Les peuples réclament une solidarité mondiale pour relever les défis d'aujourd'hui
L'Organisation des Nations Unies a été fondée en 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Mais ses origines remontent aux heures les plus sombres de cette guerre.
En août 1941, alors que des souffrances sans précédent s’abattaient sur le monde entier et que les Juifs d'Europe risquaient d'être exterminés, que Londres était bombardée et que le Parlement lui-même était avait été touché, le Premier ministre Winston Churchill et le Président Franklin D. Roosevelt se sont réunis pour s'engager en faveur d'une vision commune pour les générations d'après-guerre.
Les engagements qu'ils ont pris, connus sous le nom de Charte de l'Atlantique, ont jeté les bases d'un ordre mondial plus juste, fondé sur le droit de tous les peuples à choisir leur propre forme de gouvernement ainsi que sur la coopération, les droits de l'homme et l'État de droit.
Trois ans plus tard, en 1945, bon nombre des principes et des valeurs de la Charte de l'Atlantique ont été inscrits dans notre document fondateur : la Charte des Nations Unies.
À bien des égards, la vision de nos fondateurs a été ainsi reconnue.
Il n'y a pas eu de troisième guerre mondiale.
Depuis 1945, le monde a connu la plus longue période de l’Histoire sans confrontation militaire entre grandes puissances.
C'est en soi un grand succès, dont l’ONU et ses États membres peuvent être fiers, à juste titre.
L'Assemblée générale, où les États se réunissent depuis 75 ans pour débattre des questions les plus importantes de notre époque, a connu de nombreux moments historiques.
Et le travail réalisé par l'Assemblée générale au quotidien a joué un rôle considérable dans la formulation et la mise en œuvre de lois sur les principaux biens mondiaux, qu’il s’agisse des droits de l'homme, de la protection de l'environnement, du contrôle des armes ou encore de la dissuasion des crimes de guerre. Les travaux de l'Assemblée générale ont contribué à améliorer la santé, le degré d'alphabétisation et le niveau de vie des populations dans le monde, ainsi qu'à promouvoir les droits de l'homme et l'égalité des sexes.
La déclaration de 1960 de l'Assemblée générale sur l'octroi de l'indépendance aux peuples coloniaux a constitué un jalon important pour l'autodétermination des peuples. Depuis la création de l'ONU, plus de 80 anciennes colonies ont gagné leur indépendance.
Au cours de l'année écoulée, les Nations Unies ont été en première ligne de la lutte contre la pandémie de COVID-19. L'Organisation mondiale de la santé a pris la tête de la riposte sanitaire mondiale et coordonné la fourniture d'équipements, de formations et de services essentiels dans le monde entier. Au début de la pandémie, l'Assemblée générale a agi rapidement en adoptant une résolution appelant à la solidarité mondiale pour lutter contre le virus.
Si nous sommes fiers de nos réalisations collectives, nous sommes également conscients de nos échecs.
L'urgence climatique est déjà là et la réponse mondiale dans ce domaine a été tout à fait insuffisante. La dernière décennie a été la plus chaude de l'histoire de l'humanité. Les niveaux de dioxyde de carbone ont atteint des niveaux records.
Les incendies, les inondations apocalyptiques, les cyclones et les ouragans deviennent la nouvelle norme.
Si nous ne changeons pas de cap, nous pourrions nous diriger vers une augmentation catastrophique de température de plus de 3 degrés au cours de ce siècle.
La biodiversité est en train de disparaître. Un million d'espèces sont menacées d'extinction et des écosystèmes entiers disparaissent sous nos yeux.
C'est une guerre contre la nature qui est en cours - et une guerre sans vainqueur.
Pendant ce temps, les guerres conventionnelles s’enlisent et il devient de plus en plus difficile d’y mettre un terme.
Les tensions géopolitiques s’accroissent. La menace d’une prolifération des armes nucléaires et d’un conflit nucléaire est réapparue.
Les inégalités se creusent, la faim augmente. Le nombre de personnes qui sont tombées dans l'extrême pauvreté a augmenté pour la première fois depuis des décennies.
Des outils technologiques révolutionnaires ont ouvert de nouvelles perspectives, mais laissent aussi entrevoir de nouvelles menaces : cyberguerre, désinformation généralisée, discours de haine, renversement de régimes politiques et surveillance de masse.
