Crise climatique au Nigéria : En réponse au problème de la diminution des terres, l'ONU encourage le dialogue entre agriculteurs et éleveurs de bétail

Au Nigéria, depuis de nombreuses années, les agriculteurs et les éleveurs de bétail se battent sur des questions de droits fonciers. Mais ces conflits ont atteint un niveau de violence critique ces dernières années, causant la mort de milliers de personnes et le déplacement de plusieurs milliers d'autres forcées à quitter leurs foyers détruits par les attaques. Ces conflits ont fait plus de victimes que l'insurrection de Boko Haram.
Le changement climatique: l'un des principaux facteurs responsables.
L’élévation des températures a réduit le nombre de terres disponibles pour l'agriculture et le pâturage, laissant les agriculteurs et les éleveurs se battre pour les terres encore viables. Les éleveurs ont dû modifier leurs itinéraires de transhumance, c'est-à-dire les chemins qu’ils parcourent pour déplacer leur bétail d'un pâturage à un autre en fonction des saisons et les agriculteurs sont mécontents que les éleveurs s’introduisent sur ce qu’ils revendiquent comme étant leurs terres.
"Ce problème revêt trois dimensions majeures", explique le Dr Zebulon Suifon Takwa, conseiller des Nations Unies pour la paix et le développement au Nigéria. "La dimension environnementale, qui nécessiterait que l’on réduise les effets du changement climatique. La dimension de genre, puisque les femmes sont beaucoup plus touchées que les hommes et peuvent jouer un rôle déterminant dans la résolution des conflits. Et, enfin, la dimension ethnique, les éleveurs et les agriculteurs étant généralement issus de groupes ethniques et religieux différents".
L'ONU travaille sur les trois dimensions de cette crise. L’Organisation a mis en place un projet qui appuie les efforts de formation et de dialogue entre les parties prenantes dans les États nigérians de Benue, Nasarawa et Taraba. Ce projet est financé par le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix et mis en œuvre par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), ONU Femmes, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH).
"Par le dialogue et la formation, nous pouvons réduire la violence et accroître les chances que les communautés travaillent ensemble pour lutter contre le changement climatique", a déclaré M. Takwa. "Et nous soutenons les efforts déployés dans ce sens en apportant notre appui à l'action du gouvernement".
La crise qui oppose les agriculteurs et les éleveurs n'a fait que s’aggraver avec la pandémie de COVID-19. L'ONU travaille aussi sur ce front. Elle a élaboré une stratégie commune pour lutter contre la COVID-19 au Nigéria. Cette stratégie définit les contours d’une action conjointe d toutes les entités de l’ONU présentes dans le pays pour soutenir la réponse du gouvernement à la pandémie. En outre, l’ONU a travaillé avec le gouvernement pour préparer un plan national de réponse à la COVID-19, qui détermine la voie à suivre pour que tous les secteurs de la société travaillent ensemble et affrontent la pandémie par l’établissement de partenariats, l’approvisionnement en fournitures médicales, la mobilisation des communautés, la coordination des interventions, l'analyse et l'innovation, ainsi que l’investissements dans le relèvement.
En travaillant sur ces deux crises - la pandémie et le conflit entre agriculteurs et éleveurs -l’ONU montrent à quel point des problématiques apparemment complètement distinctes sont en réalité liées.
Travailler des deux côtés de la ligne de fracture
Le travail des éleveurs et des agriculteurs est une source de revenus pour les familles et de nourriture pour les membres de la communauté. Une des solutions possibles pour réduire les conflits consiste à montrer aux deux parties comment obtenir les ressources dont elles ont besoin de manière plus efficace, sans avoir à se faire autant concurrence l’une à l’autre.
Les éleveurs ont besoin de fourrage pour leur bétail et l’ONU les encourage à recourir à d'autres moyens pour produire des matières premières, ce qui réduit le besoin en pâturages.
Les agriculteurs ont besoin de terres pour leurs cultures et l’ONU les forment à des techniques agricoles plus efficaces qui donnent de bons rendements. Bala Tsokwa, un producteur de manioc, d'ignames et de riz, fait partie des agriculteurs qui ont participé à ces formations. Sa ferme avait été attaquée et en grande partie détruite, l’obligeant à fuir pour se mettre à l'abri avec les six membres de sa famille. Traumatisé par cette expérience, il n'était pas sûr de pouvoir reprendre son activité d'agriculteur, jusqu'à ce que la formation offerte par l'ONU lui redonne confiance.

Ensemble, ces deux programmes de formation créent un modèle économique qui génère moins de frictions entre agriculteurs et éleveurs. Cela leur permet d’avoir plus de temps et d'énergie à consacrer à la production d’aliments et à la lutte contre le changement climatique dans la région.
Protéger les femmes de la violence
Dans l'État de Benue, le projet a permis d’organiser plus de mille débats sur les droits de l'homme et les relations interconfessionnelles. Près de 40.000 personnes y ont pris part. Les discussions ont notamment porté sur la violence sexuelle et fondée sur le genre, ainsi que sur l’exploitation et les atteintes sexuelles. Dans les conflits entre agriculteurs et éleveurs, les femmes sont particulièrement exposées au risque de subir des violences, davantage encore pendant la pandémie de COVID-19, qui a exacerbé les tensions.
Ces débats ont conduit à une augmentation du nombre de signalements des cas de violence. Parallèlement, les capacités d’investigation du gouvernement national et de l'État de Benue ont été renforcées. Les signalements de cas de violence et les enquêtes sont deux étapes importantes du processus d’élimination de ce type de violences.
Les femmes ouvrent la voie à la paix
Les conflits entre agriculteurs et éleveurs éclatent généralement entre hommes. Il semble donc logique de faire participer les hommes, ensemble, à ces discussions. Mais que se passerait-il si, au lieu de cela, on encourageait les femmes, les sœurs, les filles et les mères de ces hommes à se réunir pour se parler ?
Cette idée a justement été à l’origine de la création d’une assemblée de femmes dans l'État de Taraba, animée par l'honorable Danjuma Patience Ngati, ancienne conseillère municipale ayant participé à une formation de l’ONU sur la prévention et la gestion des conflits. L’assemblée a réuni 80 femmes issues des groupes ethniques Hausa, Junkun et Tiv, avant d’élargir le débat en convoquant une réunion communautaire incluant femmes, hommes et jeunes. Lors de cette réunion, les hommes et les jeunes se sont engagés à résoudre les conflits qui les opposaient par le dialogue et les moyens légaux plutôt que par les armes. Beaucoup d’autres initiatives de dialogue similaires ont été mises en œuvre dans l'État.
À Taraba toujours, le projet a incité le gouvernement de l'État à budgétiser des fonds, pour la toute première fois, pour la mise en œuvre du programme des Nations Unies pour les femmes, la paix et la sécurité. Ces fonds, ajoutés à la création d'un poste budgétaire spécifique pour les années à venir, engagent le gouvernement à mettre en place des mesures pour assurer la protection des femmes.
Les femmes dirigeantes de l'État de Nasarawa ont adopté la même approche que celles de Taraba : elles ont d'abord organisé des discussions entre les femmes, avant d’ouvrir le dialogue aux hommes et aux jeunes. Elles ont même franchi une étape supplémentaire, en organisant un troisième débat uniquement entre femmes issues de différents groupes ethniques. En choisissant de commencer et de conclure cette série de discussions par des séances réservées aux femmes, les responsables du projet mis en œuvre à Nasarawa ont permis aux femmes de s'impliquer davantage dans le processus de paix. Après le troisième débat, un différend entre agriculteurs et éleveurs a tourné au conflit violent, faisant plusieurs morts et suscitant de vives tensions. Les femmes ont ressenti du découragement, sans pour autant se laisser décourager. Elles ont exprimé leur détermination à œuvrer pour la paix.
"Nous faisons des progrès, mais nous essuyons parfois des revers", a expliqué Ahunna Eziakonwa, administratrice assistante du PNUD et directrice du Bureau régional pour l'Afrique. C’est un travail difficile qui prend du temps. Mais les femmes n'abandonnent pas la perspective d’un retour à la paix et l’ONU n’abandonnera jamais ces femmes. Nous pensons que la paix et la prospérité au Sahel sont possibles si nous accélérons nos efforts communs avec les communautés sahéliennes pour nous attaquer aux causes profondes de cette instabilité".
Produit en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix. Pour en savoir plus sur le travail réalisé par le Fonds, consultez ce site web. Pour en savoir plus sur l’action menée par l’ONU au Nigéria, consultez le site web de l’ONU au Nigéria.














