Des casques pour protéger la vie : Une nouvelle génération d'équipements de protection pour les commerçants péruviens

Les personnes qui travaillent sur les marchés traditionnels péruviens sont en première ligne de la lutte contre la pandémie. Selon l'enquête nationale sur le niveau de vie des ménages de 2019, trois foyers sur cinq dans le pays dépendent de ces marchés pour se procurer des produits de première nécessité. Tout comme les médecins, les infirmières ou la police, ces commerçants courent un risque élevé de contracter la COVID-19. Le lavage fréquent des mains et les masques faciaux ne suffisent pas à eux seuls. Cela devient encore plus compliqué à présent avec la levée du confinement dans l'ensemble du pays. C'est la raison pour laquelle ces travailleurs de première importance ont adopté un nouvel outil pour leur permetre de faire face à la nouvelle normalité : des "boucliers de sécurité" qui pourraient leur sauver la vie et sauver la vie des membres de leur communauté.
Le paradoxe du marché
Le Pérou a été le premier pays d'Amérique latine à déclarer un confirment obligatoire, une mesure stricte appliquée pendant 107 jours pour endiguer la propagation de la COVID-19. Toutefois, avant même la levée progressive du confinement, le nombre de cas positifs au Pérou dépassait celui de certains des pays européens les plus touchés. Avec plus de 400.000 cas au total (ce nombre est toujours en augmentation), début août, le nombre de cas au Pérou était le deuxième plus élevé de la région, après le Brésil.
Face à cette augmentation inattendue, les commentateurs et journalistes ont braqué leurs projecteurs sur les marchés, les vendeurs et la congestion, qui ont révélé des inégalités sous-jacentes. Seuls 49 % des ménages péruviens disposent d'un réfrigérateur. Ce chiffre diminution de plus de la moitié pour les ménages vivant dans la pauvreté. Cela signifie qu'au plus fort de la pandémie, la plupart des familles ont été contraintes de sortir fréquemment et de s'exposer au virus à chaque fois qu'elles devaient acheter de la nourriture.
"Nous conseillons toujours à nos clients de garder leur distance et leur masque", explique Manuela Guerra Huallpa, qui travaille depuis 30 ans aux côtés de sa sœur pour vendre de la viande au marché municipal de Gran Mariscal Ramón Castilla, plus connu sous le nom de Marché central de Lima. "Tout est recouvert de plastique, c'est compliqué car les clients ont plus de mal à voir la marchandise, mais c'est pour le bien-être de tous", ajoute-t-elle.
Comme les sœurs Guerra, tous les commerçants de ce célèbre marché ont pris plusieurs mesures pour protéger leur santé et celle de leurs clients.

Une innovation qui protège : Des solutions locales pour la nouvelle normalité
L'expertise des Nations Unies dans le domaine des autres maladies à haut risque montre qu'un grand nombre de transmissions ne se fait pas par contact direct. La transmission se fait plutôt par un contact involontaire avec le visage, après que la personne ait touché une surface contaminée, même si la personne en question porte un équipement de protection individuelle (EPI) classique. L'EPI peut donner aux gens un faux sentiment de sécurité. Plus les gens en portent, plus leur vigilance se relâche.
Les "boucliers de sécurité" apportent une solution à ce problème en établissant une barrière physique qui limite le contact involontaire avec le visage. En exploitant l'intelligence collective de différents groupes spécialisés dans l'innovation et la production numérique, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS/OMS), la municipalité de Lima, PerúMakers et le réseau FabLabs Pérou ont conçu ces équipements de protection individuelle nouvelle génération, en se basant entièrement sur les habitudes des vendeurs et des acheteurs.
Contrairement aux autres équipements de protection, les "boucliers de sécurité" couvrent entièrement le visage du commerçant, y compris le menton. Ces boucliers faciaux son conçus pour être aussi respectueux de l'environnement que possible : ils sont fabriqués avec du plastique biodégradable et recyclable. En outre, grâce à leur simplicité, à leur légèreté et au fait qu'ils sont fabriqués avec des matériaux recyclables et biodégradables, les commerçants peuvent les intégrer complètement dans leur nouvelle normalité, sans dépendre de fournisseurs ou de producteurs spécifiques. Ils peuvent facilement les assembler, les nettoyer ou les remplacer.