La pandémie de COVID-19 a mis en évidence de graves lacunes dans le système de coopération et de solidarité mondiales.
Nous l'avons constaté tout récemment dans les nationalismes qui sont nés autour de la question des vaccins, certains pays riches se faisant concurrence pour acheter des vaccins pour leur propre population, sans aucune considération pour les pauvres de ce monde. Je remercie le gouvernement et le peuple du Royaume-Uni pour leur soutien au dispositif COVAX, créé par l'Organisation mondiale de la santé pour faire en sorte que les vaccins, qui constituent un bien public mondial, soient disponibles pour tous.
La pandémie de COVID-19 a eu un impact terrible et sans précédent sur les personnes pauvres et démunies, les personnes âgées et les enfants, les personnes handicapées et les minorités de toutes sortes. Elle a précipité environ 88 millions de personnes dans la pauvreté et exposé plus de 270 millions de personnes à une situation d’insécurité alimentaire aiguë.
Les perturbations provoquées par la pandémie au niveau des systèmes éducatifs va affecter des millions d'enfants pendant toute leur vie.
Des millions de femmes ont été prises au piège chez elles avec leur agresseur et les progrès réalisés en matière d'égalité des sexes ont été réduits à néant.
Les mesures d'urgence ont été invoquées pour faire taire les contestations et réduire les médias au silence.
La pandémie a révélé les profondes fragilités de notre monde.
Pour y faire face, nous devons réduire les inégalités et l'injustice et renforcer les liens d’entraide et de confiance mutuelle.
Au niveau international, j'ai lancé un appel en faveur d'un nouvel accord mondial. Le pouvoir, les ressources et les opportunités doivent être mieux gérés et partagés plus équitablement. Les pays en développement doivent pouvoir jouer un rôle plus important et plus pertinent au niveau des institutions mondiales.
Au niveau national, j'ai appelé à un nouveau contrat social entre les personnes, les gouvernements, le secteur privé et la société civile, entre autres, de sorte que l’on s'attaque aux racines de l'inégalité par la mise en place d’une fiscalité équitable sur les revenus et les richesses, la fourniture de services universels et la création d’opportunités pour tous.
Nous devons mettre l'accent sur une éducation de qualité pour tous, sans oublier les filles, ainsi que sur l'accès aux technologies numériques, qui sont de puissants facteurs d’égalité et de promotion.
L'investissement dans la relance doit permettre de renforcer les fondements des économies et des sociétés : droits de l'homme et dignité, coopération pacifique, respect des autres espèces, de notre planète et de ses limites.
La pandémie est une tragédie humaine, mais elle peut aussi être une opportunité.
Les mois passés ont montré que des transformations profondes sont possibles lorsqu'il existe une volonté politique et un consensus sur la voie à suivre.
Nous avons déjà un programme à mettre en œuvre : l'accord de Paris et le Programme 2030 pour le développement durable avec ses objectifs de développement durable, ou la nécessité de fixer un cap pour un monde post-COVID plus sain.
Ces accords ont été adoptés par tous les pays et ont été inspirés par la mobilisation des communautés et de la société civile, et en particulier des jeunes du monde entier.
Nous devons maintenant nous montrer plus ambitieux et prendre des mesures pour mettre en œuvre ce programme, en commençant par l'urgence climatique.
Cette année, l'objectif central de l’ONU est de mettre en place une coalition mondiale pour la neutralité carbone d'ici au milieu du siècle.
Nous avons besoin de prendre des mesures drastiques dès maintenant afin de réduire les émissions mondiales de 45 % d'ici à 2030, par rapport aux niveaux de 2010.
Le Royaume-Uni s'est déjà engagé à réduire ses émissions de 68 % d'ici à 2030 par rapport à 1990. J'espère que vous continuerez à jouer un rôle de premier plan dans la préparation de la COP26, prévue à Glasgow.
Chaque pays, ville, organisation, institution financière et entreprise doit adopter un plan pour atteindre l’objectif de « zéro émission nette » d'ici à 2050 et doit commencer à mettre en œuvre ce plan dès à présent, avec des objectifs à court terme clairs.
