Protéger les droits et les moyens de subsistance des femmes migrantes en Bolivie
Alejandra Mónica Quijua Tintaya est une ressortissante bolivienne de 34 ans qui avait un emploi de conditionneuse de fruits à Santiago du Chili. Comme d'autres travailleuses et travailleurs migrants, elle a perdu son emploi lorsque les cas de COVID-19 ont commencé à se multiplier en Amérique latine. Les conditions dans lesquelles s’est fait son retour en Bolivie illustre les difficultés accrues auxquelles les travailleuses et travailleurs migrants sont confrontés pendant la période de pandémie mondiale, mais aussi l'importance du rôle des associations dirigées par des femmes dans la protection des droits de ces dernières. Au cours d'un entretien avec ONU Femmes, Alejandra Mónica a insisté sur les besoins et les priorités économiques des femmes migrantes, notamment sur la nécessité de garantir un revenu minimum aux mères célibataires qui ont perdu leur emploi. Elle a aussi souligné la nécessité de mobiliser des ressources en faveur des femmes autochtones, des femmes handicapées et des femmes boliviennes d'origine africaine, qui comptent parmi les plus vulnérables.
J'ai quitté la Bolivie avec ma sœur cadette pour aller chercher du travail à Santiago du Chili. Nous avons rapidement trouvé un emploi : nous emballions des fruits et les disposions dans des caisses avec d'autres femmes migrantes en provenance de Cuba, d'Haïti, de Colombie et du Venezuela. Mais, en mars, deux mois après notre arrivée, nous avons toutes été licenciées et invitées à rentrer dans nos pays en raison d’une augmentation des cas de COVID-19.
Ça a été le début d'un cauchemar de 25 jours.
Nous avons passé deux jours sur la route. Lorsque nous sommes arrivés à la frontière, on ne nous a pas laissé entrer parce qu'à ce moment-là, la Bolivie avait fermé ses frontières pour empêcher la propagation du virus. Alors, pendant dix jours, nous avons vécu, 500 autres personnes et moi-même, dans les rues de la municipalité de Wara au Chili. Dans notre groupe de migrants, il y avait des femmes, des enfants, des personnes handicapées et des personnes âgées.
Nous avons décidé de nous organiser pour pouvoir rentrer dans nos pays respectifs. Alors, nous avons lancé une [campagne de] communication sur les réseaux sociaux, dans les médias. Nous avons pris contact avec l'Assemblée des droits de l'homme et les Nations Unies. Dix jours plus tard, enfin, le gouvernement nous a autorisés à entrer en Bolivie et, là, nous avons été mis en quarantaine pendant 14 jours dans le camp de Tata Santiago, dans la municipalité de Pisiga.
Le camp était surpeuplé, il n'y avait pas assez de nourriture et il faisait froid. Les enfants pleuraient de faim, les femmes enceintes risquaient de faire des fausses couches à cause de la nourriture malsaine.
Ensuite, une équipe des Nations Unies (HCDH, PAM, ONU Femmes, OIM) est venu nous apporter de la nourriture, des trousses d’hygiène personnelle, des couvertures, des médicaments, des bouteilles d’eau et des jeux pour enfants. On nous a donné des conseils techniques et une somme d’argent qui nous a sauvé la vie.
Avec le soutien d'ONU Femmes, nous [les femmes] nous sommes organisées et avons formé un Comité pour protéger toutes les personnes qui se trouvaient dans le camp. Nous avons entre autres constitué une équipe chargée de prévenir et de signaler les actes de violence commis contre les femmes et les enfants. Dans les camps, les besoins des femmes, des enfants, des personnes handicapées et des femmes enceintes n'étaient généralement pas considérés comme prioritaires. C'est pour cette raison que la présence des femmes au sein de ce Comité était fondamentale : nous assurions le bien-être des plus vulnérables".
Les femmes deviennent des migrantes parce qu'elles ne trouvent pas de travail dans leur pays. Alors, les gouvernements devraient penser à la manière de les réintégrer économiquement. Ils doivent s'assurer que les femmes sont rémunérées au même niveau que les hommes et que leurs droits au travail sont respectés".
Pour plus d'informations sur les stratégies de relèvement économique post-COVID-19 qui tiennent compte des questions de genre, consultez les nouvelles Notes de politique d'ONU Femmes.
Cet article a été publié à l'origine dans le cadre d'un entretien réalisé par ONU Femmes, intitulé "From where I stand" (De mon point de vue) et publié le 7 août 2020 sur le site web de l'agence