"Cette visière est assez flexible et elle est confortable à porter quand on travaille. Je pense qu'elle a été bien pensée. Je me sens plus en sécurité quand je la porte, parce qu'elle protège non seulement le consommateur, mais aussi le vendeur", confie Luis Ropa Chauca, un commerçant de 60 ans, qui fait partie des 1.000 vendeurs du Marché central du Pérou à utiliser ce nouvel équipement.
Pas de stigmatisation
"Maintenant que nous avons rouvert, nous devons offrir à nos clients la sécurité et une meilleure expérience ; nous devons les attirer avec des mesures de sécurité et de protection et en les accueillant toujours chaleureusement", explique Enrique Salgado, un autre commerçant du Marché central. Il y a moins d'un mois, ce marché avait été fermé par la municipalité de Lima après que 59 des 201 commerçants avaient été testés positifs pour le virus.
Même si ce marché emblématique a rouvert avec de nouvelles - et strictes - mesures de sécurité, les chiffres reflètent une nouvelle réalité abjecte, celle de la stigmatisation. "Les ventes ont diminué, pour atteindre quasiment un quart du niveau où elles étaient. Émotionnellement, nous nous sentons abattus", raconte Ropa. "Notre travail est un service à la communauté ; nous aimons vraiment le contact avec notre clientèle et, ce travail, c’est aussi une façon de nouer des amitiés avec nos voisins et nos collègues commerçants", explique-t-il. Cette pandémie implique de mettre une barrière entre les clients et les commerçants. "On continue à avoir cette vocation du service aux autres, à apprendre à connaître les membres de notre communauté et à les traiter avec affection. C'est quasiment un lien affectif qui nous lie", confie M. Salgado qui, suivant la tradition familiale, travaille sur ce marché depuis 12 ans.
L’initiative "Boucliers de sécurité" montre que les commerçants eux-mêmes ont la volonté de changer les choses et font des efforts pour surmonter cette crise en s’appuyant sur des partenariats et des méthodologies innovantes.
"Plus nous travaillerons dans des conditions de sécurité, plus nos clients nous feront confiance et viendront acheter chez nous", espère Mme Salgado, confiante.
Ces casques de sécurité protègent les acheteurs, mais aussi les commerçants qui fournissent le pays en produits alimentaires pendant la crise. Ces commerçants, comme tous les autres travailleurs de première importance, aident à relancer l’économie en toute sécurité, sans stigmatisation.
Prendre soin de ceux qui prennent soins de nous
Dans la lignée de ces premiers boucliers de sécurité utilisés par les commerçants sur les marchés, un travail est déjà en cours pour la conception de nouveaux équipements adaptés à d'autres travailleurs de première importance comme le personnel médical, les forces armées et la police.
Avec la reprise des activités économiques, les personnes les plus à risque de contracter le virus, depuis le début de la pandémie, demeurent les travailleurs qui accomplissent des missions essentielles. Au début du mois d'août, les nouveaux cas positifs ont augmenté de 27 % au sein de ce groupe. Il est évident que cette augmentation rapide nécessite la mobilisation des citoyens et l'utilisation de mécanismes innovants pour aider à améliorer la protection et l'accès aux ressources.
En vue d'aider, à terme, 100.000 travailleurs qui accomplissent des missions essentielles, la campagne "Boucliers de sécurité" sera le fer de lance de l'initiative de financement participatif " Prendre soin de ceux qui prennent soins de nous" qui s’étale sur les mois d’août et septembre. Les gens auront la possibilité d'être des acteurs du changement et de contribuer à la production de nouveaux équipements de sécurité grâce à un mécanisme de financement direct, à l’activisme, à la créativité et à la communication digitale. A travers ces actions, nous pouvons tous bâtir une nouvelle normalité de plus en plus sûre, inclusive et durable, dans laquelle aucun travailleur accomplissant une mission essentielle ne risque de tomber malade ou de mourir en faisant simplement son travail.
Auteure: Sally Jabiel
Photo: Municipalité de Lima
Supervision générale: Karim Capristan
Cet article a été publié à l'origine sur le site web de l’ONU au Pérou. Pour lire l'article en espagnol et en savoir plus sur l’action menée dans le pays, consultez le site web de l’ONU au Pérou à l'adresse https://peru.un.org/.