L'année dernière, l’ONU a lancé une enquête mondiale à l’occasion de son 75ème anniversaire. Nous avons demandé à des personnes du monde entier de nous faire part de leurs espoirs, de leurs craintes et de leurs priorités en matière d'action internationale.
Plus de 1,5 million de personnes ont répondu.
Partout, les gens ont demandé un meilleur accès aux soins de santé, à l'éducation, à l'eau potable et aux services d’assainissement. Ils ont demandé une plus grande solidarité internationale et un soutien accru pour les personnes démunies.
97 % d'entre eux ont appelé à une meilleure coopération internationale en vue de trouver des solutions multilatérales aux défis mondiaux actuels.
Ils se sont prononcés avec force en faveur d'une ONU revigorée offrant un cadre pour mener à bien cette coopération. 75 ans après sa création, l'Assemblée générale reste un forum mondial où tous les pays peuvent faire entendre leur voix.
Pour l'avenir, la priorité absolue est l'action climatique, suivie par la protection des droits de l'homme, le règlement des conflits et la lutte contre la corruption, la promotion d’une croissance durable et inclusive et la création d’emplois.
Tout cela montre que si nous sommes confrontés à des défis sans précédent, nous avons des raisons d'être optimistes.
Partout, les gens comprennent que la résolution des problèmes actuels exige de nouvelles approches qui soient fondées sur des valeurs et des principes communs.
Nous sommes, comme en 1945, à tournant, mais nous ne sommes pas en 1945.
La guerre d'aujourd'hui est une guerre contre un virus microscopique.
Celle de demain pourrait être une guerre contre des terroristes dans le cyberespace.
Et nous sommes toujours en train de perdre la bataille de longue haleine contre le changement climatique.
Les conflits ne sont plus uniquement une question de puissance militaire et économique, pas plus que le pouvoir n'est l'apanage des États.
Le besoin de coopération internationale est toujours d’actualité, mais nous devons élargir l’idée que nous nous en faisons.
Dans le monde interconnecté dans lequel nous vivons, nous avons besoin d'un multilatéralisme en réseau qui permette aux organisations mondiales et régionales de communiquer entre elles et de travailler ensemble à la réalisation d'objectifs communs. Et nous avons besoin d'un multilatéralisme inclusif, basé sur une représentation paritaire des femmes et des hommes et sur la prise en considération des jeunes, de la société civile, des entreprises et de la technologie, des villes et des régions, de la science et du monde universitaire.
Nous devons transformer notre système mondial en un partenariat mondial.
La justice et l'égalité, et notamment l'égalité des sexes, sont des conditions préalables à ce partenariat.
Le leadership des femmes et la participation paritaire des femmes et des hommes aux différents secteurs de la vie sont des moyens indispensables pour relever les défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés.
L'année qui vient de s’écouler a mis en évidence l'efficacité du leadership des femmes et a démontré que la prise de décisions, lorsqu’elle est paritaire, conduit à des accords climatiques plus solides, à un investissement plus important dans la protection sociale, à une paix plus durable et à plus d'innovation.
La concrétisation d’une représentation des femmes égale à elle des hommes nécessite des actions audacieuses, et je suis fier des résultats que nous avons atteints dans ce domaine au cours des quatre dernières années.
À l'extérieur des Chambres du Parlement se dresse une statue de Millicent Fawcett sur laquelle est inscrit le célèbre cri de ralliement de cette suffragette britannique : "Le courage appelle le courage, partout".
Aujourd'hui, ce sont souvent les jeunes qui font preuve de courage et qui exigent de nous d’en faire autant.
Je tiens à leur dire clairement : je suis à vos côtés. Vous me donnez de l'espoir.
Les jeunes peuvent changer le monde et ils y parviennent.
Votre courage, votre engagement et votre action ont déjà fait la différence.
Aujourd'hui, au sein de l'Assemblée générale des Nations Unies, je constate un élan croissant en faveur d’un changement de la part des militants de base, des jeunes et de la société civile, ainsi que des entreprises, des villes, des régions et des gouvernements.
Je suis convaincu qu’ensemble, nous pouvons sortir de la COVID-19 et jeter les bases d'un monde plus propre, plus sûr et plus juste pour nous tous, et pour les générations à venir.
Je vous remercie.