Bâtir la confiance et construire l'avenir
"Nous savons que chaque fois que se produit un crime atroce comme celui qui s’est produit ici [Bosnie-Herzégovine], il est souvent précédé d’une période imprégnée de haine. Ce type de crime naît souvent de la responsabilité d’individus - qui peuvent être des dirigeants politiques, des leaders religieux, ou des personnes lambdas - qui propagent la haine de 'l'autre' en montrant du doigt telle ou telle communauté religieuse du fait qu’elle serait responsable de tel ou tel problème."
Ingrid Macdonald est la Coordonnatrice résidente des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine. Elle est chargée de piloter les efforts de l'ONU visant à appuyer le développement dans un pays encore profondément marqué par les divisions ethniques et l'héritage de la guerre et du génocide de Srebrenica perpétré en 1995.
Ingrid a grandi dans une petite ville minière de Nouvelle-Zélande. Elle a rejoint l'ONU en 2016. Mais elle a une longue expérience de travail dans les domaines de l'humanitaire, du développement et des droits de l'homme. Elle a travaillé dans le monde entier : Darfour, Philippines, Pérou, Ukraine. Dans cet entretien très instructif, elle parle des défis auxquels elle a été confrontée dans le cadre de nombreuses missions et évoque des souvenirs qui l’ont marquée lorsqu’elle défendait des personnes vulnérables, notamment des femmes en Afghanistan.
Depuis qu'elle s'est installée à Sarajevo, au début de l'année 2020, au moment où la COVID-19 commençait à se propager dans le monde entier, Ingrid s’emploie à trouver des moyens pour rapprocher les communautés entre elles malgré leurs divisions et à lutter contre les discours de haine et de négation du génocide qui se propagent 26 ans seulement après que 8.000 hommes et garçons musulmans ont été massacrés par les forces serbes de Bosnie, à Srebrenica.
Vous trouverez ci-dessous les points forts de l’entretien d'Ingrid Macdonald réalisée par Melissa Fleming, la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies à la communication globale. Ingrid s’exprime en toute franchise d'elle-même et de son point de vue sur des questions très importantes qui ont un impact sur la Bosnie-Herzégovine et sur le reste du monde.
La Bosnie-Herzégovine à l’heure de la COVID-19
Afghanistan
Melissa Fleming 00:00
Bienvenu sur Awake At Night (traduction littérale en français : "Éveillés la nuit", ou "Nuit blanche"). Je suis Melissa Fleming et je vous parle depuis les Nations Unies. Je suis aujourd'hui avec Ingrid Macdonald, qui nous a rejoints depuis Sarajevo. Ingrid est Coordonnatrice résidente des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine. Ingrid, nous parlerons un peu plus tard de ce que vous faites actuellement, mais je sais que vous étiez autrefois basée en Afghanistan. Il y a quelques jours, les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan après le retrait des troupes américaines. Que ressentez-vous face à la situation actuelle ?
Ingrid Macdonald 00:51
Je pense que qui se passe en Afghanistan est une véritable tragédie. Ça me bouleverse de voir que vingt ans d'efforts, que les Afghans eux-mêmes ont consacrés à bâtir leur avenir, sont réduits à néant. Et quand vous voyez ces images de l'aéroport, du désespoir, c'est vraiment... Je pense que ça fait vraiment réfléchir tout le monde de voir cette peur et, vous savez, ce désespoir que les gens ressentent. Mais nous ne pouvons pas juste nous désengager et dire que c'est trop difficile : nous devons en fait nous réengager davantage encore, parce que ces gens ont placé leur espoir en nous, ils ont placé leur confiance en nous. Et nous avons la responsabilité de réagir. Donc, pour moi, c'est frustrant, c'est dévastateur. Mais mes sentiments comptent peu. Ce qui compte, c’est ce que ces personnes ressentent et nous disent.
Changement climatique
Melissa Fleming 29:35
Qu'est-ce qui vous empêche de dormir la nuit, ces derniers temps, Ingrid ?
Ingrid Macdonald 29:38
Je crois que parmi les choses qui m'empêchent de dormir, il y a la question du changement climatique, qui, je suppose, n'est même plus un changement climatique désormais. Cette catastrophe climatique, ce désastre existentiel imminent dont nous savons tous qu'il est là et sur lequel nous essayons de travailler. Et c'est le fait que, vous savez, nous venons de recevoir ce rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat qui dit en substance que nous avons atteint le point de non-retour dans certaines régions du monde. Nous savons que nous allons atteindre les deux degrés. Nous savons que nous aurons davantage de phénomènes météorologiques extrêmes, qu’ils seront plus dévastateurs et plus fréquents et que le niveau des océans va monter. Ce n'est plus de la spéculation. Ce sont des faits. Ce sur quoi il est éventuellement possible de spéculer, c’est la question de savoir quel sera le niveau de la dévastation si nous ne changeons pas notre comportement.
Et donc, ce qui me tient éveillée la nuit, c'est de me demander comment changer ce comportement. Comment trouver la solution et stopper cette destruction et ces pratiques destructrices qui sont devenues une seconde nature pour nous. Comment travailler ensemble entre communautés et entre êtres humains pour faire face à la plus grande crise à laquelle nous ayons été jamais confrontés. Pas pour nous-mêmes, je veux dire, pas pour notre génération : nous, nous allons probablement nous en sortir. Mais pour la génération future et la génération suivante. Qu'allons-nous leur laisser ? Et donc tout cela m’affecte vraiment et j'y pense beaucoup.
Pour écouter l'intégralité de l’entretien, rendez-vous sur https://www.un.org/en/awake-at-night/S4-E4-build-trust-and-build-a-future.