L'humanité tout entière doit se défendre contre le coronavirus
Le coronavirus atteint désormais des régions où les gens vivent dans des contextes de guerre, ne peuvent pas facilement mettre la main sur du savon ou de l'eau propre et n'ont aucun espoir d’accéder à un lit d'hôpital s'ils tombent gravement malades.
Si les pays dotés de systèmes de santé solides cèdent sous la pression des épidémies de coronavirus, imaginez ce qu’il se passerait dans les pays en proie à de graves crises humanitaires causées par la guerre, les catastrophes naturelles, ou le changement climatique. Laisser la COVID-19 se propager librement dans ces pays mettrait en danger des millions de personnes et risquerait de faire basculer des régions entières dans le chaos, donnant au virus la possibilité de se propager dans le monde entier.
En mars, le système des Nations Unies a lancé une campagne humanitaire destinée à combattre le virus dans les pays les plus vulnérables du monde. Le coronavirus ne connaît pas de frontières et notre résistance collective dépend de la résistance du plus faible de nos systèmes de santé.
Les pays qui luttent actuellement contre la pandémie sur leur territoire donnent à juste titre la priorité à celles et ceux qui vivent à l'intérieur de leurs frontières. Mais la dure réalité à laquelle il faut faire face est qu’ils ne parviendront pas à protéger leur propre population s'ils ne font rien pour aider les pays les plus pauvres à se protéger contre la COVID-19.
Plus de 16.000 personnes dans le monde ont perdu la vie à cause de ce virus. Plus de 370.000 contaminations ont été confirmées. Nous vivons une époque effrayante. Les gens ont légitimement peur de perdre leurs proches, leurs moyens de subsistance et leur mode de vie.
S’il est vrai que les personnes âgées sont les plus durement touchées, les jeunes ne sont pas épargnés. Les données issues de nombreux pays montrent clairement que les personnes de moins de 50 ans représentent une proportion importante des patients nécessitant une hospitalisation. Dans les régions où les enfants sont mal nourris et ont déjà contracté des maladies transmissibles, il est presque certain que cette proportion va augmenter.
Nos équipes travaillent 24 heures sur 24 pour lutter contre cette pandémie. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) collabore avec les gouvernements et les secteurs industriels pour stimuler la production d'équipements de protection individuelle. Elle a expédié des équipements essentiels à 68 pays et a envoyé 1,5 million de kits de dépistage du coronavirus à 120 pays. Aujourd'hui, les organisations du système des Nations Unies joignent leurs forces pour amplifier la lutte, en particulier en vue d’aider les pays dont les systèmes de santé sont plus faibles. Pour protéger les plus vulnérables, cette campagne devra être financée par les pays les plus riches du monde : c’est ce que nous devons faire pour des raisons humanitaires, mais aussi pour une raison simple liée à la nécessité de protéger les autres populations.
Cet effort consistera à fournir du matériel essentiel - notamment du matériel de laboratoire pour dépister le virus - et des équipements médicaux destinés à traiter les personnes. Il permettra également d‘installer des stations de lavage des mains dans des camps et des zones d'habitation et de mettre en place des ponts aériens et des plateformes en Afrique, en Asie et en Amérique latine pour acheminer des travailleurs humanitaires et des fournitures là où ils/elles font le plus défaut. Enfin, cet effort permettra de lancer des campagnes d'information du public sur la manière de rester en sécurité et de protéger les autres.
Nous demandons aux gouvernements du monde entier de faire deux choses. Nous leur demandons premièrement de soutenir vigoureusement ce plan de réponse humanitaire mondial, qui ne fonctionnera que s'il est financé de manière appropriée.
Deuxièmement, nous leur demandons de continuer à financer les plans existants d'action humanitaire et d'aide aux réfugiés. Réaffecter les fonds destinés à financer ces plans pour lutter contre le coronavirus créerait une situation où le choléra, la rougeole et la méningite pourraient se développer, où encore plus d'enfants souffriraient de malnutrition et où les extrémistes seraient en mesure de contrôler des territoires. Cela aurait pour effet d’accroître le potentiel de développement du coronavirus.
Partout dans le monde, les gens veulent savoir combien de temps la pandémie va durer. La vérité est que nous l’ignorons encore. La pandémie n'en est qu'à ses débuts. Mais nous pouvons affirmer avec certitude que l'évolution de la pandémie sera déterminée par les mesures prises par les pays, les communautés et les individus.
Cette lutte va prendre du temps et exiger de la solidarité et de la coordination. Mais le virus peut être repoussé. Dans ce combat, il ne peut y avoir de demi-mesures. La COVID-19 menace l'ensemble de l'humanité. L'humanité tout entière doit se défendre.
Article coécrit par le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l'OMS et Mark Lowcock, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d'urgence de l’OCHA.
Article publié à l'origine en anglais sur le site du Washington Post le 24 mars 2020. Traduit en français par le Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD).