Au Myanmar, les agriculteurs se battent contre l'incertitude climatique et sanitaire
U Cho, un agriculteur de soixante et un ans de la région de Mandalay, dans le centre du Myanmar, a dû surmonter de très grandes difficultés tout au long de sa vie. À l'âge de cinq ans, il a contracté une poliomyélite qui l'a laissé paralysé de la jambe gauche et a anéanti son projet de devenir moine après l’école primaire. "Privé de tout espoir de pouvoir rejoindre un jour le service public, j’ai pensé que je ne pourrais pas réussir pas dans la vie", confie-t-il.
En fin de compte, comme beaucoup d'autres au Myanmar, U Cho est devenu agriculteur. Dans les zones rurales du pays, sept personnes sur dix vivent de l'agriculture, de la pêche ou de l'élevage. U Cho a pu gagner suffisamment d’argent pour scolariser ses enfants, mais il doit maintenant affronter une nouvelle série de difficultés qui l’obligent à lutter plus durement pour sa survie.
Des décennies d’incertitude
Une étude récente de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) portant sur l’évaluation de l'impact de la pandémie sur les exploitants de fermes familiales à Mandalay et dans d'autres régions du pays suggère que le climat a considérablement changé au cours des dernières décennies. 95 % des agriculteurs interrogés ont déclaré que ces changements avaient entraîné une baisse des rendements de leurs récoltes, voire à des récoltes nulles.
Du fait des changements climatiques, il est devenu difficile pour les petits exploitants agricoles de savoir à quel moment ils doivent commencer à labourer, semer ou cultiver. De surcroît, avec les faibles précipitations que connaît la région, les conditions sont défavorables pour ceux qui dépendent uniquement de l'eau de pluie. Cette année, par exemple, U Cho a perdu 2 hectares de sésame à cause de la sécheresse.
Les mesures prises par le gouvernement pour maîtriser la propagation de la COVID-19, en particulier celles consistant à limiter les déplacements, ont aggravé la situation. Beaucoup de gens pauvres, qui se démenaient déjà pour survivre avec quelques maigres revenus avant la pandémie, doivent désormais lutter plus durement contre la baisse de leurs sources de revenus, la détérioration de leurs conditions de vie et la réduction de leur pouvoir d'achat.
"Depuis le début de la COVID-19, la demande sur le marché des produits agricoles. Les prix des principales denrées que nous produisons ont chuté, alors que le prix du riz a augmenté", s'inquiète U Cho. "Je suis obligé de réduire les dépenses quotidiennes de la famille et, à présent, nous consommons plus de roselle [aussi connue sous le nom d’oseille de Guinée], que de viande comme plat principal", ajoute-t-il.
Vers un avenir plus résilient
En réponse à cette situation, l’ONU et les autorités du Myanmar travaillent sur des solutions pour résoudre les problèmes engendrés par la pandémie, à savoir les pertes de revenus et d'opportunités de travail, les dépenses supplémentaires générées par la crise et la baisse de la production agricole. L’ONU s’emploie en outre à aider le pays à faire face aux effets du changement climatique.
"Nous ne pouvons pas ignorer les multiples défis auxquels les agriculteurs sont confrontés et qui affectent la productivité", déclare Xiaojie Fan, représentant de la FAO au Myanmar. "Tout en trouvant des solutions pour répondre aux impacts immédiats de la COVID-19, nous devons continuer à aider le gouvernement et les agriculteurs à limiter les risques que représente la pandémie en termes de sécurité alimentaire et nutritionnelle et à rendre le pays plus résistant aux chocs et aux menaces futures".
Pour aider le pays à faire face aux effets de la COVID-19, la FAO a appuyé la mise en œuvre d’un programme phare destiné à aider les agriculteurs à créer des jardins potagers chez eux. Dans le cadre de ce programme, plus de deux mille familles ont reçu des semences de légumes. U Cho, qui compte parmi les bénéficiaires du programme, a reçu cinq variétés de semences. Il a pu ainsi récolter des légumes pour sa consommation personnelle et vendre le surplus de production sur le marché.
Des pratiques agricoles respectueuses du climat
La FAO et le ministère de l'agriculture travaillent par ailleurs ensemble pour dispenser des formations aux techniques de l’agriculture intelligente face aux changements climatiques. Ce type d’agriculture s’appuie sur les meilleures pratiques en matière de gestion des sols, de l'eau et des éléments nutritifs, ainsi que sur des pratiques visant à améliorer le rendement et la production des cultures. Les méthodes utilisées dans ce cadre sont conçues pour aider les petits exploitants à surmonter les difficultés liées au climat, à améliorer leur niveau de sécurité alimentaire et nutritionnelle et à accroître la productivité de leur exploitation ainsi que leurs revenus.
Avant la pandémie, U Cho avait créé une parcelle de démonstration grâce aux connaissances qu’il avait acquises dans le cadre de cette formation. Il avait même commencé à former d'autres exploitants agricoles aux techniques de l'agriculture intelligente face aux changements climatiques.
En mars, toutefois, dans la plupart des villages participant au projet, les sessions de formation ont dû être interrompues, car, pour aider à ralentir la propagation de la maladie, les villageois ont fabriqué des portails de fortune en bambou pour bloquer l’accès aux villages et les visiteurs se sont vu refuser l’entrée.
Depuis, la FAO a mis en place des mesures de prévention pour protéger le personnel et les communautés contre la COVID-19, en distribuant des matériels d'information sur le virus aux communautés. Elle a également fourni du savon et des masques aux agriculteurs pour que les villageois se sentent en confiance.
U Cho a finalement réussi à former 30 agriculteurs dans son propre village et 76 autres dans trois villages voisins. Il espère à présent retrouver des jours meilleurs : "Je crois que si chacun joue pleinement son rôle, nous surmonterons cette crise".
Produit par ONU Info. Cet article a été publié à l'origine sur le site web d’ONU Info le 8 novembre 2020.