ne peut se poursuivre sans le soutien des donateurs. Chacun peut soutenir l'action humanitaire dans l'est de l'Ukraine. Chaque don compte.
Pour faire un don, rendez-vous sur la page de la plateforme "UN Crisis Relief" consacrée aux dons pour l'Ukraine.
Produit par l'ONU en Ukraine. L'article a été publié à l'origine le 19 août 2020, à l'occasion de la Journée mondiale de l'aide humanitaire. Pour en savoir plus sur l’action menée en Ukraine, consultez le nouveau site web de l'équipe de l’ONU: https://ukraine.un.org/.














